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Bilan : The State (2017)

Publié le 03 septembre 2017 par Jfcd @enseriestv

The State est une nouvelle minisérie de quatre épisodes qui ont été diffués du 20 au 23 août sur les ondes de Channel 4 en Angleterre. La fiction s’intéresse à Jalal (Sam Otto), Ziyad (Ryan McKen), Ushna (Shavani Cameron) et Shakira (Ony Uhiara) ; des citoyens du Royaume-Uni qui décident de tout quitter pour rejoindre l’État islamique en Syrie. D’abord guidés par l’espoir d’un monde meilleur en accord avec leurs principes, rien ne prouve que leur foi restera intacte devant les horreurs et contraintes auxquelles ils seront constamment exposés. Écrite réalisée par Peter Kosminsky qui a au préalable effectué environ un an et demi de recherche, The State est une série assez troublante qui ne laissera personne indifférent. Bien qu’il ne s’agisse que d’une fiction, cette immersion s’avère essentielle pour comprendre la mentalité en cours dans le camp ennemi des puissances occidentales. Et pour tous ceux qui sont montés aux barricades afin de dénoncer cette soi-disant propagande de l’EI, difficile d’y trouver une quelconque raison de répondre au chant des sirènes, particulièrement du côté féminin.

Bilan : The State (2017)

L’envers de la médaille

La série s’amorce alors que l’on retrouve les protagonistes qui traversent sans encombre la frontière entre la Turquie et la Syrie ; leur terre promise et chacun d’eux a des attentes par rapport à ce changement de vie. Dès leur arrivée, les hommes sont séparés des femmes et c’est un nouvel apprentissage qui débute. Du côté masculin, c’est un entraînement de guerre intensif dans lequel Ziyad et Jalal se montrent particulièrement doués. D’ailleurs, ce dernier semble jouir d’une certaine aura à son arrivée puisque son frère aîné est mort en martyre quelques années plus tôt sur le champ de bataille. Du côté des femmes, elles apprennent rapidement à devenir de bonnes épouses prêtes à satisfaire les moindres désirs de leurs valeureux futurs maris, ce qui refroidit quelque peu les ardeurs de Shakira. Doctoresse en Angleterre, celle-ci s’est rendue en Syrie avec son fils Isaac (Nana Agyeman-Bediako) dans l’espoir de travailler dans le milieu hospitalier, ce qui est apparemment inadmissible pour une jeune célibataire dans ce pays. Et voilà que plus le temps passe, plus les désillusions s’accumulent. Du côté des femmes, c’est surtout la question matrimoniale qui en déçoit plus d’une. Du côté des hommes, c’est la réalité de la guerre avec toutes les horreurs que ça implique… mais au nom de quoi ?

Bilan : The State (2017)

Tout d’abord, on ne peut passer sous silence l’erreur majeure que la série traine comme un boulet : ne pas nous avoir fourni suffisamment d’explications claires sur les raisons qui ont conduit ces jeunes à s’enrôler dans l’EI. Certes, la foi joue un grand rôle dans leur décision, mais l’Angleterre regorge de mosquées. Cette fois, il s’agit d’une motivation beaucoup plus importante qui les a poussés à s’enfuir de chez eux sans prévenir quiconque et éventuellement brûler leurs passeports. À un moment par exemple, l’on demande à Ushna pourquoi elle a fait le voyage et celle-ci de répondre : « To be a lioness amongst the lions. » Difficile d’être satisfait avec une explication aussi simpliste.

Ceci étant dit, The State demeure tout de même un incontournable télévisuel, ne serait-ce que pour la façon dont elle humanise les protagonistes. En effet, dans la plupart des séries américaines traitant de terrorisme, les soldats de l’EI sont dépeints comme étant les Indiens modernes des westerns : une bande de fous furieux barbares, assoiffée de sang et qui n’a pas de voix individuelle. Dans la nouveauté de Channel 4, on se concentre dans un premier temps sur les horreurs de la guerre. On réalise assez vite que peu importe le camp choisi par les soldats, de part et d’autre il y aura du sang, des explosions et des morts affreuses. Le meilleur exemple est cet hôpital qui a été bombardé et l’on nous sert plusieurs plans rapprochés de nourrissons décédés provenant d’une unité de maternité en ruines. L’insistance de la caméra est pénible, mais nécessaire.

Les personnages en sont parfaitement conscients, mais c’est au niveau des objectifs extrêmement rigides prônés par les membres de l’EI que Jalal perd peu à peu ses illusions, en même temps que le téléspectateur qui éprouve une certaine empathie à son égard. C’est que de leur côté, le monde idéal qu’ils veulent bâtir selon les préceptes du Coran est et restera toujours une utopie. L’interprétation des versets du livre saint est aléatoire dépendamment du pouvoir en place qui s’en sert pour justifier des actes politiques, le plus souvent répréhensibles. Le meilleur exemple se trouve à l’épisode #3 alors qu’un soldat explique à Jalal les règles concernant les femmes des ennemis désormais sous leur coupe. (S) : « You can’t sleep with them if they’re another man’s slave or if they’re having their monthly time, innit. You can sleep with them if they’ve not had… You know, like, reached puberty. As long as they’re fit for sex. » (J) « Sorry, I don’t actually know what that means. (…)I’m probably wrong, but I don’t remember where it says in the Koran you can force a woman to have sex with you just because, what, you defeated her husband in battle? »

Bilan : The State (2017)

La supposée « propagande »

Dans un article paru le 21 août, soit, au lendemain de la première diffusion du premier épisode de The State, The Guardian reprenait une manchette du Daily Mail qui accusait Channel 4 et son auteur de glorifier L’EI. C’était d’autant plus choquant de la part du quotidien que quelques jours plutôt étaient survenus un attentat de Barcelone particulièrement sanglant. D’une part, la chaîne britannique ne contrôle pas les aléas de l’actualité et d’autre part, la série au contraire n’aurait pas pu tomber au meilleur moment. Certes, dans le premier épisode, on a ces quatre personnages convaincus qu’ils ont fait le bon choix en se rendant en Syrie. À la toute fin, nous les voyons officiellement « intronisés » au sein de l’EI, le tout accompagné d’une trame sonore glorieuse. Reste que The State n’est pas un documentaire et que comme la plupart des fictions, la trame narrative est loin d’être coulée dans le béton après un seul épisode. En effet, dans son ensemble, la série traite des désillusions de gens qui de Grande-Bretagne ont eux-mêmes crus à une propagande éhontée de la part de l’EI. De plus, on voit mal comment celle-ci pourrait servir de recrutement aux adeptes, en particulier des femmes. C’est qu’épisode après épisode, des personnages comme Ushna et Shakira s’enfoncent toujours un peu plus dans la désillusion. Cette dernière par exemple veut venir en aide à son prochain dans un hôpital, mais il lui est interdit de soigner des hommes, elle doit porter des gants (tant pis pour la propagation des virus) et doit absolument être accompagnée de son époux pour opérer. Quant à Ushna, mariée après un regard d’à peine quelques secondes par son prétendant, elle est constamment humiliée par sa première femme et on s’attend à ce qu’elle se réjouisse à la mort de celui-ci puisqu’il a rejoint Allah…

Au moins, cette controverse du journal favorise le dialogue et la fiction nous montre à l’aide d’images crues et loin de toute complaisance le quotidien au sein de L’EI. Le sujet intéressait manifestement beaucoup les Anglais puisqu’ils étaient 2,11 millions devant leur écran pour la première, The State se classant au sommet du top 30 des programmes les plus regardés de la chaîne dans la semaine du 14 au 20 août. Sinon, l’engouement pour la fiction ne fait que commencer puisqu’elle est diffusée en Australie depuis la fin août et sera aussi sur le petit écran en France et aux États-Unis en septembre.

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