Magazine Culture

Vendredi slam à Dakar

Par Gangoueus @lareus

Vendredi slam à Dakar

Source illustration Vendredi Slam

C’est mon premier papier que j’ai envie de produire sur ce séjour dans la capitale sénégalaise. Comme tout bon récit contemporain, il ne sera pas construit sur une évolution strictement chronologique de ce passage en terre de la Teranga. Les rencontres sont d’une très grande richesse. Les profils des interlocuteurs que je rencontre sont très différents mais tous animés d’une passion profonde et d'un feu intérieur intense pour ce qu’ils font. Parmi ces personnes, Aïsha Dème actrice incontournable du monde de la culture à Dakar m’a proposé de papoter avant de filer vers une soirée de slam à l’IAM. Vendredi Slam.
L’Afrique des idées a déjà réalisé un portrait de cette jeune femme dynamique et productive qui a abandonné une carrière d'informaticienne pour s'impliquer dans la promotion d'activités culturelles dans sa ville, Dakar. Propager. Diffuser. Valoriser un contenu, une information qui a du sens pour elle et qui peut en avoir pour d’autres si le temps est pris de leur expliquer. Ce à quoi s'attèle Aïsha Dème.
Des Almadies à l'ENAMOn arrive juste à temps avant que le spectacle ou plutôt les différentes prestations ne débutent sous l’égide des maîtres de cérémonie Samantha Tracy et Minuss Niang. Je me rappelle au bon souvenir de Samantha avec laquelle nous avons participé à la journée internationale de la femme africaine. Elle a une vingtaine d’années, elle est congolaise et habite au Sénégal depuis plusieurs années. C’est surtout une slameuse hors pair. Mais, nous y reviendrons.
Les profils des slameurs diffèrent. Par exemple, El Hadj Malick Sow (EMS) est médecin le jour, slameur la nuit et nous rappelle avec humour la fête de la Tabaski du point de vue des moutons. Un vrai monologue d'un mouton déprimé et fataliste.
A qui la faute ? C'est une question de Samantha Tracy. Dans un genre qui me fait penser à celui d'Abd-Al-Malick, elle invite l’assemblée des rêveurs à se retrousser les manches et prendre conscience des droits et devoirs qu'imposent une citoyenneté assumée. J’aime beaucoup Bonamour qui  joue sur différentes influences musicales et culinaires africaines. Il a style punchy qui engage le public.
Adama brode sur les mots. Adam insiste-t-il pas Adama. Il a une approche binaire, manichéenne et originale. Ses mots, s’ils introduisent des violences, ils n’offrent pas de place au gris et à la tempérance. J’ai réécouté son slam. C’est intéressant à observer. Il les traite à sa sauce pour éviter de nous laisser sur notre faim.
Revue sous forme de voyage dans l'absurde de Géleem Sarr avec sa partenaire de slam. La question est noire. Puisqu’on part du délire sur une statue et la charge symbolique qu'elle a pour ses défenseurs. Celle du Général Lee qui a fait resurgir de vieux démons aux Etats Unis. Je me demande ce que penserait le gentleman que fut le général confédéré de tous ces illuminés en cagoule qui s’agitent autour de son effigie au nom de la mémoire du Sud des Etats Unis. Le général Lee est le point de départ de ce questionnement sur les symboles et les traces qu’on choisit d’entretenir ou pas. en Afrique post-coloniale et au sein de la diaspora africaine. Ce slam tissé en complicité se termine par une chute pour un homme qui n’a pas vraiment de stèle : l’officier français d’origine gabonaise Charles N’Tchoréré. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas son histoire, c’est un officier noir de l’armée française qui en 1940, lors de la débâcle française, a organisé avec les troupes qui étaient sous son autorité une farouche, une exceptionnelle résistance dans un petit village de Picardi. Une fois vaincu, les allemands n’ont  pas tenu à respecter les honneurs dus à un officier adverse. Bref, pour avoir évoqué ce droit, ils l’ont exécutés froidement et ils ont dégradé  sa dépouille en l’écrasant à l’aide d’un char. Une famille française s’est battue pendant des années pour entretenir la mémoire de résistant oublié. Partir de Lee à Ntchoréré, c’est tout simplement un kif.
Rahim propose une envolée. Lui aussi. Un regard sur le monde et ses injustices. C'est le point de vue d'un musulman souligné par son introduction et ses salutations finales.
PamelaLes slameurs se succèdent, les clameurs s’enchainent. Une jeune femme vient bousculer une soirée jusque là assez calme. Safi. Elle introduit le personnage de Pamela et la soirée bascule. Pamela. Le plus drôle est qu’elle n’est pas allée a terme de son slam. L’a-t-elle oublié ?  Hum. Elle a soulevé un sujet chaud. Plaidoyer ou plaidoirie pour une  bimbo très chaude ? Faut pas chercher la guerre. Le public en furie demande la suite. Quelques slameurs vont intégrer Pamela dans leurs prestations. Waou.
Parlons de cette suite : le grand et charismatique Ahmadou N’Dongo, le talentueux conteur en ouolof, Oumar, la poétesse Samira ou encore le gentleman à la guitare Mike qui au baromètre de la salle et de votre modeste  serviteur a fait la plus forte impression. Et pourtant, c’est en ouolof qu’il slame. Justement, le bon slam répond à des règles assez simples qu’on peut reconnaître en toute langue : les mots, leur agencement, leur proclamation, leur prise sur le public et l’interaction qu’ils suscitent. Alors wolof, swahili, français peu importe... Et c'est cette liberté qui est très riche à observer
Je pourrai vous parler aussi de Khadia qui dans son slam nous dit les mots qu'elle souhaite entendre de son homme ou de l'homme qui s'adresse à elle. Ou encore ce slameur, Ola, qui débarque avec un petit saut de cabri, inspiré par les crinières de nos belles et tendres dames. La question capillaire qui déchire la diaspora ici est reprise avec douceur par un homme. Cool.
Vous l'avez compris, la question n'est pas de restituer la soirée dans sa globalité mais plutôt d'évoquer cette atmosphère, cette lieu de libération de la parole. Une bonne humeur. Une ambiance familiale. Un état d'esprit que ne peut comprendre que si on réalise l'impact du hip-hop sénégalais sur une frange de la société dakaroise et sa participation à l'édification d'une société civile exigeante. Le magnifique film de Rama Thiaw sur l'action du collectif Y-en-a-marre a achevé de me donner une clé d'interprétation de cette soirée.
Vendredi Slam. Une fois par mois à Dakar.Si vous habitez Dakar, ce collectif a une page Facebook.Voir l'article de Mamadou Oumar Kamara qui a couvert la soirée pour le journal Le Soleil 

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Gangoueus 8178 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines