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Max | Le Subtil

Publié le 15 septembre 2017 par Aragon

magua.jpgIl n'a rien à voir avec Magua - Renard Subtil ou le Subtil - chef indien Huron allié des français, que l'on retrouve dans "le Dernier des Mohicans", film culte de Michaël Mann.

Dans ce film (magnifique) fait par un "anglais" le Subtil est évidemment un "méchant", comme les français sont toujours obligatoirement des "méchants" dans de nombreux films étasuniens "historiques", exemple "Le Revenant" qui compte l'histoire de ce trappeur miraculé joué par DiCaprio dans le film hollywoodien d'Iñarritu...

J'ai pensé au Subtil en découvrant le nom du prof gastro-entero-oncologue qui me recevait avant hier en consultation à l'hôpital Haut-Lévesque de Bordeaux. J'aime le peuple huron depuis que j'ai un coeur et je trouvais amusant le clin d'oeil du hasard qui confiait ma santé à un Subtil, un docteur Subtil.

Hôpitaux français, merveilleux système hospitalier français, performant, infrastructures, équipements, équipes médicales, recherche médicale à la pointe, on ne dira jamais assez "chapeau". Une amie, malade exactement dans le même temps que moi, soignée à l'hôpital de Dax pour un cancer du sein n'a que louanges à adresser à tous ceux qui l'ont pris en charge. Il y a des gens formidables qui s'occupent des malades avec brio, empathie, efficacité dans les hôpitaux public de France et de Navarre.

Il y a des couacs pourtant dans notre système de santé, il y a, on le constate et c'est certain, quelque chose qui fout le camp dans le système hospitalier, lentement, insidieusement, comme les gouttes qui gouttent d'un chauffe-eau percé. Goutte à goutte. J'ai le droit de parler de moi et je vais le faire le plus simplement possible, en plus, ça me fait du bien d'en parler... Hahaha, je plaisante, mais je me sens l'âme d'un guerrier huron en ce moment pour évoquer ma situation.

Ce goutte à goutte qui fuit de l'hôpital public français c'est le fric qui fait défaut, c'est avant tout l'humain, le personnel, manquant, des postes non pourvus, le bordel dans les horaires, les plannings, des compétences à mettre à jour, de la formation continue, de l'informatique de pointe, des systèmes informatiques, des cours de "psychologie" pour les toubibs, plus de temps à accorder pour les malades "graves". Tout ce qu'on appelle "des moyens".

Je suis malade depuis le 12 février exactement. Je vais faire très condensé : Rhyno au début, antibios car ça ne passait pas, toubib généraliste  vu 3 fois pour ça, puis petite remplaçante qui a l'idée de génie de me faire faire une prise de sang, vu qu'un très léger mal de bide, mis sur le compte des antibios qui peuvent mettre l'estomac en vrac, m'enquiquinait, je n'étais pas trop gêné mais je voulais de l'amélioration. Normal. Dans l'heure qui suit le résultat, hosto de Dax en urgence : pancréatite aigüe. Je tombe des nues car je suis en super forme depuis que ma rhyno est passée ! Mais c'est bon, tout est sous contrôle, 5 jours à jeun total avec perf et retour maison. On me rassure un max. Mais c'est pas fini, loin de là. Investigations demandées...

Je me retrouve à Haut Lévesque de Bordeaux il y a 2 jours après avoir passé 7 mois d'enfer pris en charge par l'hôpital de Dax : 3 scanners, 3 IRM, 2 écho endoscopies sous anesthésie générale dont une avec biopsie du pancréas, des dizaines de prises de sang, centaines de prises de "pression" et de "température" (j'ai pourtant l'impression que le moteur tourne rond), hospitalisé 2 fois, ambulatoire à la journée à la pelle, attentes, guichets, prises de tickets, RV pour divers examens pris par moi (je trouve incroyable que l'hôpital public ne cale pas tout de A à Z dans des cas sérieux !), et... et... et... un jour, mots prononcés par un médecin spécialiste à faire tomber dans les pommes le plus costaud d'entre tous. Ces mots :

Cancer pancréas probable, métastases sur le foie possible, entre 6 mois et 2 ans de survie...

Tu vis, t'es heureux de vivre et t'entends tout ça dans ta gueule un jour. Alors t'es grillé, t'es mort d'avance. Tu es mort.

Comble du comble le chef gastro de Dax prend un RV pour moi avec son collègue du CHU de Bordeaux Haut Lévesque. Là, me dit-on ça ne mégote pas, CHU de pointe, équipe de pros balaizes. Ils vont refaire une biopsie, etc. Je vais faire 400 bornes A/R mais au moins je serai fixé car enfin, on m'a balancé les mots qui tuent dans la tronche, mais :

- je n'ai aucun symptômes

- il n' y a aucune preuve histologiques d'un cancer (études des cellules prélévées par biopsie

- le bilan d'extension (recherches de métatastases) fait par scanner est normal en dehors d'une tache sur le foie

- les marqueurs du cancer sont absents

Le Subtil me reçoit donc en son wigwam de Haut Lévesque, me trouve bonne mine, me serre la main avec chaleur, me demande si j'ai la chiasse, réponse non, si je suis fatigué, réponse oui, oeil inquiet pro et brillant du toubib qui a trouvé un truc : "Ah bon ! expliquez..." Je lui dit : "Ben... je viens de me taper 200 bornes en VTT sur des pistes pas simples en 3 jours et je viens aussi de reprendre assez "sec" le Ju-Jitsu." Je rigole, fier de ma petite plaisanterie, beau joueur il rigole aussi.

Je lui demande : "Alors docteur que pensez-vous de mon dossier médical que votre collègue de Dax vous a envoyé, vous l'avez examiné ?"

Le Subtil : "Quel dossier ? Je n'ai rien !!!".

Je lui dis : "Mais sur votre ordi, scanner, IRM, bilans sanguins, patincoufin et tout le pataquès, votre collègue de Dax m'a dit que dans les hôpitaux publics en 2 clics de Dunkerque à Bonifacio un toubib a accès à tout, partout...",

Il me dit : "Je n'ai rien, pas de clé pour entrer, pas de code d'accès.... non non ça ne se fait pas comme ça....désolé"

Il téléphone alors à son confrère gastro de Dax pour demander une explication, pas de réponse, collègue sur messagerie.

Le Subtil désolé : " Bon, ben, je vous revois de toute manière pour une écho endoscopie avec biopsie du pancréas sous anesthésie générale... comme vous avez déjà eu à Dax...  à bientôt.... bon ben... bon retour, au revoir..."

Je suis scié, je me tape 400 bornes en bagnole A/R (à mes frais) pour voir un éminent spécialiste qui n'a pas mon dossier médical, qui savait que j'avais RV avec lui, ce jour, cette heure, que tout était calé directement par son collègue et ami de l'hosto de Dax et que dalle !!!

Un médecin d'hosto recevrait ses patients sans avoir préparé l'entretien, la visite ? Sans avoir lu le dossier avant ? Sans même savoir à qui il a à faire ? Comme dirait la fille célèbre "Allo !!!" J'hallucine !!! Je suis quoi ? Un nom ? Une date de naissance ? Un carte VITALE mille fois scannée depuis le 12 février ? Je peux pas croire à ça, je peux pas y croire !!!

On ne m'a pas parlé d'une appendicite, on m'a parlé d'un cancer du pancréas avec métastases sur le foie... "Allo" l'hôpital public, tu m'entends ? "Allo" je te pose des questions ! Je te parle ! Je suis un être humain, tout tout pitit certes, mais je suis un être humain... bordel de marde !!!

7 mois que je traîne pour je ne sais quel problème, on m'a presque scalpé et pratiquement cramé d'angoisses accroché au poteau de tortures de la tribu hosto.

Vous savez, ce n'est pas évident d'entendre, de vous entendre dire : "Cancer du pancréas, métastases sur le foie, espérance de vie entre 6 mois et 2 ans"

J'ai, moi-même appelé hier le secrétariat de gastro de l'hosto de Dax, réponse : " Ah, mais j'ai fait le nécessaire pour transmettre votre dossier"

J'ai, moi-même appelé en suivant le secrétariat de l'hosto de Bordeaux, réponse : " Ah, mais on n'a rien reçu, on n'a pas votre dossier"

Connement ou naïvement j'ai évoqué la magie Internet / Ethernet, même le doc scanné de dossiers transmis par mail, avec les nanas de ces secrétariats.....

Non mon bon monsieur ça passe par La Poste m'a t'on dit. Et arriver à une consultation sans que secrétaire, infirmière cadre ( qui sais-je ? ) ait remis le dossier du patient au toubib ? Ah, ben non, ça se fait pas...

Goutte à goutte l'hôpital public, le service public de vie et d'assistance publique fout le camp, se réduit à peau de chagrin. Les puissants se feront toujours soigner. Chez les petits et je ne fais pas de philo à 2 balles sur la lutte des classes, ça fout le camp, lentement, vicelardement, goutte à goutte, comme un chauffe-eau percé qui fuit.

Dans 6 mois peut-être saurais-je ce que j'ai ? Peut-être serais-je mort ?

Heureusement qu'il y a l'amour, la vie, les amis - les vrais - de formidables activités culturelles, la musique, mon VTT, ces pistes fabuleuses et techniques du côté de Tyrosse, mon kimono et le tatami que j'ai fait exploser hier soir et peut-être, cerises sur le gâteau, cette Royal-Enfield bleu RAF que je rêve de m'acheter, un tour en Rafale ou Mirage que mon gendre pourrait me faire faire lors d'une journée porte ouverte à la base de Cognac, un séjour dans les Highlands, en Abitibi et une Thalasso à Quiberon.

Je souhaite beaucoup de courage à d'éventuels amis connus ou inconnus qui doivent passer par la case hôpital. Il faut de la patience, du courage et, sans joie pêchue dans le coeur, la cervelle, l'esprit, le corps, la chatte ou les couilles, le corps entier : partout partout partout de bas en haut... sans joie partout on est foutu, foutu de chez foutu.


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