Société écran.

La fameuse tribu que personne ne connaissait, en Amazonie, voilà-t-il pas que, de longue date, elle avait été identifiée, qu'on lui avait foutu la paix, ignorée. Et maintenant, comme on a soif de bizarreries kitsch pour faire tourner nos moulins d'infos, on ressort l'homme sauvage. On s'extasie toujours de ce que l'on ne connaît pas et qui tombe du ciel par magie dans votre journal insolite. On a besoin, dans ce cas précis de se dire : « Merde ! Il y en a encore ! Des purs ! De véritables écolos à l'abri de notre insatiable progrès. » On est plus naïfs qu'eux, de grands benêts avec plein de joujoux pour oublier la vie, de grandes opinions pour faire croire qu'on est intelligents, de gros hommes politiques qu'on a choisi en fonction de nos égoïsmes indentitaires...J'ai bien l'impression que la plupart des gens croient aux extra-terrestres, à la notion de pureté, comme Hitler, dans un autre registre. L'homme sauvage naturellement bon, comme Rousseau le décrivait. L'inexploré. L'inexploré dans le sens du pur naturel, qui n'aurait pas été pollué par l'homme qu'on dit moderne.

L'image nous montre une tribu qui pose derrière un portable : le symbole de notre époque. La tribu est un maillage familial très codé, avec des règles rigides, structurelles et fondatrices. Le portable, c'est le fusil moderne. C'est le morcèlement des nouveaux codes civilisationnels. Nos relations Facebook, Messenger, Forums, le sont tout autant, codées. Et peut-être plus fortement.

Je crois que cette tribu vient de découvrir notre civilisation oubliée qu'elle avait sans doute déjà identifiée par des avions ou quelques ethnologues barbus. Cette étrange arme que le chef tient entre sens mains, c'est un média. Mais il n'en a guère besoin. Le photographe l'a mis entre ses mains pour quelques piécettes traditionnelles qui serviront à acheter des produits occidentaux au marché du coin. Marché de dupes.