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Journal intime ouvert d’une petite cinéphile

Par Tinalakiller

→ Mon article ne porte pas entièrement sur le sexisme (même si j'y consacrerai une partie) mais après différentes concertations, je me joins aux articles " Sexisme, cinéma et blogosphère " de Suzy, Océane et Pauline dans lesquels je m'identifie sur de nombreux points. Voici notre introduction commune en guise de solidarité :

Journal intime ouvert d’une petite cinéphile

"Il y a eu quelques exceptions mais pour la plupart, j'ai été surprise par la représentation des personnages féminins dans ces films. J'espère qu'en incluant plus de femmes dans l'écriture, nous aurons plus de femmes comme celles que je rencontre dans ma vie quotidienne. Des femmes qui sont entreprenantes, qui ont du pouvoir, qui ne font pas que réagir aux hommes qui les entourent, qui ont leur propre point de vue" Jessica Chastain, Festival de Cannes 2017.

Alors que de plus en plus d'œuvres cinématographiques et, principalement, télévisuelles naissent entre les mains des femmes, un constat terrible et alarmant était rapidement fait par l'actrice américaine Jessica Chastain lors de la dernière conférence de presse du Festival de Cannes 2017.

Si l'actrice de Zero Dark Thirty, juriste lors de cette dernière édition, avait longuement insisté sur la représentation des personnages féminins à l'écran, il n'en ait pas moins qu'elle a su soulever un problème bien plus grand, bien plus étendu et qui peine à être résout : la place des femmes dans le domaine cinématographique.Si ça implique la maigre représentation des personnages féminins à l'écran, ça implique également toutes les coulisses du cinéma : l'écriture scénaristique, la production... et par extension, la critique journalistique. Tous les domaines du cinéma semble être profondément masculins.

Ici, il va être question de la dernière aborder, un simple point pour certains, un rôle majeur pour d'autres : la critique journalistique. C'est le rôle qu'on a choisi d'incarner dans le cinéma : Pauline, Océane, Suzy et moi. Mais comme l'a soulevé Jessica Chastain, la représentation des femmes est tout aussi catastrophique au sein de la critique. Un cercle vicieux qui ne semble pas vouloir changer.

Pire que ça, l'abondance de masculinité provoque des comportements machistes, sexistes et intolérables. Des réflexions déplacées au harcèlement, le sexisme ambiant a conquis un terrain qu'il est grand temps de reprendre de manière totalement égalitaire. Et comme pour tout, pour faire bouger les choses, il faut d'abord pointer du doigt les soucis qui empêchent l'évolution. C'est pour ça que nous avons décidé d'élever nos voix à travers nos expériences respectives au sein du journalisme spécialisé et de la blogosphère cinématographique.

Maintenant place à ce que j'ai à dire.

Je vous préviens, ça va être long, je vais parler de moi, de certains de mes complexes, de ma place dans la blogosphère cinéma, de mon sentiment de cinéphile en tant que jeune femme, de choix personnels et professionnels liés au cinéma. Bref, prends-toi du thé, un café ou même un verre de vin.

Depuis quelques mois, j'ai envie de vous confier certaines de mes pensées qui m'ont parfois pourri la vie. Je ne savais pas comment m'y prendre et surtout j'avais peur de passer pour une petite chieuse narcissique qui se plaignait pour rien. Le temps passe, certaines pensées s'accumulent avec le temps jusqu'à ce qu'on explose. On veut désamorcer ce quelque chose qui nous perturbe : il est temps de prendre des décisions dans sa vie pour avancer. Ce quelque chose n'a pas toujours de nom. Parce qu'il s'agit d'une succession de choses.

Sur Twitter, tout est parti d'une discussion autour du sexisme dans le milieu des blogs cinéma. Oui je l'évoquerais. A mon échelle. Mais ne vous attendez pas à des révélations de fou, à un tribune féministe ou quoi que ce soit ou vous allez être très déçus. C'est un problème parmi d'autres. Je parle finalement d'un tout aussi bien sociétal que strictement personnel. Je ne sais pas si des gens me comprendront ou se reconnaîtront dans ce que je vais écrire. Je l'espère au fond de moi (en tout cas, je sais que les blogueuses que j'ai citées là-haut me comprennent et je les remercie très sincèrement). Mais si, ne serait-ce une seule personne, s'identifie à mon parcours, mes doutes et mes choix, ou juste comprend ma démarche, ça sera déjà de gagner.

Je vous parle donc ici à coeur ouvert d'une grande réflexion intérieure qui me pèse depuis des années. Je suis une cinéphile, pourtant je ne me suis jamais lancée dans le cinéma (terme évidemment très vague). Par exemple, je n'ai jamais fait d'études de cinéma. Cela fait aussi des années que je n'ai pas touché à ma caméra alors qu'adolescente, j'adorais expérimenter des choses, même si elles étaient mauvaises. Par exemple, je tentais d'écrire des scénarios après avoir dévoré des ouvrages du type Comment écrire un scénario ? Tout le monde sait ici que j'aime écrire. Je me suis aperçue très récemment que certains de mes brouillons étaient inconsciemment des esquisses de scénario. Comme quoi, c'est un projet qui ne parvient pas à me quitter même si je m'étais promis de ne plus y penser. Oui, carrément. Je l'ai même écrit noir sur blanc dans un de mes journaux intimes datant de 2015.

Je suis juste une petite blogueuse qui parle de films sur son petit blog personnel comme elle parlerait parfois à ses potes. J'ai récemment rejoint l'équipe de CineSeriesMag pour prouver aux autres et surtout à moi-même que j'avais d'autres ambitions (notamment professionnelles), que j'étais également capable de me remettre en question, de me mettre en danger, de recevoir des conseils, d'autres regards.

Vous allez me dire (et c'est peut-être la grande question qu'on pourra tirer de ce billet - si on doit en tirer quelque chose) : nos passions ne doivent pas obligatoirement devenir notre profession. Je me suis moi-même posée cette question. C'était même ma petite excuse pour ne pas voir la vérité, c'est-à-dire que j'étais assez frustrée. Frustration dont je suis en partie responsable. A l'heure actuelle, après moult décisions et rebondissements (même jusqu'en juillet dernier), je veux continuer à ce que le blogging prenne de la place de ma vie, une place encore plus grande. Participer à de plus gros projets, créer encore plus de liens avec des blogueurs. J'assume de plus en plus cette passion alors qu'avant j'avais tendance à la cacher comme si c'était un crime. Et croyez-moi c'est pour moi déjà un grand pas. Et je sais que je suis capable d'en faire d'autres.

Ce billet a été inspiré à partir de deux réflexions lues et entendues qui ont fini par se rejoindre naturellement (oui, parce que j'ai commencé à écrire ce billet sans savoir que j'allais rejoindre les causes des blogueuses citées plus haut). La première est partie d'une question posée dans le cadre d'une réflexion profonde et psychanalytique sur ma petite personne : " Pourquoi les lettres modernes ? " en parlant de mes études. La deuxième fut donc la lecture d'un tweet de la part d'un de mes followers s'interrogeant sur le sexisme dans le monde des blogueurs cinéma. Je vous assure qu'en rejoignant les deux réflexions en moins de 24 heures, il y a eu un déclic en moi, un déclic que j'attendais depuis longtemps (et pourtant encore une fois il ne s'agit pas d'un billet féministe ou quoi que ce soit). Cela fait longtemps que j'ai des doutes, que je me pose des tas de questions, que je pète parfois mon câble (je suis méditerranéenne, on ne se refait pas) parce que je tente juste de savoir qui je suis et ce que je veux vraiment dans la vie. Je commence à y voir certaines réponses. Bref, ce billet va légèrement se transformer en 3615 ma vie.

Journal intime ouvert d’une petite cinéphile
Attirée par les lettres... grâce au cinéma

J'ai fait des études de lettres modernes comme certains le savent déjà. J'ai obtenu une licence de lettres modernes où j'ai suivi un parcours " enseignement ". J'hésitais entre ce domaine (principalement par sécurité - même si j'ai aussi le goût pour l'enseignement) et le journalisme (et à l'heure actuelle, je compte finalement... de combiner les deux, oui, oui). Parce que je voulais surtout faire du journalisme cinéma, pas nécessairement envie de m'occuper de tout le reste. Cela peut expliquer pourquoi je ne me suis pas totalement lancée à fond dans le journalisme (même si j'y avais déjà mis un pied en bossant pendant un an et demi dans le grand journal régional de chez moi - une riche expérience), comme si j'avais déjà pris conscience que quelque chose clochait. Bref, comme quoi, je tentais déjà, par ce rêve, de m'accrocher au cinéma.

Puis, un peu par hasard finalement, par insouciance aussi, je me suis lancée dans un master recherche en littérature comparée. Travailler sur mes mémoires a été passionnant, je ne peux pas le renier, je suis même fière de mon diplôme. Et pourtant j'ai souffert durant mes deux ans de master : je me demandais ce que je foutais là. J'avais gagné confiance en moi pendant mes trois ans de licence, et là en deux ans quelque chose en moi s'est cassé. Attention, je ne regrette pas mes études. Déjà, parce que ça sert à rien de raisonner comme ça. Ce n'est pas de toute façon pas un article pour dire que je regrette des choses : les choses sont désormais faites, j'avance avec ce que j'ai actuellement pour trouver l'avenir qui me pourra me combler entièrement. Je pars aussi du principe que je peux tirer du positif. Puis, pour des raisons très personnelles, faire des études me tenaient à coeur. Je ne voulais pas faire des études intellectuelles pour briller en société, j'en ai strictement rien à foutre de ça, disons-le tout de suite. Ma démarche était bien plus profonde.

J'aime lire et écrire, comme sur mon blog, sur d'autres sites / blogs, dans mes carnets en espérant que certains de ses écrits ne restent pas éternellement dans des tiroirs. J'aide même des gens à écrire des livres (et cette année, en étant payée !). Mon rêve serait même de publier un jour un roman ou un recueil de nouvelles. Ou même de suivre un cinéaste ou un acteur sur plusieurs années (l'appel est lancé !). Pourtant, je ne me sens pas littéraire et je ne me suis jamais sentie littéraire. Je n'oublie jamais une chose : si j'ai ce parcours, c'est finalement grâce et à cause de ma passion pour le cinéma. Tout vient de là.

Les années lycée et les débuts de certaines prises de conscience
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Au collège, alors que j'allais déjà au cinéma régulièrement, en alternant très régulièrement blockbusters et cinéma d'art et d'essai (c'était autant une passion qu'un refuge), lire était pour moi une épreuve insurmontable : cela surprenait toujours car j'adorais les cours de français. Mes seules lectures se limitaient aux magazines cinéma et people. Mais un roman, pour moi, c'était un calvaire au collège. Puis, ça s'est débloqué en seconde. Je suis tombée sur une jeune prof qui m'a fait comprendre que la lecture n'était pas une chose se limitant à faire des fiches de lecture pas très palpitantes. J'ai réalisé que la littérature pouvait éventuellement raisonner en moi comme le cinéma : derrière les histoires et les différentes techniques utilisées par les auteurs, il y avait derrière un sens à trouver qui en racontait encore plus sur les personnages et même sur soi. J'ai donc commencé bêtement à lire des romans adaptés de films. J'imagine que ça m'a poussée plus tard à m'intéresser à la littérature comparée. J'aime la littérature, je suis heureuse qu'elle ait pris de la place dans ma vie. Mais ma passion principale a toujours été le cinéma.

Pourtant, au lycée - un petit lycée privé hors contrat hippie très bizarroïde sur les bords avec que des paumés sortant du système scolaire pour diverses raisons - j'ai eu envie de me lancer dans l'audiovisuel. J'aimais le cinéma depuis mon entrée au collège et cela allait de soi à l'époque de m'intéresser à des études de cinéma. A l'école ou ailleurs, face à l'éternelle question " mais tu veux faire quoi plus tard ? ", deux réponses : critique cinéma ou carrément réalisatrice (qui s'est transformée plus tard en scénariste). Certes, comme vous l'avez compris, ma section audiovisuelle était vraiment riquiqui, ce que j'ai fait ne correspond certainement pas à ce que font les élèves de cette section dans des lycées traditionnels. Mais je m'en foutais : c'était ma passion. Je m'en fichais aussi de rester au bahut mes mercredis après-midis même si je savais pertinemment que ce qu'on faisait dans ce lycée complètement bizarre n'était pas fou. Je savais aussi que j'y apprendrai quoiqu'il arrive des choses et je pensais réellement que le cinéma ferait partie de mon avenir professionnel une fois le bac en poche. Mais le lycée se déroule sur trois ans et en trois ans il peut s'en passer des choses dans la vie et dans la tête d'une adolescente.

En seconde, je me suis donc retrouvée dans une petite classe... de mecs. Oui, j'étais bien la seule fille. Et vous vous imaginez bien que c'était la même chose pour ma section cinéma. Je ne m'en suis pas aperçue tout de suite (il faut dire que je devais déjà gérer le sexisme ambiant que j'ai subi chaque jour pendant quatre mois - je ne me remercierai jamais au seul gentil camarade qui a su mettre fin à ça) mais avec le recul, je me souviens grosso modo de deux choses :

  • Un gars A demande à un autre gars B (B étant le fameux gars qui est intervenu face à la bande de demeurés qui me harcelait quotidiennement - oui, donc INTERVENEZ si vous voyez quelqu'un se faire harceler) s'il a vu Blade Runner. B lui répond que oui et se tourne vers moi pour savoir si je l'avais vu. Je n'ai même pas le temps de répondre que A intervient : " nan mais elle, elle peut pas avoir vu ce film ! ". Bah si mon coco. Et ça, ce n'est qu'un petit échantillon. Les autres gars étaient vraiment étonnés que je puisse aimer autre chose que Dirty Dancing ou d'autres films " de filles ". Que je puisse juste aimer le cinéma.
  • Le prof de cinéma, le cas le plus compliqué. Parce que je l'aimais bien en plus, il nous emmenait voir des films gratos (même si j'ai vécu à cause de lui deux séances qui se sont transformées en calvaire) et nos échanges étaient parfois intéressants et très enrichissants. Mais j'avais toujours l'impression qu'il ne me prenait pas totalement au sérieux même s'il pouvait dire le contraire. Que j'étais considérée différemment. Qu'il était toujours surpris par les films que je regardais. Qu'il s'attendait à ce que j'aime des films dit " féminins " et pas forcément le reste. Alors que pour les autres élèves, il ne se posait pas plus la question que ça. Alors, tu te sens obligée de devoir faire tes preuves. Et il ne m'a jamais encouragée à la réalisation même quand j'ai vaguement tenté de me lancer (ouais, bon, c'était quand même de la merde, hein). Non, pour lui (et c'est ce qu'il avait dit à ma mère), je devais plutôt me spécialiser dans l'écriture de scénario. Alors, certes, j'ai conscience qu'il était peut-être lucide pour mon non-talent derrière la caméra, qu'il avait compris que j'aimais tout simplement écrire. Mais tout de même, ça fait des années que ça me travaille.

Bref, ce sexisme, je l'ai finalement souvent ressenti que ce soit en cours, en sortant, en discutant avec des gens IRL ou sur les réseaux sociaux. Une petite parenthèse s'impose.

Ma coup de gueule contre le sexisme
Journal intime ouvert d’une petite cinéphile

" Ah bon, tu aimes le cinéma ? " me répond-on souvent. C'est dingue, on ne pose jamais cette question avec un air ahuri à un homme.

A l'origine, comme je le disais dans mon introduction, tout est parti d'une question sur le sexisme dans la blogosphère même si finalement mon billet ne porte uniquement sur cette question. Encore une fois, je sais qu'il y a des cas de sexisme (voire même de harcèlement) bien plus flagrants et plus graves que le mien et j'espère que ces cas-là seront vivement dénoncés. Je ne cherche pas à me victimiser, ni à piquer la vedette. Mais être une femme cinéphile n'est pas une chose si facile.

Le déclic que j'ai eu par rapport au sexisme sur la blogosphère m'a parlé. Oui, j'ai peut-être des complexes, des doutes liés à d'autres problèmes personnels, je ne m'en cache pas. Mais je pense aussi qu'être une fille ne m'a pas aidée. Il y a quelque chose au fond de moi qui reste convaincu que les choses auraient été différentes si j'avais été d'un autre sexe. Que ces petites choses que j'ai minimisées, que je continue même parfois de minimiser ont aussi joué leur rôle à la femme que je suis aujourd'hui et à certains de mes choix.

Oui, que ce soit dans la blogosphère ou dans la vie de tous les jours, je me sens différente en tant que cinéphile à cause de mon sexe et même par rapport à ma façon d'être. Je suis étonnée qu'on ne parle pas tant que ça de ce problème qui selon moi est bien présent. Je ne pense pas être la seule à le minimiser. Par exemple, on sait publiquement - même s'il y a heureusement des progrès pour faire évoluer les mentalités (et tant mieux) - qu'il y a un fort sexisme dans le monde du sport ou celui des jeux vidéos. On me dira qu'il y a du sexisme partout - c'est pas faux. Mais cela ne veut pas dire qu'il faut atténuer ce qui se passe en ce qui concerne le monde joyeux des cinéphiles. Je ne mets évidemment pas tout le monde dans le même sac. Peut-être que ce sexisme frappe moins les gens parce qu'il y a de plus en plus de cinéphiles filles qui s'affichent notamment sur les réseaux sociaux. Peut-être parce qu'on entend souvent des discours de cinéphiles qui défendent les femmes que ce soit au cinéma mais aussi tout simplement dans la société. Bref, le cinéma, c'est un milieu autant populaire qu'intellectuel : il est de bon ton de montrer son ouverture d'esprit, sa tolérance, son féminisme même. Mais les choses sont parfois bien différentes de ces discours très propres et louables. Maïwenn disait dans une interview à Première que le cinéma était un truc de mecs, que ça faisait appel " à ses hormones masculines ". On lui a jeté des pierres alors que je suis intimement persuadée que beaucoup plus de gens qu'on le croit partagent cet avis.

Certains me connaissent et / ou voient à quoi je ressemble. J'aime prendre soin de moi, me maquiller, porter de jolies robes ou des petites jupes tout en restant assez " classique " dans le sens où je n'affiche pas forcément de grandes excentricités. Bref, rien de bien fou non plus, je suis comme beaucoup de filles. Mais à en croire certains, je suis une fille " superficielle ". Bah oui, parce que si tu te maquilles, t'es forcément conne, c'est bien connu. Et si on est une fille " superficielle ", on ne peut éventuellement pas être cinéphile : visiblement, c'est incompatible. Si tu es fille qui a l'air " artiste ", tu seras un peu plus acceptée. Comme quoi, on ne se débarrasse pas totalement de certains clichés, on continue de ranger les gens dans des cases. Et encore une fois, pour leur faire comprendre que tu aimes vraiment le cinéma, tu te sens obligée de faire tes preuves, de te justifier.

Paradoxalement, certains aiment bien ma gueule (il ne faut pas s'étonner si je ne veux toujours pas mettre ma tête en photo de profil sur le blog et les réseaux sociaux en tant que Tinalakiller). " Tu es ravissaaaaaante ", " tu es resplendissaaaaaante ". Les compliments font plaisir, on ne va dire le contraire. Moi-même je complimente les gens. Mais il y a une différence entre faire un compliment et être lourd. Oui, j'ai déjà été très mal à l'aise face à certaines remarques. Est-ce que des blogueuses ou même juste des filles sur les réseaux sociaux se comportent de cette manière ? Non. En général elles se limitent à un commentaire bref et courtois. Pas à " MAIS TU ES TROP BEAAAAAAAAUUUU ".

Bonjour la fac de lettres
Journal intime ouvert d’une petite cinéphile

Je n'avais pas les moyens d'aller dans une école de cinéma même si les propos du prof ne m'avaient pas laissée indifférente. Et je n'étais pas sur Paris. Et ça me faisait flipper de tout quitter pour la capitale, je n'étais pas assez mature pour ça. Et encore une fois, il y avait aussi ce désir d'aller à la fac quoi qu'il arrive. J'aimais lire, écrire (j'écrivais à cette période aussi bien de sortes de nouvelles que des chansons ou des bribes de scénario), je tenais aussi mon ancien blog : aller en lettres était logique en terminale. C'était même mon seul voeu sur APB alors que l'année précédente, j'hésitais encore entre plusieurs sections. Je ne sais pas comment traduire ça : était-ce une envie profonde d'aller en lettres ou étais-je déjà au fond de moi un peu blasée par mon sort comme si j'avais décrété que faire des études ou un métier en rapport avec le cinéma serait pour moi impossible ? En tout cas, mes parents pensaient que j'irai en licence de théâtre, de psychologie ou en langues, ils étaient les premiers étonnés lorsqu'ils ont vraiment réalisé que j'allais en lettres.

Je suis donc entrée en lettres modernes en septembre 2011. Je n'ai pas eu totalement de chance : en 2012 (j'avais donc déjà validé ma L1 et je n'avais pas forcément envie de tout recommencer), une nouvelle licence, " lettres modernes et cinéma " était proposée dans mon université. Mais bon, même en bouffant beaucoup de littérature et d'autres matières très marrantes (la grammaire, l'ancien français, ouais c'est funky), je me suis toujours débrouillée dès que j'en avais l'occasion pour suivre des cours en rapport avec le cinéma (et je ne regardais même pas si les heures me dérangeaient ou non, c'était vraiment ma priorité de caler ces cours quoiqu'il arrive), comme si j'avais ressenti depuis le début de mes études universitaires un manque ou une sorte de frustration.

Je décroche ma licence en 2014. Je dois prendre une décision sur mon avenir. Cette question m'a tracassée pendant les deux premières années de licence. Mais étrangement mon état d'esprit est plus léger en troisième année, que j'ai vécue comme des " vacances ", avec de très bons résultats. Je me sens bien dans ma fac à cette période-là, plus que d'habitude. Cela a peut-être influencé mes choix futurs. Le cinéma était en tout cas toujours dans mes pensées mais pas au point de me lancer dans des études de cinéma (ça, j'avais laissé tomber l'idée depuis mon entrée en licence, presque par fatalisme). Je pensais alors encore et surtout au journalisme cinéma. Tenter les concours pour entrer dans une école de journalisme (que j'ai loupés) faisait encore partie de mes projets. Et à 21 ans, je ne me sentais vraiment pas prête pour l'enseignement (dans ma tête, je n'étais même pas du tout faite pour ça - et même actuellement je ne sais pas si je suis vraiment faite pour ça). Ni prête à réellement envisager que je pouvais vraiment faire tout court.

J'ai découvert la littérature comparée dès la première année de fac. Je m'y suis retrouvée tout de suite. La littérature comparée est une discipline qui fonctionne par réseaux multiples, que ce soit entre différentes cultures ou encore entre différents formes artistiques. C'était pour moi le nouveau moyen pour ne pas abandonner le cinéma tout en ne lâchant pas non plus la littérature. En première année de master, pour le mémoire secondaire, j'avais choisi l'option " littérature et cinéma " (avec un prof de la section cinéma, et non de ma section). En deuxième année, je me dis que c'est l'occasion de me faire vraiment plaisir : je fais mon mémoire sur une étude comparative entre Le Salaire de la Peur de Georges Arnaud et ses adaptations cinématographiques. Je suis contente d'avoir pu faire ce mémoire même si je ne l'ai pas aussi bien travaillé que prévu (la fac en elle-même m'exaspérait depuis des mois, j'avais deux boulots à côté, j'étais pas non plus au top de ma concentration). Je me demande au fond si je ne l'ai pas un peu délaissée pour d'autres raisons.

Pourquoi pas le cinéma ?
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" Pourquoi les lettres modernes " donc ? (oui, revenons à nos moutons après cette longue digression). J'avais souvent réponse à tout quand on me posait la question. En fait, tout ce que je vous disais faisait partie de mes réponses. Or, cette fameuse fois-ci, j'ai été très mal à l'aise. Comme si je prenais conscience de certaines choses. Dans ce sens, on peut compléter cette question à une autre : pourquoi pas le cinéma ? Après tout, j'avais les pieds à la fac, j'aurais pu faire cinéma.

Déjà, il faut savoir que chez moi, les études de cinéma à l'université débutent à partir de la troisième année donc dans tous les cas, il fallait que je suive une autre licence (si je voulais évidemment rester chez moi). Mais une fois arrivée en troisième année, j'aurais pu bifurquer. Je n'ai jamais entamé les démarches, comme si je m'étais sabotée. Pourquoi ? Au-delà d'être attirée par la recherche (on ne va pas non plus se mentir), je me sentais bien dans ma filière et je crois que j'ai voulu rester dans un endroit rassurant quitte à ne pas trop prendre de risques. J'avais l'impression de vivre ce que je n'avais pas tellement vécu au collège et au lycée.

Autre critère : la question de la sécurité de l'emploi. Cette fameuse interrogation a été au centre de mes cinq ans d'études. Et l'année qui a suivi la fin de mes études aussi. J'ai toujours été partagée entre la passion et la raison. La sécurité de l'emploi est certainement ce qui m'a le plus retenu. C'est déjà suffisamment compliqué quand on est en lettres (surtout quand on a un merveilleux rendez-vous avec les amis de Pole Emploi qui te rappellent bien à quel point vos études sont inutiles pour trouver du travail - à part pour être prof). Alors, en cinéma, vous imaginez l'angoisse même que j'aurais ressenti pendant tout un cursus ?

Mais surtout intervient un troisième problème : ne jamais me sentir à ma place. C'est certainement mon plus gros complexe. J'ai totalement conscience de mon manque de confiance en moi (cela dit, contrairement à ce que certaines personnes peuvent penser de moi, je ne suis pas non plus la personne la plus complexée de la Terre : j'ai des complexes et des doutes comme grosso modo tout le monde).

Mes complexes
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J'ai le malheur de me comparer aux autres. Je suis la première à dire qu'il ne faut pas se comparer aux autres gnagnagna. Mais je n'applique pas ce conseil pour mon propre cas. Je ne me suis pas lancée dans des études de cinéma parce que j'avais peur de ne pas être à la hauteur. Peur d'être pas assez cinéphile, d'être trop inculte, de ne pas comprendre et apprendre suffisamment la technique pour ne citer que ces exemples. Mais cela a entraîné un autre type de complexe : mon rapport sur la blogosphère. J'ai toujours trouvé cela génial les gens qui ont eu la possibilité d'étudier leur passion, d'en faire même leur métier. Je tiens sincèrement à les féliciter. Il n'y a pas de jalousie ou quoi que ce soit dans ma remarque.

Mais parfois, sur la blogosphère, j'avais l'impression que je n'étais pas totalement légitime par rapport aux blogueurs qui étaient dans des sections cinéma par exemple. Alors évidemment, quand on a des connaissances dans un domaine, c'est normal de les réutiliser. Personne ne dira pas le contraire. Mais il y a vraiment des fois où je me sentais vraiment comme une merde par rapport à certains. Je ne sais pas si certains avaient juste chopé le melon, si c'est moi qui complexais comme une imbécile dans mon coin ou s'il y avait peut-être un peu des deux.

Et finalement, petit à petit, j'ai fini par développer ce complexe au sein de ma propre promo en lettres. Surtout en master. C'est en partie (mais pas que) pour cette raison que j'ai mal vécu mes deux dernières années de fac. J'avais sans cesse l'impression que j'étais une arnaque, que je n'étais pas légitime par rapport aux autres, que j'étais plus inculte etc... Finalement, j'étais paumée : j'avais pris certaines décisions pour me sentir encore plus mal. Ce sentiment de ne pas jamais sentir à sa place, même quand tu as dépassé le stade du collège

J'arrête de broyer du noir
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Je te félicite et je te remercie si tu es arrivé au bout de cette lecture. On va terminer ce billet sur une petite note positive.

J'ai dit ce que j'avais sur le coeur depuis des années. Cela a le mérite de me faire du bien. De retrouver la motivation. De repartir du bon pied. De ne plus me laisser faire non plus.

Je n'ai plus envie de me laisser perturber par ces pensées. Le passé doit appartenir au passé. On ne peut pas revenir en arrière. Et je ne saurais jamais comment aurait été ma vie si j'avais effectué certains choix. Aurais-je été plus heureuse ? Je ne le saurai jamais. J'essaie de prendre désormais ma vie en main, de faire ce dont j'ai envie avec les moyens que j'ai, de savoir saisir les opportunités qui en valent la peine.


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