Magazine Beaux Arts

La peinture canadienne du XXe siècle à nos jours

Publié le 15 octobre 2017 par Jigece
1930, Emily Carr : Vaincu

C’est à un voyage dans les grands espaces du Canada, deuxième plus grand pays du monde (mais seulement 38e pour la population avec 36 millions d’habitants), que je vous convie aujourd’hui, avec, bien sûr, de sublimes paysages, mais aussi le style académique français de William Brymner, Robert Harris et George Reid, les peintres marquants des années 1930, notamment Emily Carr et David Milne, des collectifs d’artistes dont le Groupe des Sept, le Groupe des Peintres canadiens, la Société d’art contemporain, le Groupe des Onze et les Automatistes, avec des praticiens de l’abstraction, du minimalisme, du colour field painting, du néo-expressionnisme, du néo-figuratif et du réalisme, comme, entre autres, Guido Molinari, Michael Snow, Joyce Wieland ou Greg Curnoe…
Le Canada compte dix provinces : l’Alberta (Calgary est sa plus grande ville, la troisième du pays, avec 1,2 millions d’habitants – et Edmonton – 930 000 habitants – sa capitale), la Colombie-Britannique (Vancouver – 630 000 habitants – est sa ville la plus peuplée), l’Île-du-Prince-Édouard (la plus petite des provinces du Canada en superficie et en population), le Manitoba (Winnipeg est sa capitale ainsi que sa ville la plus peuplée), le Nouveau-Brunswick (seule province officiellement bilingue, avec un tiers de francophones), la Nouvelle-Écosse (capitale Halifax), l’Ontario (la plus peuplée, avec 13,6 millions d’habitants – Toronto, qui est également la plus grande ville canadienne, avec 2,7 millions d’habitants, en est la capitale, tandis qu’Ottawa – 930 000 habitants – est la capitale du Canada), le Québec (la seule francophone, avec 8 millions d’habitants – Montréal est sa plus grande ville, la deuxième du pays, avec 1,7 millions d’habitants, et Québec sa capitale), la Saskatchewan (la plus grande ville est Saskatoon et la capitale Régina) et Terre-Neuve-et-Labrador (où se trouve sans doute la première colonie européenne en Amérique, fondée en l’an 1000 par les Vikings, à l’Anse aux Meadows), ainsi que trois territoires fédéraux : les Territoires du Nord-Ouest (seulement 40 000 habitants sur une superficie de plus de 2 fois la France), le Nunavut (seulement 35 000 habitants sur une superficie de 3 fois la France) et le Yukon.

La peinture canadienne affiche une histoire récente car la constitution du Canada date de 1867 et les peintres antécédents à cette date sont soit anglais, soit français des colonies britanniques (à partir de 1763). L’émulation des années 1860, se traduit malgré tout au Canada d’une façon modeste, les artistes faisant encore figure de marginaux dans un milieu essentiellement préoccupé par son développement économique. Pourtant, une même volonté de représenter le paysage local selon ses propres caractéristiques anime les peintres.

Modèles européens

En 1880, l’Art Association of Montreal (actuel Musée des beaux-arts de Montréal) présente son premier salon annuel d’art canadien, soit le Salon du Printemps. L’exposition accueille les œuvres de professionnels et d’amateurs, hommes et femmes, y compris des élèves des écoles d’art. C’est à cette période que les artistes acquièrent une certaine reconnaissance et obtiennent un statut professionnel dans la société canadienne.
À cette époque, tout artiste canadien désirant faire carrière doit poursuivre sa formation en Europe, principalement à Paris, mais aussi à Londres ou à Bruxelles. Ces séjours leur permettent de fréquenter des ateliers libres, les académies privées, les meilleures écoles, d’étudier sur place les chefs-d’œuvre du passé, d’exposer et d’attirer l’attention de la critique. Autant d’atouts grâce auxquels ils peuvent ensuite gagner la confiance des amateurs canadiens. À leur retour au pays, leur production se ressent de cette influence. William Brymner et Robert Harris suivent cette voie et, à leur retour au Canada, enseignent « à la française » à Montréal et à Toronto. En 1883, le gouvernement fédéral commande à Harris un tableau des Pères de la Confédération. Paul Peel est acclamé à Paris et au Canada pour ses études de baigneurs et d’enfants dont on ne reconnaît pas le style canadien, tandis que George A. Reid a recours aux mêmes traditions monumentalistes dans ses scènes figuratives de l’Ontario rural, comme on peut le constater avec Mortgaging the Homestead (1890).
Homer Watson et Ozias Leduc, deux jeunes peintres qui s’inspirent du Canada rural, ne visitent l’Europe qu’après avoir été reconnus comme artistes chez eux. Quand la reine Victoria acquiert le Pioneer Mill (1881) pour l’ajouter à sa collection d’œuvres d’art, Watson devient vite une célébrité. Il est « l’homme qui a vu le Canada comme le Canada et non comme rêve flou, pastiche de la peinture européenne ». Leduc vit à Saint-Hilaire, au Québec. Pour subsister, il décore des églises, mais pour sa propre satisfaction personnelle, il peint des natures mortes, des personnages et des paysages. Entre-temps, à Paris, le style narratif doucereux du Salon subit les attaques de plus en plus fortes des artistes innovateurs des écoles impressionnistes et des écoles de Barbizon et de La Haye. Horatio Walker est influencé par la peinture naturaliste et, à son retour au Canada, ses scènes rurales inspirées par l’Île d’Orléans lui valent des éloges dans toute l’Amérique du Nord. En 1910, la Galerie nationale du Canada verse 10 000 dollars pour Oxen Drinking.
Maurice Cullen et James Wilson Morrice figurent parmi les premiers artistes à appliquer les principes de l’impressionnisme français aux paysages canadiens. Cullen attire l’attention à Paris, puis revient au Québec à un âge avancé. La critique est acerbe envers lui et il vend peu. Il exerce cependant une grande influence en enseignant à la Société des Arts de Montréal. Pour sa part, Morrice, dont la fortune lui garantit une indépendance, passe une grande partie de sa vie à Paris. Il voyage beaucoup, fréquente Henri Matisse et est influencé par James Whistler. Entre 1907 et 1915, Cullen, Morrice et Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté (également sculpteur) servent de modèles aux jeunes artistes qui viennent voir leurs œuvres aux expositions annuelles du Canadian Art Club de Toronto.

Première Guerre mondiale

Norman Wilkinson, artiste maritime anglais, a peint le Premier contingent du Canada quittant le pays en octobre 1914. Plus de 32 000 soldats canadiens et terre-neuviens gagnèrent la Grande-Bretagne à bord de 30 paquebots de ligne. À l’époque, c’était le plus important groupe de Canadiens à avoir jamais quitté le Canada par voie maritime.

Peintres officiel durant la Première Guerre mondiale

Richard Jack (peintre britannique, il a accepté une commission dans l’armée canadienne en 1916 pour peindre pour le Canadian War Records Office, devenant le premier artiste de guerre officiel du Canada – il a émigré au Canada en 1938), Alfred James Munnings (britannique, artiste de guerre de la Canadian Cavalry Brigade), John William Beatty, Maurice Cullen, Kenneth Forbes, A. Y. Jackson, C.W. Jefferys, Wyndham Lewis (britannique mais né au Canada, il devient artiste de guerre officiel après la bataille d’Ypres en 1917, à la fois pour le gouvernement canadien et le gouvernement britannique), Arthur Lismer, David Milne, Charles Walter Simpson et Frederick Varley.

Entre-deux-Guerres

Dans les années qui précèdent immédiatement la Première Guerre mondiale, l’émergence du nouveau mouvement paysagiste à Toronto modifie radicalement la peinture canadienne. Tom Thomson, grâce à ses paysages à l’huile, immortalise le nord de l’Ontario. Malheureusement, il meurt en 1917, dans un accident de canotage, à seulement 40 ans. Pourtant, même si sa carrière d’artiste n’aura duré cinq ans, son art demeure une étape déterminant dans l’évolution de la peinture canadienne. Il laisse des visions fulgurantes de la nature sauvage de l’Ontario qui sont devenues de véritables icônes du paysage canadien.

Le Groupe des Sept

Les amis peintres de Tom Thomson, Frank Carmichael, Lawren Harris, Alexander Young Jackson, Frank (ou Franz) Johnston (qui quitte le groupe en 1924), Arthur Lismer, J. E. H. MacDonald et Frederick H. Varley organisent, en 1920, le première exposition du Groupe des Sept. A. J. Casson rejoint le Groupe en 1926, Edwin Holgate en 1928 et Lionel LeMoine FitzGerald juste avant sa dissolution, en 1933 (ils n’étaient plus que 6 après le départ de Johnston). Le style du Groupe dominera l’art canadien pendant les 30 années suivantes. Il s’agit d’une peinture audacieuse et imaginative, aux couleurs éclatantes et tendant vers un maniérisme postimpressionniste. C’est aussi un mouvement artistique qui suscite des controverses amères et des ferveurs patriotiques, qui capte l’intérêt du public mais qui laisse peu de place à l’émergence de styles artistiques différents.

Le Groupe de Beaver Hall

Le Groupe de Beaver Hall est également fondé en 1920, à Montréal, par des artistes qui avaient pour la plupart étudié les arts avec William Brymner. Le groupe naît au mois de mai à l’instigation de Randolph Stanley Hewton, Edwin Holgate, Mabel May, Lilias Torrance Newton, Mabel Lockerby, Anne Savage et A. Y. Jackson, avec une vingtaine de membres. Le nom de Beaver Hall réfère à l’emplacement du studio qu’ils occupaient. Le Groupe de Beaver Hall tient sa première exposition le 17 janvier 1921. Le groupe tiendra seulement trois autres expositions avant de se dissoudre en 1923, laissant les membres poursuivre des carrières individuelles. Malgré sa brièveté en tant que regroupement d’artistes, le Groupe de Beaver Hall a contribué à donner une nouvelle impulsion à la vie artistique montréalaise de l’époque en faisant notamment place à plusieurs femmes peintres dont Mabel May, Lilias Torrance Newton, Anne Savage et Mabel Lockerby, déjà citées, mais aussi Nora Collyer, Emily Coonan, Prudence Heward, Kathleen Morris, Sarah Robertson et Ethel Seath. Comparé au Groupe des sept basé à Toronto qui se distingue par ses représentations de la nature sauvage canadienne, le Groupe de Beaver Hall fait surtout place aux portraits et aux paysages ruraux et urbains, introduisant par les différents styles de ses membres un élan de modernité dans le milieu culturel montréalais.

Canadian Group of Painters

Dissous en 1933, le Groupe des sept fait place à une autre association plus vaste composée d’artistes de tout le pays, le Canadian Group of Painters, qui encourage la peinture figurative et le modernisme aussi bien que le style paysagiste. Les membres fondateurs sont Bertram Brooker, Franklin Carmichael, Emily Carr, A. J. Casson, Charles Comfort, L. L. Fitzgerald, Bess Harris, Lawren Harris, Prudence Heward, Randolph S. Hewton, Edwin Holgate, Yvonne McKague Housser, A.Y. Jackson, Arthur Lismer, Jock Macdonald, Thoreau MacDonald, H. Mabel May, Isabel McLaughlin, Lilias Torrance Newton, Will Ogilvie, George Pepper, Sarah Robertson, Albert H. Robinson, Anne Savage, Charles H. Scott, F. H. Varley, W. P. Weston et W. J. Wood. Dans les années 1935-40, les rejoindront André Charles Biéler, John Alfsen, Paraskeva Clark, Rody Kenny Courtice, Bobs Cogill Haworth, Pegi Nicol MacLeod, Kathleen Daly, Carl Schaefer, Gordon Webber, Caven Atkins, Peter Haworth, Jack Humphrey, Mabel Lockerby, Henri Masson, David Milne, Kathleen Morris, Louis Muhlstock et Ethel Seath. Puis dans les années 1942 à 53, ce seront Fritz Brandtner, Goodridge Roberts, Marian Dale Scott, Jack Nichols, William Winter, Edna Taçon, E. Michael Mitchell, E. J. Hughes, Jack Bush, B. C. Binning, Stanley Cosgrove, L. A. C. Panton, Jacques de Tonnancour, Roloff Beny et Lionel Thomas.
Deux artistes qui travaillent à la même époque que le Groupe des Sept, Emily Carr et David Milne, ne seront pas appréciés avant la fin des années 30. Demeurés fidèles au milieu où ils ont grandi, ils travaillent dans un quasi-isolement, poursuivant leur propre cheminement artistique dans la pauvreté financière et la non-reconnaissance de leur travail. À la suite d’un voyage en Angleterre et en France, Carr est touchée par les couleurs vives et les vigoureux coups de pinceau des Fauves. À son retour, elle peint les forêts denses du Pacifique ainsi que des villages et des totems indiens avec une exubérance qui exprime la célébration de la nature et de ses mystères. Contrairement à Carr qui peint avec encore plus de dynamisme après avoir rencontré le Groupe des Sept, Milne ne partage pas la conscience nationale du Groupe et s’intéresse plutôt à l’expression esthétique individuelle et aux problèmes liés à son art. Il part étudier à New York et participe au célèbre Armory Show de 1913 qui introduira le modernisme en Amérique. Par la suite, dans les Catskills et dans diverses régions rurales isolées du Sud de l’Ontario, il expérimente des formes évocatrices, des contrastes de ton et des plans picturaux singuliers, tout en simplifiant sa technique.
Plusieurs excellents peintres sont complètement ignorés à cette époque, d’abord à cause de la Crise des années 30, mais aussi en raison de l’importance du Groupe des Sept dans le milieu artistique canadien. Les écoles et les sociétés d’art contrôlent l’accès des artistes aux expositions, l’acquisition d’œuvres d’art nouveau est rare, et le public autant que les institutions expriment de la réticence ou même de l’indifférence face au changement. Lionel LeMoine Fitzgerald peint des scènes intimes et douces ayant pour cadre Winnipeg. Charles Comfort , avec le portrait de son ami Carl Schaefer, intitulé Young Canadian (1932), représente encore mieux cette époque. En février 1927, l’Arts and Letters Club de Toronto expose des tableaux de Bertram Brooker. C’est la première exposition d’art abstrait au Canada. Un peu plus tard cette même année, Lawren Harris aide à organiser une exposition d’art abstrait européen au Musée des beaux-arts de Toronto, mais celle-ci est ridiculisée, tant par la critique que par les artistes contemporains. Il faudra attendre la Deuxième Guerre mondiale et une nouvelle génération d’artistes québécois pour que la peinture canadienne ne connaisse un nouvel essor.

Peintres officiel durant la Deuxième Guerre mondiale

Aba Bayefsky, Eric Aldwinckle, Miller Brittain, Alan Brockman Beddoe, Bruno Bobak, Molly Lamb Bobak, Frank Leonard Brooks, Paraskeva Clark, Alex Colville, Charles Fraser Comfort, Charles Goldhamer, Lawren P. Harris, Robert Stewart Hyndman, Pegi Nicol MacLeod, Jack Nichols, William Abernethy Ogilvie, Goodridge Roberts, Jack Shadbolt OC OBC, George Campbell Tinning et Geoffrey Bagley.

Après-Guerre

La période depuis la Seconde Guerre mondiale jusqu’à nos jours a connu une expansion sans précédent dans les arts visuels à travers le Canada, attestée par le nombre d’artistes professionnels, la prolifération des galeries et des expositions, le développement des magazines d’art et une expansion significative des écoles d’art comme l’Université d’Art et de Design Emily Carr ou l’Université de l’Université d’Art et de Design de l’Ontario. Le Conseil des Arts du Canada et les conseils artistiques provinciaux ont joué un rôle crucial dans ce développement, tout comme l’expansion des musées, des galeries d’art et des espaces alternatifs et artistiques, ainsi que la croissance des départements d’art dans les collèges et les universités.
La percée des mouvements modernes est venue à Montréal dans les années 40 grâce à des efforts entrepris par les artistes eux-mêmes. Les trois personnages principaux, John Lyman, Alfred Pellan et surtout Paul-Émile Borduas, avaient des vues différentes, souvent contradictoires, mais d’où provenaient des idées et une dynamique de changement.

Société des arts contemporains

Lyman est revenu à Montréal en 1931 après presque 24 ans à l’étranger, surtout en France. Outre l’exemple de son propre travail et son plaidoyer pour l’art européen moderne, il a initié la fondation de la Société des arts contemporains en 1939, pour promouvoir l’art non académique au Canada (alors dominé par le conservatisme). La société, ouverte aux artistes qui n’étaient pas membres de l’Académie royale du Canada, a organisé des expositions annuelles pendant ses neuf années d’existence et a aidé à introduire le modernisme européen au Canada. Les membres fondateurs comprenaient 26 artistes, dont Prudence Heward, Fritz Brandtner, Goodridge Roberts, Louis Muhlstock, Marian Scott, Philip Surrey et Paul-Émile Borduas.

Au Québec

Les années d’après-guerre au Québec, correspondant au second mandat de Maurice Duplessis comme premier ministre, ont été dénommées « Grande Noirceur ». Durant cette période, face aux mutations profondes que connaît la société québécoise, les élites traditionnelles, groupées autour des milieux cléricaux et de la figure de Duplessis, opposent un durcissement de leur conservatisme, véritable « couvercle vissé de force sur société convertie en marmite de Papin », qui ne fait qu’exacerber les tensions sociales.
Il faut attendre 1960 et l’élection qui porte au pouvoir le gouvernement Jean Lesage du Parti libéral du Québec pour que débute la « Révolution tranquille », une période de l’histoire contemporaine du Québec caractérisée par de nombreux changements sociaux et une intervention importante de l’État dans divers sphères de la société : l’État québécois adopte les principes de l’État-providence, met en place d’une véritable séparation de l’Église catholique et de l’État et construit une nouvelle identité nationale québécoise, qui s’écarte du nationalisme traditionnel canadien-français. Cette « Révolution tranquille » s’étend sur toute la décennie 1960, voire jusqu’aux années 1970. Durant cette courte période, le Québec comble son retard face aux autres pays et devient le Québec d’aujourd’hui.
Tout cela a conduit à populariser dans la conscience historique des Québécois l’idée d’une période de conflit entre « Anciens » et « Modernes » et à en faire un « marqueur » important de l’histoire québecoise contemporaine.

Les Automatistes

Une source d’inspiration plus radicale est venue d’Alfred Pellan, qui est rentré au Canada en 1940 après 14 ans à Paris. Un artiste au talent étincelant et éclectique – ses interprétations du cubisme et du surréalisme ont été une révélation pour les artistes de Montréal. Paul-Émile Borduas, professeur à l’École du Meuble de Montréal, initialement frappé par le travail de Pellan, poursuit une approche encore plus radicale liée aux idées d’André Breton, fondateur du surréalisme. Il devient le centre d’un groupe de jeunes hommes et femmes, dont les peintres Marcel Barbeau, Jean-Paul Riopelle, Pierre Gauvreau, Fernand Leduc, Jean-Paul Mousseau, tous membres de la Société d’art contemporain, ainsi que Madeleine Arbour et Marcelle Ferron ; les écrivains Claude Gauvreau et Thérèse Renaud ; les danseuses et chorégraphes Françoise Sullivan, Françoise Riopelle et Jeanne Renaud ; la designer Madeleine Arbour ; l’actrice Muriel Guilbault et le photographe Maurice Perron, de même que le psychiatre psychanalyste Bruno Cormier. On peut également rajouter Lise Gervais qui, même si elle n’avait que 15 ans lorsque les Automatistes publièrent leur manifeste, prendra, quelques années plus tard, lors de ses études à l’École des beaux-arts, conscience des possibilités d’émancipation que représente pour elle l’expressionnisme abstrait. Malheureusement pour elle, après avoir été célèbre dans les années 1960, elle plongera peu à peu dans l’oubli et la dépression. Atteinte de sclérodermie, une maladie très rare qui rend la peau dure comme du cuir, Gervais continuera toutefois de peindre. Amère de ne pas être reconnue à sa juste valeur comme artiste, « en colère contre le monde entier » selon les rares personnes qui la fréquentent, elle est morte dans l’anonymat le 30 avril 1998.
Le Groupe a gagné le nom d’Automatistes d’une exposition en 1947, le nom faisant allusion à la fois à la liberté de la peinture abstraite gestuelle et à la pratique surréaliste de longue date de l’écriture et du dessin automatiques. Les premières œuvres résultant de ces expériences s’apparentent à l’expressionnisme abstrait, malgré l’absence de liens entre les groupes montréalais et new-yorkais.
On reconnaît généralement que l’exposition de quarante-cinq gouaches de Paul-Émile Borduas, au mois d’avril 1942, au Foyer de l’Ermitage, à Montréal, est le point de départ du mouvement. Une jeunesse enthousiaste se joint alors à ce professeur, adoptant ses idées et son projet.
D’abord initié dans le milieu des arts visuels (peinture, dessin, sculpture, etc.), le mouvement s’étend à d’autres disciplines artistiques : la poésie, la danse et le théâtre. La première manifestation publique du groupe a lieu en mars 1946 dans le cadre d’une exposition organisée dans une boutique désaffectée de la rue Amherst à Montréal. La publication du manifeste Refus global, le 9 août 1948, définira leur vision esthétique et politique. En défendant la liberté personnelle dans l’expression culturelle et spirituelle, le pamphlet a attaqué la répressivité du gouvernement du Québec de l’époque et la place dominante de l’église au Québec en matière de politique, de culture et d’éducation. Le document a provoqué un tollé et a amené Borduas à perdre son poste d’enseignant. Après cinq ans de difficultés personnelles et professionnelles, Borduas a quitté le Canada. Il est allé à New York (1953-55), entrant en contact avec le travail des expressionnistes abstraits, puis à Paris (1955-1960). À la fois dans sa peinture et son plaidoyer en matière de changement culturel, Borduas représente l’une des principales réalisations de l’art canadien.
Sans s’être séparés radicalement, les Automatistes ont interrompu leurs activités communes en 1954, après l’exposition La matière chante organisée par Claude Gauvreau. Le départ pour l’étranger de la plupart d’entre eux, particulièrement celui de Borduas, a précipité la dissolution effective du groupe. Cependant, les Automatistes ont constamment maintenu des liens entre eux par-delà le temps et l’évolution de leurs recherches esthétiques respectives.

Le mouvement plasticien

Le mouvement plasticien attire d’abord l’attention en 1955 quand un groupe de jeunes peintres — Jauran (Rodolphe de Repentigny), Louis Belzile, Jean-Paul Jérôme et Fernand Toupin — exposent ensemble et publient leur Manifeste des Plasticiens. Ces quatre artistes, les « premiers » plasticiens, cherchent à rejeter les techniques spontanées de leurs prédécesseurs automatistes, car ils contestent la manière libre et le style gestuel par une géométrie plus impersonnelle. Ce groupe, influencé par les idées et le travail de Kazimir Malevich et de Piet Mondrian, est bientôt absorbé par l’Association des artistes non figuratifs de Montréal, formée en 1956 avec Fernand Leduc (venu des Automatistes) en tant que président, Repentigny comme secrétaire et Guido Molinari en tant que trésorier, et qui comprent des artistes tels que Rita Letendre, Jean McEwen et Claude Tousignant. La direction, quelque peu hésitante, commencée par les « premiers » Plasticiens est rapidement développée par Leduc, Molinari et Tousignant, les soi-disant seconds plasticiens, qui accusent les premiers plasticiens d’être timides, vieillots et européens, et les remettent en cause par une géométrie clarifiée dont la rigueur, la planéité et l’échelle sont encore plus grandes. D’autres adeptes de la peinture géométrique grossiront les rangs de l’Association qui comptera jusqu’à 50 membres. Leduc est retourné en France en 1959, et ce fut le travail de Molinari et Tousignant, en particulier, rigoureusement dur et abstrait et développé sur la dynamique de la couleur, qui a mené la peinture montréalaise dans les années 1960.

Mais leurs préoccupations n’étaient pas exclusives, comme en témoignent les travaux d’Yves Gaucher, d’abord comme écrivain et depuis le milieu des années 1960 en tant que peintre, et Charles Gagnon, dont le travail a été consacré à la peinture, à l’assemblage et à la photographie.
Quand Yves Gaucher fait son entrée sur la scène montréalaise, c’est en post-plasticien à part entière avec sa série d’estampes de 1963, En hommage à Webern, suivie deux ans plus tard par sa série picturale des Danses carrées. En pratique, il est même « post-pictural » — c’est-à-dire qu’il rejette l’empâtement et la gestuelle personnelle en faveur d’une application anonyme de la peinture en couches minces, comme les peintres de la « post-painterly abstraction », artistes inspirés par Henri Matisse, tels Morris Louis et Kenneth Noland à Washington, Jack Bush à Toronto et Kenneth Lochhead à Regina.
En 1966, Gaucher participe à la 33e Biennale de Venise et devient professeur adjoint de beaux-arts à l’Université Sir George Williams (depuis 1974, Université Concordia), à Montréal, où il enseigne les arts graphiques et la peinture jusqu’à sa mort, en 2000. Parmi ses étudiants, on retrouve de grandes figures artistiques comme Betty Goodwin, Jana Sterbak et Marc Séguin.
Toutefois, les adeptes de la « post-painterly abstraction » délaient tellement la peinture qu’ils l’imprègnent dans la trame de leurs toiles brutes, laissant fuir les couleurs et les contours devenir flous. En revanche, les Montréalais appliquent leurs plans colorés avec un rouleau sur des toiles apprêtées, conservant les arêtes bien droites et bien nettes : les Canadiens font des tableaux de taille américaine, mais préfèrent la couleur pure non modulée comme dans Crépuscule, calme, signaux (1966), de Gaucher – amenant les critiques américains à rejeter leur peinture jugée mécanique, vide de subjectivité et fondamentalement dépourvue de plaisir sensuel.

En Ontario

Toronto, dans les années 1940, n’avait pas l’atmosphère des débats radicaux trouvés à Montréal. Il n’y avait que quelques artistes, tels que Paraskeva Clark, Robert « Scottie » Wilson, Albert Franck et Jock Macdonald (un personnage majeur en tant que peintre et enseignant), qui ont travaillé contre la domination du Groupe des Sept et leurs partisans dans le Canadian Group of Painters. D’autres, tels que Jack Bush et des artistes plus jeunes tels que Oscar Cahén, Walter Yarwood, Harold Town et William Ronald, développent activement, à la fin des années 1940, des solutions plus radicales, en regardant la peinture européenne mais aussi New York.
En parlant de Toronto, on peut citer le collectif torontois General Idea (AA Bronson, Felix Partz et Jorge Zontal), fondé en 1969, qui fut très en vue au pays vers la fin des années 1980.

Le Groupe des Onze

Alexandra Luke a organisé la tournée de l’Exposition canadienne d’abstraction en 1952 et, en 1953, William Ronald a lancé une exposition dans les grands magasins Simpsons intitulée « Abstracts at Home », comprenant son travail et celui de six autres artistes, Kazuo Nakamura, Alexandra Luke, Jack Bush (considéré comme un représentant canadien majeur de l’expressionnisme abstrait et du Colorfield Painting), Oscar Cahén, Ray Mead et Tom Hodgson. En décidant de continuer à exposer ensemble, le groupe s’élargit pour inclure Hortense Gordon, Walter Yarwood (sculpteur), Harold Town et Jock Macdonald, et prend le nom Painters Eleven. Ils ont exposé ensemble en 1954 et formellement dissous en 1960.

L’histoire d’Oscar Cahén est intéressante : né au Danemark, il doit, avec sa famille, fuir la persécution nazie (son père est un espion et résistant anti-Hitler). Parvenu en Angleterre, Cahén est embarqué sur un bateau prison appelé Ettric en compagnie de plus de 2000 hommes, juifs allemands pour la plupart, officiellement considérés comme prisonniers de guerre et étrangers ennemis. Il arrive à Montréal le 13 juillet 1940, il a 24 ans. Là, il est interné 2 ans dans un camp. Sa mère est bloquée en Angleterre, son père est aux États-Unis. Vers la fin de 1944, Cahén s’installe à Toronto et devient directeur artistique du Magazine Digest – en Europe, il avait étudié l’illustration et s’avère particulièrement doué. Il obtient la citoyenneté canadienne en 1946 puis, en juin 1947, sa mère arrive d’Angleterre. Il commence à peindre à son compte et élargit son cercle social à des artistes modernistes, parmi lesquels Harold Town, Walter Trier, Albert Franck et Walter Yarwood. Vers 1949, Oscar Cahén entreprend l’exploration de formes totalement abstraites et se constitue un vocabulaire personnel de croissants, de pointes et de formes ovoïdes, auxquelles il ajoute, vers 1952, des couleurs chaudes et saisissantes. Il s’essaye à la gravure et à la céramique. Il semble partager son temps également entre illustration et peinture, la première de ces activités lui procurant la stabilité financière (entre 1950 et 1957, des magazines canadiens publient au moins 300 de ses illustrations) et une position sociale qui lui permettent d’expérimenter tout son soûl quand il travaille pour lui-même.
Mais l’abstraction, qui ouvre la voie à des modes qui ne sont pas littéraux, rebute de nombreux Canadiens, y compris des artistes. La difficulté d’élargir les horizons visuels du public canadien hante les artistes de l’avant-garde et les peintres modernes. En 1953, Cahén, Yarwood et Town parlent de monter une exposition consacrée exclusivement à la peinture abstraite, pour témoigner de leur « unité à l’égard d’une visée contemporaine ». Coïncidence : quelques semaines plus tard, à Toronto, l’artiste William Ronald convainc le magasin Simpson’s d’exposer dans son rayon de mobilier quelques œuvres abstraites qui font écho aux lignes épurées des meubles modernes d’après-guerre. Cahén soumet deux œuvres, intitulées L’arbre aux bonbons (1952-53) et Fleurs et oiseau (1953). L’exposition est finalement collective et débouche sur la formation du collectif Painters Eleven. Le groupe légitime l’art abstrait, incite de jeunes artistes à suivre la voie de l’avant-garde et amorce un dialogue entre l’art canadien et les tendances et critiques artistiques de l’art contemporain international. La réputation de Cahén devient très importante mais, malgré les succès qui s’additionnent, il demeure une part d’ombre : son père, Fritz Max Cahén, est resté aux États-Unis et Oscar dit avoir « perdu le contact » avec lui. En 1956, un jour de fin d’automne, alors qu’il est au volant de sa nouvelle Studebaker Hawk (il aimait les voitures de sport), Oscar Cahén fait une collision fatale avec un camion-benne. Il avait 40 ans.

London Regionalism

London Regionalism est un mouvement artistique canadien qui s’est développé à la fin des années 1950 et 1960 à London, en Ontario, au Canada. Les artistes du mouvement incluent Greg Curnoe, Tony Urquhart, Murray Favro (installations « à la Duchamps »), Ron Martin et Jack Chambers, notamment. Le mouvement était composé d’un groupe d’artistes qui reconnaissaient leur maison comme centre et sujet d’activité créative. En fait, le terme « régionalisme » a été adopté par la communauté dans un esprit de défi après qu’un critique de Toronto l’ait utilisé de manière négative envers eux. Le mouvement n’est pas considéré comme un « isme » mais juste « un groupe d’artistes qui ont décidé de rester à la maison ». Leur régionalisme n’était pas un style particulier, plutôt une mentalité communautaire qui embrassait une liberté artistique complète.

Retour de la figuration

À partir des années 1960, la figuration fait un retour comme approche dominante dans la création artistique au Canada, en particulier avec les régionalistes de London en Ontario, tels John Boyle et Greg Curnoe, influencés par le mouvement dada plus tôt dans le siècle, et l’inclassable Alex Colville, qui a travaillé au Nouveau-Brunswick et plus tard en Nouvelle-Écosse. Avec Michael Snow, Joyce Wieland, Greg Curnoe et Tony Urquhart, Jack Chambers est devenu l’un des artistes les plus remarquables de sa génération.
En juillet 1969, après des mois de malaise, on diagnostique chez Jack Chambers une leucémie myéloblastique aiguë, une maladie terminale qui tue ses victimes dans les trois mois si elle n’est pas traitée. Ne sachant combien de temps il lui reste à vivre, il informe alors son agent Nancy Poole que, dorénavant, il fixera lui-même le prix de ses œuvres afin d’assurer l’avenir de sa famille. Au printemps suivant, Chambers demande 25 000 $ pour Le dimanche matin #2, un tableau de ses fils de trois et quatre ans en pyjama regardant la télévision dans le salon de la famille. C’est cinq fois le prix payé pour sa dernière peinture majeure, 401 Towards London #1. Mais Poole trouve un acheteur, faisant de Chambers, à trente-neuf ans, l’artiste le mieux payé du pays – et un sujet de polémique. Il mourra finalement sept ans plus tard. Peintre, réalisateur(il réalisa plusieurs films expérimentaux) et militant de la cause des artistes, Chambers est le fondateur et premier président du Front des artistes canadiens (CARFAC).

Dans les provinces de l’Atlantique

Les arts visuels dans les provinces de l’Atlantique se sont déplacés dans des directions radicales plus tard qu’au Québec et en Ontario. Les premiers artistes de la région à aborder sérieusement les problèmes contemporains étaient Jack Humphrey à Saint John , au Nouveau-Brunswick et, après la guerre, Bruno Bobak et Molly Lamb Bobak à Fredericton, au Nouveau-Brunswick. Lawren S. Harris à Sackville , au Nouveau-Brunswick, était essentiellement seul en tant que peintre abstrait. La figure dominante dans la région de l’Atlantique depuis la guerre a été Alex Colville . Sa peinture a établi un nouveau standard pour l’art réaliste, et grâce à son enseignement à Mount Allison (1946-63), il a eu un impact important sur le développement d’artistes tels que Christopher Pratt , Mary Pratt , Tom Forrestall et DP Brown . Depuis la fin des années 1960, l’ Université de l’art et du design de Nova Scotia , avec des artistes et des administrateurs influents comme Garry Neill Kennedy et Eric Cameron , a été un point de rassemblement pour les artistes radicaux canadiens, américains et européens.

Dans les provinces de l’Ouest

Dans les provinces de l’Ouest, chacun des grands centres urbains a établi un caractère distinctif et un sentiment de communauté. Vancouver a la plus grande concentration d’artistes et la plus longue histoire d’intérêt pour l’art moderne ; Jock Macdonald y travaillait dans les années 1930 et Lawren S. Harris s’y installait en 1940. Les 2 artistes principaux des années 1940, à la fois artistes et enseignants, ont été B. C. Binning et Jack Shadbolt. Binning est mieux connu comme dessinateur et peintre d’abstractions de navires et de paysages. Shadbolt, profondément affecté par la richesse du paysage et l’art indigène de la côte nord-ouest, a interprété ces thèmes d’une manière surréaliste très personnelle. Une combinaison de paysage et d’abstraction lyrique caractérise le travail de Gordon Smith, Takao Tanabe et Don Jarvis, une direction renforcée par Toni Onley qui déménage à Vancouver en 1959.
Une forme d’abstraction plus rigoureuse provient de Roy Kiyooka, qui est passé de Calgary à Régina en 1949 puis à Vancouver en 1959. Dans les années 1960 et 1970, Vancouver a connu la même diversification des médias qui se sont produits à Toronto et à Montréal, avec des atouts particuliers dans l’art conceptuel et de la communication, la vidéo et la performance, grâce aux travaux d’Iain et d’Ingrid Baxter dans leur NE Thing Co (un collectif d’art canadien qui a produit des travaux de 1967 à 1978), et Michael Morris et Gathie Falk, dont le travail englobe la performance, la peinture et les médias mixtes.
En 1973, le Western Front est fondé par huit artistes (Martin Bartlett, Mo van Nostrand, Kate Craig, Henry Greenhow, Glenn Lewis, Eric Metcalfe, Michael Morris et Vincent Trasov) qui voulaient créer un espace d’exploration et de création de nouvelles formes d’art. Il est rapidement devenu un centre pour les poètes, les danseurs, les musiciens et les artistes visuels intéressés par l’exploration et les pratiques interdisciplinaires. En tant que point focal de la pratique de l’art expérimental au cours des années 70 et 80, le Western Front, avec d’autres centres comme celui-ci, a joué un rôle majeur dans le développement de formes d’art électroniques et en réseau dans un contexte national et international. Il existe toujours aujourd’hui et maintient des programmes dans les expositions, les arts médiatiques et la musique nouvelle, ainsi qu’une vaste archive de matériel audiovisuel.

À Regina, l’activité dans les années 1950 était concentrée sur un petit groupe d’artistes déterminés à surmonter leur sentiment d’isolement des principaux centres, en particulier de New York. L’École d’été du lac Emma, fondée par Augustus Kenderdine en 1936, a été prolongée en 1955 par Kenneth Lochhead et Arthur McKay pour inclure un atelier pour les artistes professionnels, dont le premier a été dirigé par Jack Shadbolt. Par la suite, beaucoup de leaders étaient des Américains, les plus important étant Barnett Newman (1959), Clement Greenberg (1962), Kenneth Noland (1963) et Jules Olitski (1964). En 1961, Ronald Bloore, directeur de la Galerie d’art Norman Mackenzie, a organisé l’exposition « Cinq peintres de Régina » avec lui-même, Lochhead, McKay, Ted Godwin et Douglas Morton. Cette expo a ensuite visité le Canada sous les auspices de la National Gallery, créant le nom des Regina Five.

Les ateliers d’artistes du lac Emma ont également eu un effet majeur sur les artistes de Saskatoon, qui ont réuni des artistes de différentes générations et styles. Pendant de nombreuses années, le doyen de la peinture dans la ville était Ernest Linder, qui a attiré l’attention nationale avec ses plans précis d’arbres, de plantes et d’études de figures. La peinture de paysage, par exemple celle de Reta Cowley, Wynona Mulcaster et Dorothy Knowles, a été une force majeure ; leur exemple a encouragé le travail de jeunes artistes tels que Greg Hardy et David Alexander. Une sensibilité au paysage a également été un facteur majeur dans le développement de la peinture abstraite, par exemple dans les travaux très différents de William Perehudoff et Otto Rogers. Parmi les peintres plus jeunes, par exemple Robert Christie, il existe un intérêt considérable pour l’abstraction des champs de couleurs. Outre ces préoccupations, il y a le constructivisme d’Eli Borstein, fondateur et éditeur du journal Structurist.

Pour les artistes en Alberta, comme en Saskatchewan, les ateliers d’artistes du lac Emma et le Centre Banff pour l’éducation permanente ont été importants pour le développement des arts visuels. À Calgary, un groupe informel s’est développé autour de Maxwell Bates, avec Ron Spickett, Marion Nicoll et Roy Kiyooka. Bates, architecte praticien, peint à Calgary jusqu’en 1961 (lorsqu’il déménage à Victoria) dans un style expressionniste. Par la suite, la direction moderniste a été développée par des artistes tels que Bruce O’Neil et Gerald Hushlak.
Un style de paysage moderniste se trouve dans des artistes tels que Ken Christopher et dans diverses formes de peinture d’image avec John Hall, Derek Michael Besant, Ron Moppett et Gary Olson. L’intérêt pour le formalisme, à la fois en peinture et en sculpture, a eu un impact majeur à Edmonton, encouragé par le soutien de la Galerie d’art d’Edmonton et en particulier son ancien directeur, Terry Fenton. Le groupe important de peintres formalistes travaillant là-bas, dirigé par Douglas Haynes, comprend Robert Scott, Phil Darrah et Terrence Keller.

À Winnipeg, capitale du Manitoba, dans les années 1930, les artistes les plus importants étaient Fritz Brandtner et LeMoine FitzGerald. Des développements ultérieurs ont porté sur l’Université du Manitoba avec des artistes et des enseignants tels que George Swinton et Joe Plaskett et, à partir de 1964, Ken Lochhead. Au cours des dernières années, Winnipeg, quelque peu isolée des autres centres, a continué d’être une communauté active et variée avec des peintres tels que Don Reichert, Ivan Eyre, Esther Warkov, Jack Butler, Sheila Butler et Suzanne Funnell.

Les années 1970

Au cours des années 1970, la position de la peinture à l’avant-garde des arts visuels a été mise au défi par l’évolution de l’art conceptuel, de l’art d’installation, de la sculpture, de la vidéo et de la performance. La peinture était vue comme une forme d’art essentiellement réactionnaire et il était difficile d’échapper à l’impression que la peinture était, sinon un anachronisme, du moins une activité qui tournait un peu en rond. Mais c’était un faux sentiment de fermeture, car tout le caractère de la peinture était à ce moment-là en cours de révision. Elle n’a pourtant pas cessé et, ces dernières années, son champ d’activité s’est à nouveau développé, surtout chez les jeunes artistes. Remarquable à Toronto et à Montréal en particulier, on s’intéresse à ce qu’on appelle l’abstraction expressive et à la peinture figurative, sans pour autant exclure l’abstraction géométrique.
À un moment où les résultats de ces développements sont impossibles à prédire, il est important de reconnaître que ces termes sont inexacts et arbitraires ; car nous pouvons décrire le travail d’artistes tels que Richard Mill, Leopold Plotek, Christian Kiopini et Jocelyn Jean à Montréal comme abstraits et géométriques, mais leurs préoccupations et approches sont très différentes, entre eux, ou par rapport à des artistes de Toronto tels que Ric Evans, Jaan Poldaas, Milton Jewell et Paul Sloggett. Le facteur important est de reconnaître comment la matière de la peinture s’adresse au spectateur, un point souligné dans le travail de Ron Martin, dont le passage récent d’une forme ouverte et peinte à une structure de couleur géométrique est un changement plus syntaxique que stylistique.
Pour de nombreux peintres, comme Jacques Hurtubise à Montréal et Joseph Drapell, Milly Ristvedt-Handerek et Harold Feist en Ontario, le caractère de la peinture reste abstrait, formel et personnel. La distinction entre l’abstraction et le figuratif exclusif n’est pas non plus la préoccupation de la peinture elle-même. Dans les travaux de David Bolduc, Harold Klunder, Paul Fournier, Alex Cameron, Paul Hutner, Howard Simkins, Eric Gamble et Christopher Broadhurst, entre autres, à Toronto et ailleurs, les images figuratives sont tissées dans les préoccupations abstraites de l’activité de la peinture.

artistes des « Premières Nations »

Un développement important a eu lieu à partir des années 70 qui a également modifié les définitions antérieures de « l’art régional » : la conscience sociale et politique émergente d’un art contemporain radical et urbain des « Premières Nations ». Au Canada, les membres des « Premières Nations » sont les descendants des Indiens qui habitaient le Canada, qu’ils aient ou non le statut d’Indien.
Jusque là, on pensait simplement que « l’art indien » était une sorte d’artisanat qui n’avait pas de place dans les musées contemporains. Mais, en 1971, dans une humble vitrine de Winnipeg, Daphne Odjig ouvre une galerie. Trois ans plus tard, elle est devenue un carrefour de la culture indigène, se transformant en New Warehouse Gallery, la toute première galerie appartenant à un Canadien autochtone. Autour d’elle est rassemblé le gotha des artistes des Premières nations : Alex Janvier, Norval Morrisseau, Carl Ray, Jackson Beardy, Eddy Cobiness, Joseph Sanchez. Ce nouveau « Groupe des Sept » va former le Professional Native Indian Artists Inc. (PNIAI). Depuis, les changement a été puissant : des artistes comme comme Carl Beam, Robert Houle, Lawrence Paul Yuxweluptun et Rebecca Belmore ont déboulé dans la sphère du politiquement correct, à travers une vision du monde qui a repris le récit colonial eurocentrique et l’a reformulé vu par des yeux indigènes. Leur travail revisite l’héritage des traditions orales, de l’histoire sociale et de la colonisation, et l’impact d’une culture et des personnes dépossédées de racines et de terres historiques. Dans de nombreux cas, les artistes ont utilisé des motifs et des images traditionnels ainsi que des idiomes occidentaux de l’art contemporain.
Outre les artistes déjà cités, on peut également nommer Bob Boyer (Métis), George Littlechild (Plains Cree), Gerald McMaster (Plains Cree), Shelley Niro (Mohawk), Jane Ash Poitras (Chipewyan, Plains Cree), Rick James Rivet (Métis) et Joane Cardinal-Shubert (Blood, Blackfoot, Peigan).

Les années 1980

Au début des années 1980, les artistes canadiens travaillaient dans une vaste gamme de médias : photographies, installations, interventions in-situ, art public, performance. Cela a coïncidé avec un temps de croissance dans de nombreux secteurs des arts visuels, avec, dans les grands centres urbains, dees galeries nouvelles ou agrandies et l’augmentation conséquente des possibilités d’exposition pour les artistes. Contrairement à la fin des années 1940 et 1950, ce n’était pas une période de manifestations telles que le Refus Global de 1948 – un combat entre anciennes et nouvelles avant-gardes – mais plutôt une période de changements idéologiques. Certains de ces changements ont mis en doute la valeur des mouvements de dénomination, la pertinence de l’art dans la société et même la pertinence de la peinture en tant que discipline « senior » historiquement chargée. Si la peinture était sous pression critique et théorique, elle était également résurgente.
Plusieurs facteurs peuvent être identifiés qui ont affecté cette situation, dont la moindre n’était pas la résilience de la peinture comme moyen d’expression fondamental. Un pluralisme dans la pratique de la peinture était également évident. L’abstraction n’avait plus son statut de « contemporain » face au torrent de peinture figurative du début des années 1980 – le soi-disant « néo-expressionisme » qui apparaissaient à l’échelle internationale, presque simultanément. La peinture d’image – ici, un terme pour inclure un large éventail d’approches figuratives et représentatives – a servi de véhicule aux problèmes du moment et au militantisme : le genre, la culture des Premières nations, l’injustice sociale et une prise en compte globale des préoccupations environnementales. L’abstraction a été revisitée, prenant des formes et des expressions inattendues. De nombreux peintres émergeant à la fin des années 1960 et 1970 ont continué à contribuer à cette dynamique, et les artistes qui étaient à l’avant-garde des mouvements modernistes après 1950 étaient encore actifs. Quelques peintres ont atteint un statut de « trésor national » tout en restant fidèles aux principes de l’expérimentation et ont servi de passerelle pour la future génération. Parmi ceux-ci, Alex Colville, Paterson Ewen, Gathie Falk, Douglas Haynes, Guido Molinari, Jack Shadbolt, Gordon Smith, Takao Tanabe et Joyce Wieland.

Le nouvel art mondial global

Un autre facteur de la circulation et de la diffusion du pluralisme a été la dissolution des communautés artistiques régionales établies : les artistes sont devenus nomades. La prolifération des collèges d’art et le besoin d’instructeurs est un facteur. La scène devient internationale et les artistes canadiens qui se déplacent à l’étranger (comme les peintres Peter Doig et Lisa Milroy en Angleterre à la fin des années 1990) achèvent cet état de fait.
Sur la côte est, le réalisme précisionniste de Colville, Christopher Pratt et Mary Pratt influence la peinture d’image idiosyncratique de Gérard Collins, Nancy Edell et Suzanne Funnell. À partir des années 1990, Gerald Ferguson commence à incorporer des motifs de pochoir d’art populaire dans ses peintures, tout en restant fidèle aux principes de sa pratique de l’art conceptuel.
Montréal, un bastion de peinture non objective, illustré dans les travaux de Molinari, Louis Comtois, Charles Gagnon, Yves Gaucher et Claude Tousignant, a vu l’émergence d’une génération de peinture « New image » dans les années 1980. Pierre Dorion et Claude Simard ont loué un appartement en 1983 et ont couvert l’espace avec des images peintes, qui ont ensuite été vendues par morceaux. Parmi les autres peintres montréalais figurent Peter Krausz, Louise Robert, Susan G. Scott, Richard-Max Tremblay, Carol Wainio et Irene Whittome (également connue pour son travail sculptural et ses installations dans les années 1970 et 1980).
Bien que Toronto ait été la base reconnue pour les « Peinters eleven » dans les années 50, l’abstraction n’avait pas la même tradition établie depuis longtemps qu’elle avait à Montréal. Au cours des années 1960 et 1970, il y avait toujours un courant de peinture figurative. Le collectif de la galerie ChromaZone a joué un rôle important, même si les travaux présentés par ce groupe n’étaient pas exclusivement axés sur la peinture. Initiée par Andy Fabo, Rae Johnson et Oliver Girling, la Galerie a fonctionné de septembre 1981 à mai 1983 (il s’agissait de deux pièces dans l’appartement d’Oliver Girling), mais a continué avec des expositions dans des lieux de localisation temporaire. Ils furent rejoints par Brian Burnett, Sandra Meigs, Andy Patton, John Brown, Richard Storms, Shirley Wiitasalo et Will Gorlitz. Joanne Tod est devenue célèbre après son exposition Monumenta de 1982. Par la suite, son travail a eu une reconnaissance nationale. Natalka Husar est également apparue comme peintre éminent des années 1990. Comme Tod, son travail porte sur la critique du comportement culturel urbain moderne.
À Winnipeg, Wanda Koop et Eleanor Bond sont deux peintres d’image dont le travail se caractérise par une approche forte et emblématique, les deux travaillant à grande échelle. Les images de Bond de scènes urbaines inventées à partir d’une vue panoramique s’appuient sur son expérience internationale. De même, Wanda Koop s’est inspirée du passé – la peinture maniériste et les icônes vernaculaires canadiennes – avec un intérêt pour les influences interculturelles. D’autres peintres d’image ont émergé dans l’Ouest canadien, dont David Alexander (Saskatoon), Chris Cran, David Janzen (Calgary), Janet Werner (Saskatoon) et David Thauberger (Regina).
La peinture « New image » est également apparue à Vancouver au début des années 1980. Le collectif Futura Bold de Angela Grossman, Richard Atilla Lukacs, Derek Root et Graham Gillmore (1984) a été connu par son exposition de la Vancouver Art Gallery, New Romantics, qui comprenait également Mina Totino et Vicky Marshall. Les images de skinheads de Lukacs dans les années 1980 ont prouvé que la peinture avait encore le pouvoir d’inciter à la controverse. On peut également parler de Lucy Hogg, Landon MacKenzie, David MacWilliams, Laurie Papou et Neil Wedman.
D’une manière similaire, la nouvelle abstraction apparue à la fin des années 1980 et 1990 dans tout le Canada, exprimée dans le travail de René Pierre Allain (Ottawa et New York), Bobbie Oliver (New York), Gina Rorai (Toronto), Arlene Stamp (Calgary), Monica Tap (Halifax), David Urban (Toronto) et Robert Youds (Victoria), étaient la preuve que l’abstraction n’avait pas fini son histoire, contrairement aux opinions avancées par certains de ses critiques.
On peut encore rajouter des artistes qui ont traversé les lignes entre la représentation et l’abstraction à la fin des années 1990 – Chris Cran et James Lahey (Toronto), par exemple – et des artistes dont la peinture ne peut être facilement classée : Christian Eckart (Calgary-New York) Robert Fones (Toronto), Regan Morris (Toronto), Taras Polataiko (Ukraine-Saskatoon), Mary Scott (Calgary) et Renée Van Halm (Vancouver).
Il n’est plus, alors, question de style ou de préoccupations régionalistes, mais de pratiques picturales très individuelles. Difficile, dès lors de classer les artistes par affiliation avec un type ou un style particulier. Un exemple important est Tony Scherman (Toronto). Ses peintures ont profité des variantes de la mythologie grecque, de la Révolution française, des pièces shakespeariennes et des icônes de la culture pop, tout en exprimant une pertinence contemporaine. Un autre exemple est David Bierk (Peterborough). Il a également revisité les ouvrages historiques pour amplifier les préoccupations d’un monde urbain contemporain, plutôt que de susciter la nostalgie de la nature.

Si les années 1970 se sont terminées par une maturation sans précédent dans le spectre des arts visuels et l’augmentation du soutien infrastructurel, les années 1990 se sont terminées par un trafic visuel et intellectuel accru entre les médiums : la peinture a été influencée par des problèmes et des innovations dans la photographie, la vidéo et les technologies numériques. En retour, les artistes travaillant dans des milieux technologiques ont abordé la peinture de différentes manières différentes et inattendues. En outre, il y a eu une nouvelle appréciation de la diversité culturelle et une prise de conscience accrue des nombreuses façons dont l’art, en tant que production culturelle, pouvait s’ajouter à un environnement social progressif. Ce réveil a vu les artistes se pencher sur les sphères des préoccupations sociales, les systèmes de croyance (le spirituel), l’éthique de l’ère nouvelle de la science et sur l’histoire de l’art.

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