Magazine Santé

FERTILITÉ : Conserver le sperme oui, mais déshydraté ?

Publié le 16 octobre 2017 par Santelog @santelog
FERTILITÉ : Conserver le sperme oui, mais déshydraté ?

Si cette étude se revendique du domaine de la thériogénologie ou de la médecine vétérinaire consacrée à la reproduction, son avancée dans la conservation de spermatozoïdes de mammifères par déshydratation pourrait aussi avoir des implications en reproduction humaine. En effet, cette équipe de l'Université de Caroline du Nord réussit la toute première déshydratation, par micro-ondes, puis réhydratation de spermatozoïdes de chat domestique. Et les spermatozoïdes réhydratés présentent des dommages décrits comme minimes à l'ADN et sont viables c'est-à-dire capables de produire des embryons in vitro. Ces travaux suggèrent la possibilité, dans le futur, de préserver les cellules reproductrices à l'état déshydraté.

Pourquoi des cellules reproductrices séchées ? L'idée de conserver des spermatozoïdes ou des œufs pour une utilisation ultérieure n'est pas nouvelle, mais la technique de conservation consiste aujourd'hui à congeler. La cryoconservation est une technologie éprouvée pour la préservation des cellules germinales et des embryons, mais cette approche n'est pas sans contraintes et sans problèmes : ce mode de conservation nécessite de maintenir précisément la température de congélation donc un approvisionnement constant en énergie, une technologie et des installations coûteuses et des opérations d'entretien complexes...Au-delà des avantages pratiques et de coûts évidents, la déshydratation ne nécessite pas -écrivent les chercheurs dans leur communiqué- des spermatozoïdes entièrement intacts car les injections intracytoplasmiques doivent comporter " seulement " les composants critiques des spermatozoïdes. " Les têtes de spermatozoïdes n'ont pas besoin d'avoir une forme fantastique mais nous devons nous assurer que certains composants critiques sont intacts, dont le centrosome (ou centre " organisateur " de la cellule) ".

Une étape importante en biologie de la reproduction : loin d'être une prouesse ésotérique, la préservation réussie de spermatozoïdes de chat par déshydratation constitue une étape importante en biologie reproductive. De nombreux biologistes et experts de l'environnement suggèrent que la biosphère traverse une " sixième extinction " qui pourrait aboutir à une réduction drastique du nombre d'espèces sur la planète et à la disparition de vastes écosystèmes. Il existe un risque important que, dans un proche avenir, certaines espèces clés disparaissent de la planète ou soient tellement réduites dans leur diversité génétique que les populations sauvages perdent toute viabilité. Au-delà de l'enjeu en biodiversité, si la conservation élargie via des " bibliothèques " d'œufs et de spermatozoïdes pose de nombreuses questions éthiques, le procédé par déshydratation pourrait un jour constituer une alternative moins coûteuse à la cryoconservation.

La stase cellulaire par déshydratation, est donc l'autre solution, une solution peut-être plus robuste et d'ailleurs proposée dans la nature : les plantes, les champignons et les bactéries le font couramment en mettant leur matériel génétique dans des spores, des kystes, du pollen et des graines, qui le conservent pendant de courtes périodes ou bien parfois bien plus longues. Certains animaux qui vivent en environnements extrêmes ont également développé cette capacité de figer leur biologie dans un état de stase déshydratée, parfois pendant de longues périodes. Cela est rendu possible par production et accumulation de fortes concentrations de sucres disaccharidiques dans les cellules, qui vient remplacer l'eau perdue pendant la déshydratation et se solidifie en une sorte de " verre " qui bloque toute activité chimique et enzymatique, donc toute structure et activité cellulaire.

" Quand on pense à la préservation à long terme des organismes, on ne craint pas seulement les pannes électriques. Les inondations et les autres phénomènes météorologiques peuvent exiger le déplacement des échantillons sous d'importantes contraintes ", commentent les auteurs : " Les échantillons congelés ne sont pas facilement transportables, alors que déshydratés, ils peuvent être tout simplement jetés dans un sac ". La déshydratation non seulement réduit le coût de stockage mais rend les spécimens facilement transportables, ce qui facilite aussi leur partage ".

Quelle méthode de conservation précisément ? Ici, elle consiste à suspendre les cellules dans une solution diluée de sucre tréhalose puis à la concentrer en retirant l'eau avec un léger processus de chauffage assisté par micro-ondes pour former un verre de tréhalose immobilisant les molécules biologiques à température ambiante. Les cellules reproductrices ont déjà été préservées à sec avec du tréhalose, en utilisant une technique de lyophilisation, mais la méthode assistée par micro-ondes est plus rapide et pourrait permettre une utilisation plus large de la technologie.

Et pour les autres mammifères ? De précédentes équipes de recherche sont parvenues à conserver à sec des cellules de sperme et d'œufs chez le rat et la souris, mais la biologie des cellules germinales de rongeurs est significativement différente de celle d'autres mammifères, dont les chats et ...les humains. Chez l'homme, comme chez le chat, le spermatozoïde comporte aussi le centrosome, une structure cellulaire nécessaire à la division cellulaire et au développement réussi de l'embryon. Il est donc essentiel à la reproduction. Ici, le taux de succès de la reproduction à partir de sperme déshydraté et réhydraté de chat atteint 6,5% vs 15% avec du sperme frais. Enfin, les spermatozoïdes réhydratés n'étaient pas mobiles, mais les chercheurs précisent que cela n'est pas essentiel pour la production d'embryons viables.

C'est donc une toute première preuve de concept, mais il reste beaucoup de recherches encore à mener pour développer et adapter la technologie.

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Santelog 71170 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazine