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De l'importance des Tonga dans les collections Forster - 23

Publié le 21 octobre 2017 par Detoursdesmondes
Surjupe-Tonga-Pitt-Rivers


On doit à Adrienne L. Kaeppler un travail conséquent sur la collection Forster. Le recensement qu’elle établit par région et par objet nous permet de jauger l’importance de la collection d’Oxford : Celle-ci est issue d’un don des Forster à l’Ashmoleum Museum en février 1776 juste après que Johan Reinhold ait reçu le titre honoraire de Docteur en Droit Civil en novembre 1775.
(On trouve sur la base de données du Pitt Rivers Museum l’ensemble de ces objets).
D’autre part, il permet d'apprécier le nombre important d’objets collectés aux Tonga. Cela est d’autant plus remarquable que si lors du premier voyage on disposait déjà d’une base d’artefacts de Tahiti et de Nouvelle Zélande, il n’en était rien des autres contrées.
Lors de ce second voyage, les arrêts à l’île de Pâques, aux Marquises, au Vanuatu et en Nouvelle Calédonie furent brefs et les collectes rares, mais les Tonga font exception !

2collection-Forster-kaeppler

On trouve ainsi principalement des massues, des hameçons, des colliers et des paniers. Il existe encore une dizaine de nattes, sept appuie-nuques, huit peignes, trois ornements d’oreille, une dizaine d’arcs et flèches, quatre pilons, trois flûtes, deux pectoraux, un chasse-mouche, deux bols... et une superbe « surjupe » (sisi fale, photo ci-dessus) réalisée en petits morceaux en forme d’étoiles de fibre de coco.
1886.1.1332detail.Ce genre de vêtement n’était porté que par des personnages de haut rang. Ces morceaux étaient couverts de plumes rouges, et on y incorporait des perles de coquillages, des dents d'animaux, et des morceaux d'ivoire sculpté (de dents de baleine).
Tous ces matériaux étaient considérés comme sacrés et leur assemblage relevait à la fois d’un savoir-faire technique exceptionnel qu’admiraient les Forster mais était également un processus relevant de la sphère du religieux et réalisé par des spécialistes.
L’exemplaire du Pitt Rivers Museum n’est pas complet, d’une part parce qu'il est détruit en certains endroits par des insectes, mais surtout parce que, très précieux et renfermant des plumes rouges, une partie de celui-ci servit à acheter des porcs à Tahiti et se procurer très probablement l'un des fameux costumes de deuilleur, peut-être précisément celui qui se trouve de nos jours dans la même collection Forster d’Oxford.
C’est en octobre 1773 que la Resolution visita l’archipel des Tonga pour la première fois. Notant « the extraordinary courteous and friendly disposition of the islanders », Cook baptisa cet archipel, les îles des Amis.
Ce n’était pas la première fois qu’un Occidental approchait ces côtes. Abel Janssen Tasman avait nommé Middleburgh Isle (Eua) la terre où Cook mouilla les 1er et 2 octobre ; au Nord se trouvait aussi Amsterdam (Tongapatu), une autre île nommée par ce fameux navigateur. C’est là que la Resolution posera son ancre jusqu’au 7 octobre, puis reviendra une seconde fois entre le 26 et 29 juin 1774, mais s’attardant cette fois-ci dans les îles les plus septentrionales de l’archipel. Plus tard, au cours du troisième voyage, des collectes auront encore lieu au mois d’avril 1777.
Ces dernières seront bien illustrées par John Webber. Pour l’heure à l’occasion du voyage des Forster, c’est Hodges qui va immortaliser les jours passés aux Tonga notamment avec la célèbre scène du débarquement à Middleburgh.
La Collection Forster du Pitt Rivers Museum a ceci de remarquable en ce qu’elle comporte un Catalogue of curiosities, à savoir une liste détaillée des objets donnés, probablement écrite de la main de Georg. Celle-ci, égarée un bon moment, a été redécouverte en 1969 et fournit un précieux témoignage des collectes des Forster.
4pointe-tonga Plus encore, et c’est l’objet de l’article d’A. Kaeppler («To attempt some new discoveries in the vast unknown tract ». Rediscovering the Forster collections from Cook’s second Pacific voyage, in Discovering Cook’s Collections.), elle fournit les caractéristiques des styles des Tonga, permettant d’une part de distinguer les artefacts tongiens de ceux des îles de la Société (ce qu’on ne savait pas faire), et d’autre part en comparant la collection du Pitt Rivers à celle de Göttingen, et à celles ramenées par Malaspina en 1792 et d’Entrecasteaux en 1793, on peut savoir assez précisément ce que pouvait être la culture matérielle des Tonga au dix-huitième siècle.
À titre anecdotique, on remarque dans les vitrines du Pitt Rivers Museum, deux outils, des sortes d’alènes. L’un présente une dent de requin, l’autre un vieux clou (PRM 1886.1.1320 et 1886.1.1321).
La note de Georg Forster qui accompagne l’entrée de ce second outil dans son Catalogue of curiosities précise que celui-ci avait dû être utilisé par Tasman en 1643 et préservé par les indigènes qui l’avaient réutilisé !
Ceci avait véritablement intrigué Cook et lorsqu’il revint dans l’archipel des Tonga en 1777, on sait qu’il demanda au chef Paulaho ce qu’il en était de ce clou !
« He told me it came from Onnuahtabutabu [Niuatoputapu], and on asking him how the people of that island came by it, he said one of them sold a Club for five Nails after wards came to Tongatapu and were the first they had seen, so that the Iron they got from Captain Tasman must have been worn out and forgot long ago »… une massue donc échangée alors contre cinq clous !
à suivre ...
Photos 1 et 3 : Détail d’une surjupe des Tonga © PRM 1886.1.1332, photo 1 de l’auteure, octobre 2016 ; photo 3 : © Base de données du Pitt Rivers Museum.
Photo 2 : Tableau des emplacements des objets ramenés par les Forster in Kaeppler, A., 2009, « To attempt some new discoveries in the vast unknown tract ». Rediscovering the Forster collections from Cook’s second Pacific voyage, in Discovering Cook’s Collections.
Photo 4 : Outils d’incision des Tonga © PRM 1886.1.1320 et 1886.1.1321, photo de l’auteure, octobre 2016.


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