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NANAR WARS, Emmanuel Prelle & Emmanuel Vincenot (paru...

Par Quinquin @sionmettaitles1

NANAR WARS, Emmanuel Prelle & Emmanuel Vincenot (parution 05/10/2017)

NANAR WARS, Emmanuel Prelle & Emmanuel Vincenot (paru...

Il fut un temps où un chanteur à nuque longue peroxydée braillait  « Emmanuelle comme un soleil, Emmanuelle toujours plus belle  ».

Fort heureusement pour nous cette période est révolue, bien que nous puissions reconnaître à cette ringarde prophétie le vent annonciateur d’un jour où, non pas un Emmanuel mais deux Emmanuel brilleraient dans notre ciel et illumineraient le monde singulier du nanar…

(Rappelons succinctement le principe du nanar : vous prenez un mauvais film, mais alors très mauvais. Vous le fourrez de cascades lamentables et pathétiques, de dialogues affligeants, de gags à se faire la petite commission dessus tant on a honte d’en rire, et de personnages grand-guignolesques et azimutés, souvent moches de surcroît… mais ça, ils n’y sont pour rien. Vous fouettez le tout à grands coups de réalisation approximative et le capital sympathie explose littéralement. Car le nanar, à l’inverse du navet, parvient à enthousiasmer et à éveiller cette tendresse goguenarde et cet attachement moqueur qui sommeillent en nous.)

 Refermons cette parenthèse culturelle et revenons à nos moutons…

Depuis un certain nombre d’années déjà, la planète nanar a largement été (pour notre plus grand plaisir) explorée et étudiée sous toutes les coutures (avec Nanarland, le livre des mauvais films sympathiques, notamment). Le projet Nanar Wars lui, remonte à 2003. Mais alors, on est en droit de se demander : qu’ont fait Vincenot et Prelle pendant quatorze ans, sinon écrire d’autres livres et danser le Cha-Cha-Cha à Cuba ? Et bien ils ont fouillé, cherché, fouiné, glané, s’attelant à sonder cette niche bien particulière du Cinéma, mais sous un angle précis, avec cette approche ciblée du passionné pugnace qui sait au millimètre près où fourrer son nez. Raconter du nanar oui, mais pas n’importe lequel. Le fou. Le furieux. Le rebelle. Celui qui relève purement et simplement du plagiat, de la contrefaçon, du copiage éhonté. Celui qui n’a jamais entendu parler du droit d’auteur, parce que le nanar se fout comme de sa première caméra du copyright ; parce que le nanar dormait en classe et se contentait de coller des torgnoles à ses petits camarades pour leur soutirer leurs devoirs ; parce que le nanar, tel un poney nain habité du démon, se sent libre de saboter à sa sauce les plus grands succès hollywoodiens pour le pire… et le meilleur du pire.

NANAR WARS, Emmanuel Prelle & Emmanuel Vincenot (paru...

Les deux auteurs, toujours enduits d’un humour dévastateur (voir L’Anticyclopédie du cinéma), nous content donc, détails et affiches à l’appui, ces productions pirates semblant appartenir au monde merveilleux de l’hallucination collective. Sans images ni son mais à grands renforts de mots cadencés et chaloupés qui font « Heigh-ho, heigh-ho, on rentre du boulot ! », ils nous immergent dans cet univers à part et creusent cette vision conceptuelle du septième art qui consiste à ébranler les « intouchables », pour les réduire à l’état de longs-métrages que l’on pourrait aisément qualifier de minables, s’il n’y avait ce souffle de fraîcheur et ce sentiment qu’une certaine forme de « génie » planait au-dessus. Flanqués d’une écriture précieusement hilarante, radioscopique et plantureusement avisée, Vincenot et Prelle désossent, entre autres, le Superman bengali, le Star Wars turc, le Rambo argentin, le Harry Potter mexicain, le Indiana Jones polonais etc., remakes tous plus illégaux les uns que les autres concoctés à partir de scénarios navrants, de décors « Foir’Fouillesques », d’effets spéciaux à faire pâlir d’horreur « La Denrée ». Et d’imaginer les deux auteurs, l’œil qui flanche et la rétine sanguinolente mais le sourire canaille et bien portant, notant scrupuleusement scène après scène tout ce qui se trame afin de nous délecter de films que l’on ne verra certainement jamais (oui, le principe même du nanar, à l’instar du Motmot à sourcils bleus, est d’être une espèce rare dont tout le monde parle mais que personne ne voit jamais).

À propos de Robo Vampire (le Robocop hongkongais) : « Il porte un survêtement Adidas de contrefaçon emballé dans du papier alu, ses mains ont été remplacées par deux gants de vaisselle bioniques et les chirurgiens lui ont greffé une antenne de radiocassette sur le casque de mobylette qu’il porte même pour dormir. Comme c’est un robo, il fait un bruit de brosse à dents électrique chaque fois qu’il tourne la tête. »

À noter que, si Nanar Wars se fait copieusement drôle, il n’en reste pas moins organisé, référencé, et se découpe en trois chapitres : Les héros classiques (Tarzan, King-Kong etc.), les super-héros (Batwoman, Spider-man etc.) et les blockbusters (E.T., Rocky, Jurassic Park etc.), parachevés d’une foire aux questions que personne ne leur a posées, mais auxquelles les auteurs ont eu l’extrême gentillesse et la prévoyante lucidité de répondre. Et si la forme revêt sa plus belle panoplie de franche rigolade, le fond lui, tient de l’obsession réfléchie et appliquée, car dénicher de telles pépites requiert un vrai travail d’exploration, un défrichage minutieux et une expertise profane pointue. Ainsi, derrière cette apparente légèreté et cette affectueuse raillerie vis-à-vis de ces bricolages cinématographiques, les auteurs rappellent en préambule que : « […]  La satisfaction de voir un ripoff réussi ne provient pas que de l’ironie distanciée du cinéphile “cultivé” qui se paie la tête d’un pauvre réalisateur pakistanais ou guatémaltèque et se délecte de son humour souvent involontaire […] Le plaisir provient aussi de l’émerveillement, mêlé de respect, pour l’effort, l’inventivité, le système D élevé au rang de discipline olympique. »

NANAR WARS, Emmanuel Prelle & Emmanuel Vincenot (paru...

Le meilleur conseil que je puisse vous donner est d’emporter ce livre dans tous les lieux où les gens se rassemblent pour communier la dépression ensemble (métro, bus, service des impôts, commissariat de police) car, rien qu’à entendre vos éclats de rire « Castafioresques », vous parviendrez sans peine à illuminer leur vie de merde… et la vôtre avec.

Et pour celles et ceux qui ont un jour eu cette idée folle d’habiter Paris, sachez qu’elle n’était dans le fond pas si mauvaise, puisqu’une exposition Nanar Wars s’y tiendra à la French Paper Gallery du 26 octobre au 25 novembre 2017.

http://frenchpapergallery.com/portfolio/nanar-wars-lexpo/

NANAR WARS, Emmanuel Prelle & Emmanuel Vincenot (paru...

NANAR WARS :

Emmanuel Vincenot & Emmanuel Prelle

Nouvelles Éditions Wombat

Parution : 05/10/2017

160 pages

ISBN : 978-2-37498-092-8

http://www.nouvelles-editions-wombat.fr/livre-D7.html



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