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Un soupçon légitime

Publié le 30 octobre 2017 par Adtraviata

Un soupçon légitime

Quatrième de couverture :

Un soupçon légitime raconte l’histoire d’un homme dont les passions vont causer le malheur de son entourage. John Limpley s’installe à la campagne avec son épouse et adopte un chien, Ponto. Adulé par son maître, l’animal se transforme en tyran… jusqu’au jour où il est délaissé, lorsque la jeune femme tombe enceinte. Le drame qui va suivre est d’autant plus tragique qu’il reste inexpliqué. Dans cette nouvelle angoissante, inédite en français, on retrouve le style inimitable de Zweig et sa finesse dans l’analyse psychologique. Comme dans Lettre d’une inconnue ou Le joueur d’échecs, il dépeint avec virtuosité les conséquences funestes de l’obsession et de la démesure des sentiments.

Pourquoi cette lecture ? Parce qu’elle fait partie de la liste de livres à lire dans le cadre scolaire de la Miss Nièce et comme nous avons cherché les livres ensemble, que je lui en ai prêté deux, j’ai bien l’intention de lire avec elle ceux que je ne connais pas encore. Et aussi parce que ce mois à l’Est se termine doucement… je fais un détour par l’Europe centrale avant de passer aux lectures de novembre, qui seront surtout québécoises.

En fait, d’Autriche il n’en est pas question dans cette nouvelle qui se déroule dans les environs de Bath : on ne sait pas très bien quand Zweig l’a écrite mais on sait qu’il s’est exilé à Londres en 1935 et qu’il a emménagé à Bath en 1939, avec sa secrétaire Lotte Altmann.

« Pour ma part, j’en suis tout à fait certaine, le meurtrier c’est lui – mais il me manque la preuve ultime, irréfutable.  » Betsy « , me dit toujours mon mari,  » tu es une femme intelligente, qui observe vite et bien, mais tu te laisses mener par ton tempérament et tu portes souvent des jugements hâtifs.  » En fin de compte, mon mari me connaît depuis trente-deux ans et ses mises en garde sont peut-être, et même probablement, justifiées. Je dois donc, puisqu’il me manque cette preuve ultime, me faire violence pour réprimer mes soupçons devant les autres. Mais chaque fois que je le croise et qu’il s’approche de moi, brave et amical, mon cœur s’arrête de battre. Et une voix intérieure me dit : c’est lui et lui seul, le meurtrier. » (début de la nouvelle)

Stefan Zweig utilise l’effet de prolepse dès le premier paragraphe mais il faut lire toute la nouvelle pour savoir qui est ce « meurtrier » dont parle la narratrice, Betsy, une vieille dame qui vit avec son mari dans cette campagne anglaise charmante. Leur solitude est troublée par l’arrivée de nouveaux voisins, les Limpley, dont la femme est calme et discrète et le mari d’un tempérament plutôt envahissant. Certes il est bon comme le pain et heureux de vivre mais il faut que tout le monde le sache et les objets de ses attentions sont voués à une admiration sans bornes et bruyante, tout autant qu’éphémère. Seule ombre au tableau : les Limpley n’ont pas d’enfant au bout de neuf ans de mariage. Soucieuse de distraire madame Limpley, Betsy offre un jeune chien à sa voisine. Mais c’est le mari qui va s’enticher du chien au point d’en faire un vaurien trop gâté. Un jour, madame Limpley est enceinte… Il n’est pas bien difficile de deviner comment va évoluer l’attachement du mari… A partir de là, Stefan Zweig cisèle avec un art consommé du détail (et de la tragédie) ce qui va se passer dans la tête du chien, Ponto, à qui il prête des sentiments bien humains. La fin est tragique, elle m’a mise mal à l’aise, à l’instar de Betsy. Mais bien sûr, j’ai apprécié la finesse de l’auteur dont cela faisait bien longtemps que je n’avais lu un texte.

« Qu’ils aillent au diable, lui et son bonheur! » sis-je, aigrie. « C’est un scandale d’être heureux d’une façon si ostentatoire et d’exhiber ses sentiments avec autant de sans-gêne. Ça me rendrait folle, moi, un tel excès, un tel abcès de bienséance. Ne vois-tu donc pas qu’en faisant étalage de son bonheur il rend cette femme très malheureuse, avec sa vitalité meurtrière. »

Un détail culturel qui m’a enchantée (et tellement « zweigien » si je puis dire) : un soir, Betsy et son mari reviennent d’un concert à Londres, un concert dirigé par Bruno Walter…

A noter que cette édition toute fraîche du Livre de poche propose le texte en français et ensuite en allemand, le tout étant suivi d’une biographie très instructive de Stefan Zweig écrite par Isabelle Hausser et intitulée « Stefan Zweig et le monde d’hier ».

Stefan ZWEIG, Un soupçon légitime, traduit de l’allemand par Baptiste Touverey, Le Livre de poche, 2017 (Première parution en français chez Grasset, 2009)

J’inscris cette lecture dans  La bonne nouvelle du lundi de Martine.


Classé dans:Des Mots européens Tagged: Le Livre de poche, nouvelles, Stefan Zweig, Un soupçon légitime

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