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Enemy

Par Tinalakiller

réalisé par Denis Villeneuve

avec Jake Gyllenhaal, Mélanie Laurent, Sarah Gadon, Isabella Rossellini...

Thriller canadien, espagnol. 1h30. 2013.

sortie française : 27 août 2014

Movie Challenge 2017 : Un film avec un acteur / une actrice que je déteste (M. Laurent)
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Adam, un professeur discret, mène une vie paisible avec sa fiancée Mary. Un jour qu'il découvre son sosie parfait en la personne d'Anthony, un acteur fantasque, il ressent un trouble profond. Il commence alors à observer à distance la vie de cet homme et de sa mystérieuse femme enceinte. Puis Adam se met à imaginer les plus stupéfiants scénarios... pour lui et pour son propre couple.

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Denis Villeneuve, un touche-à-tout (que ce soit pour les genres qu'il aborde et les différents publics visés selon les films) n'est plus le fameux réalisateur canadien qui monte : il est désormais un cinéaste qui compte. En dehors de quelques cinéphiles curieux (et évidemment des fans de Villeneuve), semble, par rapport à d'autres oeuvres de la filmographie du réalisateur, être passé un peu plus inaperçu. Pourtant, sans crier non plus au chef-d'oeuvre, EnemyEnemy, qui marque la seconde collaboration entre Villeneuve et Jake Gyllenhaal après l'excellent Prisoners, a quelque chose de fascinant. Il s'agit de l'adaptation du roman de José Saramago (Prix Nobel de Littérature en 1998) O Homem Duplicado (L'autre comme moi), publié en 2002. Il y a des tas d'oeuvres (cinématographiques ou autres) qui se sont déjà attaquées à la question du double, parfois accompagnées par celle de la schizophrénie. Cela pourrait créer une certaine lassitude ou même une méfiance par cette envie d'établir des comparaisons, conscientes ou non. Etrangement, durant mon visionnage, je n'étais pas du tout dans cette démarche. Le film ne déborde pas d'action et d'énergie, pourtant je me suis laissée embarquée par ce rythme lent et même hypnotique, prenant le temps de faire monter la tension. On peut sortir du film un peu décontenancé par ce qu'on a vu, dans un sens on vit presque une sorte d'expérience. Mais le processus pour reconstituer les différents indices pour trouver la " vérité " (en tout cas celle propre du spectateur, le film ne prétend pas répondre nécessairement de manière explicite à toutes nos interrogations) est magnétique. On pourra lui reprocher son côté un peu trop brute par moments, peut-être même sa dimension un peu trop métaphorique qui peut parfois empêcher la narration d'avancer (même si on est d'accord finalement que le film est plus " conceptuel " que purement narratif), il lui manque peut-être tout simplement ce petit quelque chose pour être totalement séduit. Mais rien ne semble être laissé au hasard et plusieurs visionnages semblent nécessaires pour ne pas passer à côté d'un détail. Le symbole de l'araignée (ici une représentation de la femme - sans cesse présente même si les rôles principaux sont masculins) fait évidemment partie de ces détails permettant aux spectateurs d'atteindre cette éventuelle vérité. Elle apparaît parfois discrètement, sauf à la fin. Je suis partagée justement sur sa dernière utilisation, certainement volontairement grotesque, presque proche d'une image kafkaïenne (image logique puisque le film plus globalement entre dans cette démarche).

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D'un côté, concernant cette dernière métaphore visuelle, je comprends la démarche de Villeneuve par rapport aux personnages et plus globalement par rapport à la narration. De l'autre, cette image volontairement très absurde et grossière a tendance aussi à présenter une rupture par rapport à tout le reste du film, qui n'entre pas nécessairement dans ce ton. Là encore, évidemment, cette rupture est peut-être volontaire mais je n'y adhère pas nécessairement. La mise en scène de Denis Villeneuve est également toujours aussi remarquable, également toujours ancrée dans la précision. Avec lui, le duel intimiste et la dimension plus " collective " en filmant Toronto comme une grande ville étouffante labyrinthique (souvenons-nous de ce motif du labyrinthe déjà présent dans Prisoners) grisâtre (avec des tons jaunes tristes) finissent par se retrouver ensemble, l'une reflétant l'état de l'autre : la ville est une sorte de représentation psychique des personnages et ces derniers semblent aussi se perdre mentalement dans cette grande ville froide qui laisse place à la frustration. Par sa manière de représenter la ville, nous retrouvons un nouvel écho à l'araignée, ou plutôt à sa toile, toile qui peut aussi être une image de la psyché. Au-delà d'une écriture redoutable et d'une mise en scène réfléchie, les interprétations sont également plutôt bonnes, surtout celle de son acteur principal. Jake Gyllenhaal livre une double performance complémentaire impressionnante (tout en attribuant des caractéristiques propres à chaque personnage sans tomber dans la caricature) où il est notamment, pour ne citer que cet exemple, à la fois celui qui cherche à reconstituer le puzzle et celui au coeur de ce puzzle justement : la dualité est bien présente dans cette interprétation riche et intense. Il faut dire que les personnages qu'il interprète sont bien dessinés, aucun choix dans leurs caractéristiques n'est évidemment laissé au hasard (notamment dans les prénoms et les professions exercées). Je ne suis toujours pas convaincue par Mélanie Laurent même si je peux me réjouir de deux choses : déjà, on la voit peu donc elle ne m'a pas non plus gâchée le plaisir que j'ai ressenti en regardant le film. Surtout je " comprends " qu'elle soit au casting si on la place en parallèle avec la discrète (et talentueuse) Sarah Gadon qui, elle, livre une interprétation bien plus convaincante, toute en retenue.

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