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Nanars improbables

Publié le 11 novembre 2017 par Savatier

Nanars improbablesLe « nanar » est devenu un genre cinématographique autonome, très distinct du simple navet. Réalisation pitoyable, scénarios incohérents, dialogues indigents, décors de carton-pâte, effets spéciaux calamiteux et distributions navrantes finissent par rendre ces longs métrages comiques au point qu’ils attirent des amateurs de plus en plus éclairés – le succès de la « Nuit Nanarland » au Grand Rex en témoigne. Deux spécialistes facétieux du cinéma, Emmanuel Vincenot et Emmanuel Prelle se montrent si pointus en nanarologie qu’ils viennent de consacrer un livre à une sous-catégorie plus délirante encore : la contrefaçon de grands succès mondiaux. Sous le titre Nanar Wars (Wombat, collection « Les Iconoclastes », 160 pages, 19,90 €), s’y trouvent répertoriés plus de trente nanars d’anthologie parmi les plus inattendus et les plus consternants.

Plusieurs pays ont fait de ces « remakes » illégaux une véritable industrie, notamment l’Inde, la Turquie, le Bangladesh, le Brésil et les Philippines. On y produit des plagiats « régulièrement passés à la moulinette et adaptés à la sauce locale, en toute impunité. » Cette « sauce locale », par le décalage culturel qu’elle induit, en accentue le caractère insolite – que viennent faire, en effet, des danses et des chants de Bollywood au cœur d’un Tarzan ou d’un Star Wars ?

Le florilège présenté dans cet essai s’articule en trois sections thématiques : « les héros classiques » (Tarzan, Zorro, King Kong), « les super-héros (Superman, Batman, Spiderman, Captain America, Batwoman), et « les blockbusters » (Les Dents de la mer, La Guerre des étoiles, Indiana Jones, Rambo, etc.) Chaque film fait l’objet d’un titre calembour bienvenu, d’un descriptif le plus souvent hilarant, illustré d’une affiche originale qui, mais cette fois involontairement, l’est tout autant. Au fil de ces fiches techniques, on apprend, par exemple, que, dans une version turque de Tarzan, « une dizaine de Libanais à moitié nus, armés d’une lance et d’une perruque afro sont censés incarner la féroce tribu des Gabones ». A propos de Banglar Superman, les auteurs remarquent que le héros « a vraiment de la chance, car la probabilité de rencontrer, dès son premier jour sur terre, un prêtre catholique roulant en 4×4 Toyota sur une plage du Bangladesh était extrêmement faible. » Plus de chance, en effet, que L’Homme chauve-souris turc dont la batmobile emprunte sa carrosserie, dans un autre long-métrage, à une improbable 404 break d’occasion…

Ces films réservent parfois des télescopages détonants – à la manière de ces contrefaçons de sacs Gucci vendues à vil prix au Maroc, dont le fermoir s’orne d’un crocodile Lacoste des plus incongrus. Ainsi, dans James Batman (Philippines), James Bond rejoint bizarrement Batman et Robin au cœur d’une intrigue quasi inexistante ; dans Tijuana Jones, Hitler, qui vit dans un F3, porte un survêtement comme le premier Bidochon venu ; les terroristes que combat un Rambo turc sont kurdes (on pouvait le supputer) ; enfin, dans Jarry Potter (Mexique), le jeune sorcier d’un âge déjà avancé évolue au milieu de strip-teaseuses et d’elfes pétomanes… Les thèmes musicaux font aussi l’objet d’apparentements terribles : une musique de Superman accompagne une scène de Tarzan, on retrouve dans un Zorro la bande de Mission impossible (au xylophone !), les exploits d’un autre Superman se déroulent sur fond de Pour une poignée de dollars tandis qu’un Batman bénéficie de la mélodie du Clan des Siciliens

Quel film ici présenté pourrait prétendre au « Nanar d’or » ? L’embarras du choix fera hésiter le lecteur, mais on peut penser que Bacalao (version brésilienne des Dents de la mer où le requin s’apparente à une morue en zinc) et Pollo Jurasico (clone lointain et italien de Jurassic Park où des poulets géants qui ne ressemblent que de loin à des gallinacés remplacent les tyrannosaures) réunissent de solides critères pour l’emporter. On admire le courage, la passion ou la folie d’Emmanuel Vincenot et Emmanuel Prelle qui ont manifestement passé des heures à visionner tous ces nanars. Certains sont quasi introuvables, d’autres ont passé le cap de la VHS pour atteindre le Graal technique du DVD. En outre, assurent les auteurs, « on peut tenter sa chance sur Dailymotion ou YouTube : les bonnes surprises n’y sont pas rares ! » Les amateurs seront prévenus.


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