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Duchamp 2017 : tranches de vies

Publié le 17 novembre 2017 par Pantalaskas @chapeau_noir

« Unconformities »

Accaparé en octobre par l’animation d’une exposition, je n’avais pas suivi le cours des événements concernant l’attribution du prix Marcel Duchamp 2017 par l’ADIAF. C’est tout récemment que, visitant la présentation des artistes retenus dans l’exposition au Centre Pompidou de Paris, j’ai découvert les sélectionnés sans savoir quel était le lauréat. Si bien qu’après avoir été séduit par l’oeuvre collective des artistes Libanais Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, j’apprends qu’ils ont été élus lauréats de ce prix Duchamp 2017.

Duchamp 2017 : tranches de vies

Hadjithomas et Khalil Joreige Discordances-Uncomformities Centre Pompidou_2017

Nés en 1969 au Liban, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige se sont investis dans le domaine de l’art après s’être rencontrés en France, au cours de leurs études : la philosophie pour Khalil Joreige, les lettres pour Joana Hadjithomas.
Les deux artistes ont conçu leurs oeuvres à partir de carottages de forages effectués dans les sols de Paris, Beyrouth et Athènes.

Archéologie de la mémoire

Pour reprendre l’expression proposée par Bernard Blistène, directeur du Musée national d’art moderne et président du jury Duchamp, c’est une véritable « Archéologie de la mémoire » que tentent de cerner les deux artistes en recourant à des moyens croisés : sculpture, vidéo, dessin. Les strates géo/archéologiques prélevées par les forages révèlent, dans leur immédiateté matérielle, ce concentré d’histoires que les artistes magnifient dans la « resculpturation » de ces éléments matériels objectifs. A la différence d’autres artistes qui se sont consacrés à cette archéologie de la mémoire (Je pense en tout premier lieu  à l’œuvre incontournable d’Anne et Patrick Poirier) c’est ce recours à cette objectivité matérielle des éléments prélevés qui donne au travail de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige sa singularité et sa force.
Ces prélèvements sont extraits de sites en construction, donc voués à disparaître. Ils deviennent alors les seules traces dont la portée scientifique est indéniable. Davantage qu’un sondage géologique, le résultat conservé révèle les vestiges des cités, les transformations au fil des temps de ce monde souterrain. Mais Joana Hadjithomas et Khalil Joreige ne se contentent pas de présenter ce qui serait une sorte de ready made. Ils interviennent sur ces éléments bruts pour délivrer une vision poétique de cette histoire écrite dans le sol : constructions, destructions, catastrophes…
Dans l’espace qui leur est réservé, outre ces pièces constituées de colonnes transparentes qui nous donnent une lecture verticale de cette histoire enfouie dans les profondeurs des villes concernées,  une vidéo témoigne de cette opération de forage qui a recueilli les extraits de ces sondages.

Duchamp 2017 : tranches de vies

Joana Hadjithomas et Khalil Joreige Prix Marcel Duchamp 2017 Centre Pompidou

Cette vidéo rappelle, au passage, que les artistes sont connus pour leur parcours cinématographique. Ils ont réalisé plusieurs films parmi lesquels « Je veux voir » (2008) – avec Catherine Deneuve, présenté dans la sélection « Un certain regard » au festival de Cannes la même année  et « The Libanese Roket Society « (2013), un long métrage sur le programme spatial lancé par le Liban dans les années 60.
Dans l’installation primée par le prix Marcel Duchamp, la mémoire enfouie ressurgit avec ces carottes de forages revisitées par les artistes comme autant de tranches de vies sauvées de la disparition.

Joana Hadjithomas et Khalil Joreige
« Unconformities »
Prix Marcel Duchamp 2017
Centre Pompidou
75003 Paris.


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