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Agriculture bio et semences : vers la réapparition de nos "belles et goûteuses variétés de pays" sur nos marchés

Publié le 27 novembre 2017 par Bioaddict @bioaddict
Blanche Magarinos-Rey, avocate spécialisée en droit de l'environnement, a suivi les négociations qui se sont tenues à Bruxelles au cours des trois années passées pour élaborer le nouveau règlement sur l'agriculture biologique. Ses compétences ont été déterminantes pour l'adoption de mesures en faveur des semences biologiques. Elle explique à Bioaddict ce que change le nouveau règlement. ¤¤ Blanche Magarinos-Rey, avocate spécialisée en droit de l'environnement, a suivi les négociations qui se sont tenues à Bruxelles au cours des trois années passées pour élaborer le nouveau règlement sur l'agriculture biologique. Ses compétences ont été déterminantes pour l'adoption de mesures en faveur des semences biologiques.

Blanche Magarinos-Rey, avocate spécialisée en droit de l'environnement, fait partie du cabinet Artémisia, un cabinet d'avocats au service des droits de l'Homme et de l'Environnement. www.artemisia-lawyers.com.


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Les agriculteurs bio vont pouvoir utiliser des semences rustiques, mieux adaptées à une culture sans chimie grâce au nouveau règlement européen de l'agriculture biologique adopté le 22 novembre 2017. Jusqu'à maintenant, les agriculteurs bio n'avaient pas accès aux variétés anciennes, issues d'une sélection paysanne traditionnelle car elles étaient hors la loi. Cette autorisation, même si elle est limitée à l'agriculture biologique, ouvre une brèche dans la législation très cadenassée encadrant les semences, comme nous l'explique Blanche Magarinos-Rey, avocate spécialisée en droit de l'environnement.

Pour tout savoir sur le nouveau règlement de l'agriculture biologique, lire l'article : Le nouveau règlement de l'agriculture biologique libère les semences

Quel est le principal changement légal concernant les semences ?

Le nouveau règlement européen sur l'agriculture biologique introduit et définit deux nouvelles catégories de variétés accessibles à la production biologique. Il s'agit d'une part du " matériel biologique hétérogène " qui correspond aux notions mieux connues de " variétés anciennes " ou " variétés paysannes " ou encore " variétés populations ". Une définition leur est donnée, qui n'est pas rigoureusement scientifique mais plutôt juridique. Ce matériel hétérogène biologique sera librement commercialisable après simple déclaration préalable auprès de l'administration compétente. La qualité de ces semences (qualité sanitaire, taux de germination minimal, etc.) sera fixée par un acte délégué de la Commission, imposé aux opérateurs.
Il s'agit également des " variétés biologiques adaptées à la production biologique ", qui sont issues de programmes actuels ou futurs de sélection variétale adaptés aux besoins et contraintes de la production biologique. Il s'agit donc de variétés modernes qui pourront être mises sur le marché, dans un premier temps, dans le cadre d'une expérience temporaire de sept ans visant à évaluer dans quelle mesure les caractéristiques de ces variétés nouvelles doivent conduire la législation générale sur le commerce des semences et le catalogue officiel à évoluer.

Pouvez-vous nous expliquer ce qui va changer pour les producteurs bio ?

On va assister à la réapparition sur les marchés horticoles, notamment, de nos belles et goûteuses variétés de pays, disparues depuis les années 50 à cause de la règlementation sur le commerce des semences.

Il se pourrait également que les agriculteurs se remettent à sélectionner eux-mêmes de nouvelles variétés, redonnant ainsi à l'agriculture un rôle d'enrichissement de la biodiversité. Une certaine maîtrise des semences, de manière générale, sera rendue aux agriculteurs, qui pourront multiplier, utiliser, échanger et vendre leurs propres graines. Jusque-là, les organismes certificateurs bio exigeaient souvent de voir une facture d'achat comme preuve que les semences utilisées étaient bio. Cependant, les semences commercialisables certifiées bio étaient celles inscrites au catalogue officiel, nullement adaptées à l'agriculture biologique. Le nouveau règlement débloque la situation. Cette avancée n'a pas été obtenue facilement. Les semenciers se sont mobilisés contre le projet et la DG Santé de la Commission les a défendus. Toutefois, la DG Agri, face à l'obstination du Parlement, a fini par accepter ces changements positifs.

Ce changement peut-il faire évoluer la législation encadrant les semences conventionnelles ?

C'est un galop d'essai. L'agriculture biologique va jouer comme d'habitude un rôle pionnier. Le nouveau règlement va stimuler la culture de variétés oubliées ainsi que l'activité de sélection variétale. Il va créer un appel d'air. Il bouscule la législation sur le commerce des semences et il va faire bouger les lignes. Il est probable par exemple que l'inscription au catalogue officiel, qui est un vrai barrage pour nombre de variétés, va devoir être adaptée pour les " variétés biologiques ". Les effets du nouveau règlement bio pourraient aussi inciter la Commission Européenne à reprendre un projet de réforme de la législation semences qui a avorté il y a plus de 3 ans.

Anne-Françoise Roger


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