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Les violences sexuelles au coeur de l'actualité

Publié le 11 décembre 2017 par Tiavina Kleber @ktiav_

Depuis cette rentrée 2017, rares sont ceux qui n'ont pas entendu parler de l'affaire Weinstein, du mouvement #balancetonporc ou plus généralement des problématiques de harcèlement sexuel. En effet, la question des violences sexuelles faites aux femmes est au cœur de l'actualité médiatique française et internationale. Face à cela, le 25 Novembre dernier, dans le cadre de la journée de lutte contre les violences faites aux femmes, le Président de la République, Emmanuel Macron, s'est exprimé afin de présenter son plan « sécurité sexuelle ».

Les violences sexuelles au coeur de l'actualité

Marie-Ange Rousseau, illustratrice, "Sois belle et tais-toi. La politique ne t'entend pas" Deuxième Page.
 https://www.deuxiemepage.fr/2016/05/13/harcelement-sexuel-politique-illustration/

Une effervescence médiatique

Depuis qu'un grand nombre de figures féminines emblématiques du cinéma telles que Emma De Caunes, Angelina Jolie, ou encore Léa Seydoux ont dénoncé publiquement les actes de harcèlement ou d'abus sexuels du producteur Hollywoodien, Harvey Weinstein, la question des violences sexuelles est au centre des débats. Ces révélations ont donné naissance à une réelle mobilisation sur les réseaux sociaux ; à travers le mouvement #balancetonporc, de nombreuses femmes se sont exprimées sur leurs expériences de harcèlement et de violence sexuelle. D'autres personnalités publiques ont emboîté le pas aux victimes de Harvey Weinstein en dénonçant aussi les comportements d'autres figures du cinéma tels que l'acteur Kevin Spacey, ou encore le réalisateur et producteur à succès, Quentin Tarantino. Si ces questions font, depuis plusieurs mois maintenant, la une des actualités, il est aussi possible de constater que les chaînes à très large audimat, comme celles du groupe France Télévision, orientent leurs programmes dans ce sens. En octobre, La chaîne France 2 a proposé une soirée entièrement dédiée au harcèlement sexuel au travail à travers la diffusion de la fiction réaliste Harcelée suivie d'un documentaire composé de témoignages de victimes et d'un débat. En novembre, c'était au tour de  France 3 de s'attaquer à la question des violences sexuelles, à travers la diffusion du film auto-biographique de l'animatrice française Flavie Flament La consolation. Dans cette adaptation de son roman, elle raconte l'histoire du viol qu'elle a subi adolescente par le célèbre photographe David Hamilton, décédé en 2016, et de l'amnésie que cet évènement a entraîné. Suite à cela a eu lieu un échange entre l'auteur et des spécialistes afin de lever le voile sur ces questions et sur leurs lourdes conséquences pour les victimes. Ces programmes ne sont pas les seules preuves de l'implication des chaînes de télévision françaises dans la dénonciation des violences sexuelles. Et compte tenu de leur horaire de diffusion, généralement aux alentours de 21 heures, il est possible de penser que cela a conduit un grand nombre de téléspectateurs à faire face à des questions de sociétés majeures, auxquelles ils ne se seraient pas forcément intéressés si on ne les y avait pas confrontés.

Une nécessaire implication du « star système » ?

Si certains expriment un large scepticisme quant au déliement soudain de nombreuses langues, corrélé à une importante médiatisation du problème, il semble plutôt intéressant ici de souligner plusieurs choses. Premièrement, il est possible de s'interroger quant à l'implication du « star système » pour qu'un fléau qui touche beaucoup d'autres femmes dans le monde soit pris en compte. La question du harcèlement sexuel ne date pas d'hier,  mais aujourd'hui elle est centrale. Si vous êtes un minimum « connectés », vous avez surement entendu parlé des abus de pouvoir d'Harvey Weinstein car plus de trente femmes, célèbres pour la plupart, l'ont dénoncé. Certaines d'entre elles, étant d'ailleurs questionnées sur le caractère tardif de leurs révélations, ont démenti cela en affirmant s'être exprimées plus tôt sans que le problème ne soit traité ou médiatisé.
Quoi qu'il en soit, depuis le mois d'octobre, le nombre de femmes s'exprimant publiquement, à travers le hashtag « balance ton porc » ou par d'autres manières, ne cesse d'augmenter. Beaucoup dénoncent une certaine forme de délation dans ce mouvement, tandis que d’autres remettent en cause la véracité de ces témoignages, impulsés par l'implication des médias. Il semble pertinent de rappeler ici plusieurs choses : certes, c’est d’abord le rôle de la justice de traiter ces problèmes, mais ne nions pas le fait que l’existence-même de ce mouvement collectif est l’expression d’un sentiment d’injustice de la part des victimes. Ensuite, s'exprimer signifie aussi s'exposer et, lorsque c'est publique, au regard et au jugement de plusieurs voire nombreuses personnes. Alors ne victimisons pas plus celles qui témoignent l’être déjà.  Par ailleurs, depuis la rentrée 2017, le 3919, numéro direct de la Fédération Nationale Solidarité Femmes, a enregistré une montée en flèche du nombre d'appels de femmes ayant fait face à des actes de harcèlement, d'abus ou de violence sexuels. Ces témoignages ne sont pas publiques, pourtant ils existent. Que la médiatisation du phénomène ait joué un rôle ou non dans cela, il est indéniable qu'aujourd'hui énormément de femmes expriment un mal-être lié à des violences sexuelles qu'elles ont subies. Face à l'ampleur du problème en France, le Président de la République, Emmanuel Macron, a donc proposé la mise en place du plan Sécurité sexuelle.

Focus sur le plan Sécurité sexuelle

Le 25 Novembre dernier, Emmanuelle Macron a profité de la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes pour annoncer son plan « sécurité sexuelle ». Dans le cadre d'un discours au Palais de l'Elysée, le Président a d'abord dénoncé les violences en les qualifiant comme « l'expression la plus extrême et odieuse de la domination d'un sexe sur l'autre ». Lutter contre les violences sexuelles « c'est bien le combat pour l'égalité entre les femmes et les hommes », explique t-il. Suite à cela, Emmanuel Macron a rappelé qu'une femme meurt tous les trois jours à cause des violences conjugales en France, puis a honoré une minute de silence en hommage des 123 femmes décédées en 2016 à cause de cela. En faisant de l'égalité femmes-hommes la grande cause nationale de son quinquennat, le Président a insisté sur le fait qu'il y a un réel problème de violences sexuelles en France qu'il condamne et  entend bien résoudre à travers son plan Sécurité sexuelle.

Les axes principaux du plan Sécurité sexuelle

En faisant de la prévention une priorité, le Président compte en tout premier lieu renforcer le rôle de l'éducation afin de limiter les risques de violences sexuelles chez les jeunes et futurs adultes. Emmanuel Macron propose donc de créer un « module d'enseignements » dans le cadre duquel des professionnels seront formés pour intervenir auprès des collégiens et lycéens dans la prévention du sexisme, du harcèlement, et plus particulièrement du cyber-harcèlement, des violences et de la pornographie. Ensuite, celui-ci propose de renforcer et de développer les campagnes de sensibilisation télévisuelles sur les violences sexuelles. Afin de faciliter la démarche des victimes, le Président assure également la mise en place d'un système de « pré-plainte » en ligne permettant aux femmes d'établir un premier contact avec la police. A travers la création du « délit d'outrage sexiste », Emmanuel Macron entend également pénaliser le harcèlement sexuel de rue, dont beaucoup de femmes témoignent en être victime régulièrement. Tous les points de ce plan ne sont pas abordés ici, toutefois, il s'agit déjà d'un panel de mesures qui devraient être mises en place dans le cadre de ce quinquennat. Enfin, pour lutter activement en faveur de l'égalité femmes-hommes, le Président a annoncé une hausse de 13% du budget allouée à cet axe de son programme, ainsi qu'une sanctuarisation des crédits dédiés.
Le journal L'Opinion avait déjà annoncé les axes principaux du plan dans la semaine précédent son annonce officielle, et celui-ci a suscité de vives réactions. Le vendredi 24 novembre, la femme politique, militante féministe, Caroline De Haas, à l'origine d'une pétition de lutte contre les violences sexuelles, a exprimé son point de vue concernant ce plan sur la radio Europe1.  Pour cette dernière, le plan Sécurité sexuelle comprend d'importantes lacunes. Premièrement, le budget alloué à la lutte contre les violences faites aux femmes semble pour elle insuffisant en comparaison avec celui de l'Espagne. Elle explique que le gouvernement espagnol a débloqué un milliard d'euros pour lutter, sur cinq ans, contre les violences sexuelles. Selon elle, compte tenu de l'ampleur du phénomène en France, le budget ne devrait pas être inférieur à cela. Le Président  de la République a alors annoncé lors de son discours le 25 novembre, qu'en 2018, le budget en faveur de l'égalité femmes-hommes atteindra 420 millions d'euros. Par ailleurs, pour Caroline De Haas, dans la répartition de ce budget, il faudrait davantage « donner des moyens aux associations » qui interviennent et accompagnent les victimes et qui connaissent actuellement une augmentation du nombre de sollicitations. Durant l'interview, celle-ci souligne également le manque d'importance accordée au harcèlement au travail malgré l'ampleur du phénomène en France. Rappelons qu'en 2014, le secrétariat d'Etat chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes avait publié une enquête dans laquelle il était rapporté que « 20% des femmes actives disent avoir été confrontées à une situation de harcèlement sexuel au cours de leur vie professionnelle ».  Actuellement, ce pourcentage ne semble pas en baisse. Enfin, Caroline De Haas dénonce une formation trop légère des professionnels concernés. Elle explique qu’à l’heure actuelle, la possibilité pour les professionnels de télécharger un "kit" de formation à suivre de son côté, nécessite déjà une volonté de leur part et trouve donc cette solution insuffisante. Pour cette dernière ; « le meilleur moyen d'en finir avec les violences c'est de former les professionnels : médecins, gendarmes, avocat.e.s, magistrat.e.s, etc ». En résumé, sensibiliser et former davantage les professionnels déjà impliqués réellement dans l'accompagnement des victimes.
Dans l'attente d'une mise en place concrète du plan Sécurité sexuelle, et compte tenu de la forte médiatisation des questions de harcèlement et d'abus sexuels, on peut penser qu'aujourd'hui plus que jamais, une importante mobilisation est attendue de la part du Gouvernement pour lutter contre les violences sexuelles et pour l'égalité entre les femmes et les hommes.
Sources
- Caroline De Haas, invitée de "la pré-matinale", animée par Raphaëlle Duchemin, Europe 1,  24 Novembre 2017, [En ligne], URL: http://www.europe1.fr/societe/plan-de-securite-sexuelle-il-y-a-des-angles-morts-incroyables-pour-caroline-de-haas-3501545- IFOP, "Enquête sur le harcèlement sexuel au travail", pour Le Défenseur des Droits, Mars 2014, [En ligne],URL:https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/ddd_etu_20140301_harcelement_sexuel_synthese.pdf

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