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SFX or not (De la schizophrénie ambiante dans le cinéma hollywodien contemporain)

Par Jeannoel08

Dans une récente interview liée à la sortie imminente de The Dark Knight, le nouvel épisode des aventures de Batman, Christopher Nolan tenait les propos suivants : "Les blockbusters ressemblent de plus en plus à des films d’animation ou à des jeux vidéo. C’est parfois très peu cinématographique, il faut se poser la question du recours à la conception graphique par ordinateur." Propos repris par un Steven Spielberg, faisant son mea-culpa (justifié) quant à l’utilisation abusive des effets numériques dans le dernier Indiana Jones. Situation ironique, quand on repense que c’est le même homme qui 15 ans plus tôt, rejetait certains animatronics du récemment décédé Stan Winston, au profit de dinosaures numériques pour Jurassic Park. A Hollywood, nous voilà donc au point de départ d’une nouvelle querelle entre anciens et modernes.

 

Et cette fois encore, nous douterons de l’intérêt d’une telle querelle, même si elle soulève un problème certain. Car, si les récents Transformers ou Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal (quel titre imbuvable aussi) ont déçu, ce n’est pas tant à cause des effets spéciaux, mais surtout à cause de scripts nullissimes. Heureusement, la récente actualité cinématographique nous rassure quant à l’état de santé du cinéma hollywoodien, grâce à des mavericks aussi radicaux qu’aux ambitions diamètralement opposées.

 

Tout d’abord, parlons du dernier film de M. Night Shyamalan, succédant au cuisant échec au box-office de La Jeune Fille de l’Eau, projet il est vrai un tantinet audacieux, hors-normes et tout de même un brin mégalomaniaque. Rappelons que dans ce dernier, le réalisateur s’était donné le rôle d’un auteur dont le livre devait changer la face du monde tandis que l’un des rares personnages négatifs du film était un critique de films misanthrope, incapable de décrypter les signes proposés par Paul Giamatti, expiant son incompétence crasse par la mort. Je ne soulignerai donc pas plus la subtilité du propos…

 

Revenons en à The Happening (votre serviteur étant allergique au banal titre français de Phénomènes). Afin de tenter de renouer avec le box-office, notre wonder-boy cinéaste renoue avec un sujet fantastique modeste et un cinéma très classique dans la forme. Pour cette histoire de suicides collectifs provoqués par la nature, Shyamalan met en place une mise en scène minimaliste et efficace. Les images des suicides, froides, simples, méthodiques, contribuent à la création d’un climat apocalyptique particulièrement crédible. Par la suite, le moindre brin d’herbe devient suspect et une simple plante verte dans un appartement vous fera sursauter sur votre siège. Il est rassurant de voir Shyamalan, comme le dernier grand cinéaste classique, démiurge héritier de Kubrick et Hitchcock, capable de combiner mise en scène rigoureuse et succès auprès du public. Dommage que le propos du film soit encore une fois alourdi par une fin moralisante et maladroite.

 

A l’opposé de cet objet rigoureux, nous retiendrons une démarche totalement opposée, mais tout aussi louable. avec Speed Racer. Avec leur adaptation d’un dessin animé japonais des années 60 au graphisme bariolé et au scénario stéréotypé, les frères Wachowski viennent de subir un cuisant échec au box-office américain, qui fait le bonheur de tous ceux qui détestent le cinéma des deux frangins depuis Matrix Reloaded. Soit une bonne majorité de la critique et du public. Et pourtant, comme il est dommage de bouder son plaisir devant le spectacle qui nous est offert deux heures durant.

Un festival de couleurs et d’idées visuelles comme rarement vu depuis une paire d’années; des idées de montage et de mise en scène audacieuses (l’utilisation d’aplats en 2D, d’arrières-plans en mouvement illustrant les souvenirs évoqués par Emile Hirsch, les visages des protagonistes utilisés comme des volets pour passer d’un décor à un autre); et, malgrè un scénario convenu et enfantin, des personnages attachants incarnés par des comédiens de talent (juste un regret concernant une Christina Ricci injustement sous-exploitée).

Tourné intégralement sur fond vert, Speed Racer tombe à pic pour faire mentir Christopher Nolan. Car, au final, ce qui compte n’est pas l’omniprésence ou non des effets spéciaux, mais la qualité du scénario et la capacité à faire exister des personnages : c’est à dire là où échoue totalement le dernier Indiana Jones et réussit magistralement Speed Racer. De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace.


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