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[Critique] TOUT L’ARGENT DU MONDE

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] TOUT L’ARGENT DU MONDE

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Titre original : All The Money In The World

Note:

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Origine : États-Unis
Réalisateur : Ridley Scott
Distribution : Michelle Williams, Mark Wahlberg, Christopher Plummer, Charlie Plummer, Romain Duris, Timothy Hutton, Stacy Martin, Marco Leonardi, Olivia Grant…
Genre : Thriller/Drame/Adaptation
Date de sortie : 27 décembre 2017

Le Pitch :
En 1973, à Rome, le petit-fils de J. Paul Getty, l’homme le plus riche de la planète, se fait enlever par des malfrats. Alors que tout le monde s’attend à ce que le milliardaire paye la rançon de 17 millions de dollars que les ravisseurs demandent, il n’en est rien. Bien décidé à ne pas débourser un seul centime, Getty préfère demander à Fletcher Chace, son chef de la sécurité d’enquêter. La mère de l’enfant pour sa part, désemparée de voir Getty s’accrocher à son argent alors que la vie de son fils est en jeu, fait tout ce qui est en son pouvoir pour le retrouver. Histoire vraie…

La Critique de Tout l’argent du monde :

Petit retour sur une histoire inédite : Tout l’argent du monde, le 25ème film de Ridley Scott, est déjà en boite quand éclate le scandale Kevin Spacey. Accusé de multiples agressions sexuelles par plusieurs personnes, l’acteur campe dans le film J. Paul Getty, le célèbre milliardaire qui, un jour, refusa de payer la rançon que les kidnappeurs de son petit-fils demandèrent en échange de sa libération. La bande-annonce tourne déjà à plein régime et le film est programmé pour la fin 2017, afin d’avoir une chance d’être sélectionné aux Oscars. Alors que l’affaire Spacey enfle, Scott prend les devants et décide, en accord avec ses producteurs et les studios, d’effacer Spacey du long-métrage et de retourner toutes ses scènes avec Christopher Plummer, qui était selon ses dires, son premier choix pour incarner le personnage. En neuf jours, Ridley Scott met en boite tout le matériel nécessaire pour que Tout l’argent du monde retourne en salle de montage. Neuf jours qui ont notamment vu Mark Wahlberg et Michelle Williams revenir sur le plateau pour tourner avec Plummer des séquences qu’ils avaient déjà tournées avec Spacey. Les délais sont respectés, le budget déborde mais le film est prêt et sort partout où il était prévu, dans les temps. À l’écran, la précipitation avec laquelle Ridley Scott dut refaire toutes les scènes de Spacey ne se voit pas du tout. Connu pour travailler vite, très ordonné et déterminé, Scott a accompli un travail incroyable et est parvenu à refaire son métrage sans donner l’impression que celui-ci a été au centre d’une affaire des plus délicates qui aurait pu mettre en danger son existence même. On peut bien penser ce qu’on veut de la démarche, mais force est de reconnaître que le J. Paul Getty de Christopher Plummer n’a rien d’un personnage bâclé. Grand professionnel, Plummer s’est très rapidement investi dans le rôle, qui n’a d’ailleurs pas été amoindri par facilité et qui reste donc très présent, et livre une performance intense, centrale et magnétique. Scott de son côté a joué les illusionnistes avec tout le talent qui le caractérise et s’est arrangé pour que rien ne déborde et que les coutures restent invisibles. Alors que tant de films pâtissent en ce moment d’une production chaotique, marquée par de nombreux reshoot et autres revirements plus ou moins bancals, pour atterrir dans les salles défigurés par les stigmates d’un tournage laborieux, Tout l’argent du monde lui, fait très bonne figure et prouve que les vieilles recettes et la rigueur de réalisateurs comme Scott, qui ne s’encombrent pas de considérations futiles, peuvent encore sauver des longs-métrages, quand bien même ils se retrouvent dans des situations en apparences inextricables. Mais sinon, ceci étant dit, que vaut vraiment le film ?

Tout-l'argent-du-monde-Michelle-Williams

Money, Money, Money

Pour raconter l’histoire vraie (mais romancée) de l’enlèvement du petit-fils du magnat du pétrole J. Paul Getty, Ridley Scott a tenu à adopter une approche classique, tout en s’autorisant une narration un poil éclatée, à base, du moins dans le premier quart du film, d’allers-retours dans le temps, afin d’expliquer notamment le statut des Getty. Épaulé par Dariusz Wolski, son fidèle directeur de la photographie, qui ici, s’est surpassé, le cinéaste livre un film à la beauté baroque. Plongé dans les décors magnifiquement reconstitués de l’Italie des années 70, son récit bénéficie d’une mise en scène à la fois ample et pourtant très focalisée sur les personnages. Tout l’argent du monde qui, sans avoir recours à des effets de style trop voyants, met en avant la maestria d’un artiste qui sait précisément ce qu’il fait et qui le fait bien. Parfois, c’est avec les grands films de l’âge d’or d’un certain Hollywood que Scott renoue et à d’autres moments, il fait preuve de plus d’audace, mais jamais il ne tombe dans la démonstration technique, en bon vieux vétéran qui n’a rien à prouver. Tout l’argent du monde est donc un beau film. Une tragédie aux accents lyriques qui articule sa dynamique sur l’argent. Sur l’effet de l’argent plus précisément, sur ceux qui en ont beaucoup et sur ceux qui n’en ont pas.
Là est la moelle substantielle du métrage : livrer une réflexion, sous les apparats du thriller, sur une société qui tourne grâce à l’argent et pour l’argent. Il est évident que c’est ce qui intéresse Scott car ce dernier laisse parfois de côté l’intrigue purement « policière » pour sans cesse revenir sur cette question. Là est aussi le gros point fort du film : traiter du fossé qui sépare l’élite fortunée du peuple, souligner les effets pervers de la richesse, et à la fin, terminer sur une touche d’ironie…

Deux en un

Fatalement, Tout l’argent du monde a donc ce côté un peu frustrant tant Scott ne cesse de prouver qu’il s’intéresse lui-même davantage à un aspect de son film plutôt qu’à un autre. Toute la partie située du côté des kidnappeurs et de J. Paul Getty III est certes maîtrisée mais s’avère beaucoup moins palpitante que celle qui tourne autour de la figure du milliardaire qui ne veut pas donner un sou pour la libération de son petit-fils. Après une introduction remarquable, le métrage se scinde en deux et perd de sa vigueur quand il s’écarte trop de Getty, et donc de Christopher Plummer. C’est alors qu’on imagine bien Scott au moment des reshoots, obligé de retourner toutes ces scènes avec Plummer en lieu et place de Spacey. En voyant aujourd’hui le film, on voit clairement que ce sont précisément ces scènes-là qui le motivent le plus et son talent se lit justement dans la virtuosité avec laquelle il les a retournées pour les intégrer à nouveau dans le montage final. Il faut aussi dire que si on ne doute pas que Spacey aurait fait un excellent Getty, Christopher Plummer est exceptionnel. Dénué de toutes prothèses (contrairement à Spacey, souvenez-vous du trailer), l’acteur est parfait et constitue le centre de gravité de toute l’entreprise. À ses côtés, Michelle Williams fait aussi des merveilles dans un rôle difficile qu’elle maîtrise à la perfection, en liant colère et détresse avec un naturel confondant. Mark Wahlberg par contre, a beau y faire, difficile pour lui d’imposer un personnage qui n’a pratiquement aucun rôle à jouer dans l’histoire. Si on réfléchit un peu, son rôle n’influe jamais vraiment sur le récit et c’est dommage. Du coup, Wahlberg fait plus acte de présence qu’autre chose. Romain Duris, qui incarne ici un gangster italien, est aussi très bon. C’est même grâce à lui que la partie un peu faiblarde dans laquelle il intervient, ne se prend pas complètement les pieds dans le tapis. Il en fait parfois des caisses mais il le fait bien et au bout du compte, ce qui doit être dit à propos de son personnage, l’est bel et bien. Mais voilà… C’est toujours Christopher Plummer qui rayonne. Sans partage. À tel point que lorsqu’il est absent, le soufflet retombe un peu, laissant apparaître les failles rythmiques d’un film qui aurait gagné à être un peu plus court.

En Bref…
Plus intéressant quand il se focalise sur la figure de J. Paul Getty, en livrant une réflexion pleine de pertinence sur l’argent, que quand il raconte le kidnapping au centre de son récit, Tout l’argent du monde reste quoi qu’il en soit stimulant à plus d’un titre. Porté par de brillantes performances d’acteurs, en particulier celle de l’impérial Christopher Plummer, le film de Scott est aussi visuellement très beau. Ce qui contribue à excuser ses quelques petits travers.
Une vraie tragédie moderne parfaitement inscrite dans son époque…

@ Gilles Rolland

Tout-l'argent-du-monde-Plummer-Wahlberg
   Crédits photos : Metropolitan FilmExport


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