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La mue du pavillon

Par Villefluctuante
Pavillon [pavijɔ̃] (du latin papilio " papillon " et " tente ")
I. Petit bâtiment isolé ou maison particulière.
II. Extrémité évasée de certains instruments à vent et partie visible de l'oreille externe.
III. Pièce d'étoffe que l'on hisse sur un navire pour indiquer son origine.

Du papillon au pavillon

Un pavillon désignait initialement la tente du seigneur en campagne, devenu tente militaire portée par un mât central avant le XVIIe siècle puis évoluant en bâtiment de cette forme et de petite dimension. En architecture classique, il désigne un type de bâtiment proche de la rotonde, à pièce unique et très ouvert. À partir du XIXe siècle, le terme s'élargit à de vastes constructions isolées destinées à des programmes spécifiques : pavillons hospitaliers, pavillons d'exposition... Le terme dérive enfin au XXe siècle pour désigner de petites maisons à quatre façades, de dimensions modestes et bon marché.

Le terme recoupe surtout aujourd'hui un mode constructif et une disposition. Des matériaux simples à mettre en oeuvre (modulaires pour le gros oeuvre et préfabriqués pour le second oeuvre) dont l'économie est maximale dans une construction de plain-pied. Ensuite une disposition au centre d'une parcelle et très rarement en mitoyenneté. Tout cela est connu de tous (et pour ma part recopier de Wikipédia). Mais au-delà, il importe d'observer les évolutions récentes du modèle.

En tant que modèle, le pavillon fait l'objet d'évolutions incessantes des techniques et des produits sans changer ses fondamentaux que sont l'isolement de la construction et un plan centré sur un espace de vie. Il intègre maintenant couramment du mobilier dès la construction (cuisine et salle de bains), le rechargement électrique des voitures (on verra bientôt des voitures intégrées à la construction) tout en restant sur une conception générique. Cette architecture de catalogue tend à faire du pavillon un objet de consommation, un méta mobilier.

Son plan se simplifie toujours un peu plus pour s'approcher d'un logement collectif tout en se différenciant de ce dernier par l'invention d'espaces polyvalents dont le garage. Toutes les fonctions domestiques convergent vers le séjour (l'entrée se fait de plus en plus directement par le séjour et la cuisine américaine devient la norme), le garage apparaît comme le lieu de la diversité d'usages. Si le pavillon est une invention, le garage / atelier est une invention dans l'invention.

La mue du pavillon

Le Pavillon français est une fabrique de jardin construite par Ange-Jacques Gabriel au sein du Jardin français du Petit Trianon (1750).

La mue du pavillon

Maison Phénix (2017).

L'expression de lui-même

La dernière grande mue du pavillon nous avait habitué à la retrouver en lotissement, au point que les deux formes avaient fusionné pour donner lieu à une métaphore architecturale et urbaine. Or il sort de cet environnement pour coloniser les centres bourgs. Alors que la partition de la ville reposait sur la distinction entre tissu urbain aggloméré en mitoyenneté et périphérie de maisons isolées, voila en Centre bourg les dernières dents creuses, voire les démolitions, se bâtir de ces constructions périphériques.

D'autre part, pavillon et camping-car vont de pair. Le garage du pavillon se déforme parfois pour abriter le véhicule tandis que le camping-car pourrait apparaître comme une forme pavillonnaire réduite mais mobile, se rapprochant par un retournement cocasse de la définition originale de la tente de campagne. Les agglomérations de camping-car sur les sites touristiques font d'ailleurs penser à des lotissements informels.

La mue du pavillon
La mue du pavillon

Plan intérieur d'un campingcar Itinéo MC650 (2014).

De mue en mue

Attention, car la mutation du pavillon est loin d'être terminée et il est possible qu'il ne soit qu'une chrysalide en perpétuel recommencement. Le camping-car en est certainement la forme la plus avancée et demain une autre forme apparaîtra.

Le pavillon possède en lui-même une expression transitoire. Sa forme dans l'espace varie autour de quelques principes invariants - l'isolement, le plan centré, une certaine économie de moyen - tandis qu'il faut percevoir sa forme dans le temps faite de mues successives pour s'adapter aux circonstances sociales et économiques de l'époque. La voiture autonome tant promise par les industriels tient peut-être du pavillon en tant que lieu de vie isolé et autocentré. L'hybridation entre ce qui est fixe et ce qui est mobile ne fait que commencer.

La mue du pavillon

Intérieur de la Mercedes F 015 autonome


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