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¡ libertad !

Publié le 03 juillet 2008 par Francois155

Vous le savez tous : Ingrid Bétancourt, ainsi qu’un certain nombre d’otages de haut rang, a été libérée au cours d’une opération d’infiltration exemplaire, et portant un nom évocateur (« Jaque », ce qui signifie à peu près en français « Échec et mat »), menée par les autorités colombiennes.

Qu’on permette au citoyen franco-colombien qui écrit dans ces pages quelques impressions « à chaud », brutes, personnelles ; les analyses viendront plus tard.

Joie, fierté et espoir sont les sentiments qui m’habitent à cette annonce.

La joie simple et humaine, tout d’abord, face au bonheur de familles retrouvant enfin leurs proches après ces mois, ces années d’incertitudes et de douleur. De tous les procédés révoltants utilisés par les FARC pour maintenir leur emprise sur la société colombienne, la prise d’otages est probablement le plus écœurant, le plus inhumain et, aussi, car on est toujours puni par là où l’on a péché, celui qui a fait le plus de mal à leur « cause ». Je sais de quoi je parle : l’un des membres de ma famille a lui-même été séquestré par ces sympathiques combattants de l’oppression. Un jour, lorsque tout cela sera derrière nous, j’espère avoir l’occasion de témoigner du calvaire qu’endurent alors les proches et du sadisme, physique et moral, des ravisseurs « révolutionnaires ». C’est donc sans pudeur inutile, simplement en homme, que je m’associe à la joie des parents et amis de ceux qui ont retrouvé la liberté.

La fierté, aussi, devant le chemin parcourut par le peuple colombien, son armée, son gouvernement, depuis quelques années. J’ai déjà eu maintes fois l’occasion sur ce blog de raconter ces efforts en tâchant de convaincre que la voie choisie était la bonne. Loin des clichés rapportés chez nous, les habitants de ce pays magnifique méritent toute notre attention et notre respect : confrontés à un défi redoutable, à la survie de leur démocratie, de leur Patrie, ils ont su puiser en eux les ressources, intellectuelles, morales et physiques, pour lutter efficacement et, car l’espoir est désormais plus que jamais possible, sans doute trouver le chemin de la victoire. Fierté également de constater depuis quelque temps que, de toutes les armées du monde, c’est probablement celle de la France qui a fait le plus d’effort pour s’intéresser aux problématiques colombiennes et décrypter son approche de la guerre qu’elle menait.

Espoir, enfin, pour la Colombie tout entière, car cette opération réussie est une marche essentielle gravie sur le chemin du retour à la paix. J’ai entendu, hier soir, de solides gaillards de là-bas, comme moi trentenaires et pour le moins blasés de cette violence qui peut parfois sembler une fatalité éternelle, mais qui ne pouvaient retenir leur émotion : « enfin, la paix est possible ! »… Incrédulité de femmes et d’hommes, si habitués à la guerre depuis leur naissance, qu’ils réalisent soudain, comme un choc stupéfiant, que ce malheur interminable peut s’arrêter un jour, qu’ils pourront vivre, élever leurs enfants, travailler sans ce nuage noir qui flotte au-dessus de leurs existences. Cette espérance, autrefois folle, mais désormais palpable, qu’on ressentait par petites touches, mais dont on s’apprête enfin à pleinement gouter les fruits, est l’une des plus belles choses au monde. On réalise alors, témoin ému de cette sublime renaissance, que l’étude un peu maniaque, parfois froide et académique, de la guerre et de ses ressorts, a bien un sens lorsqu’elle mène à la promesse de la paix. Non, tous ces efforts ne sont pas inutiles, ils ne sont pas vains : ils sont le chemin défriché vers un avenir meilleur. Nous autres, Européens qui n’ont généralement pas connu la guerre dans nos foyers, au cœur de nos familles, pouvons difficilement imaginer une telle délivrance, mais nous pouvons faire l’effort de nous associer à cet espoir, voire même de hâter sa réalisation. C’est mon vœu aujourd’hui.

Alors, bien sûr, tout n’est pas encore fini : la lutte contre-insurrectionnelle n’est pas une Blitzkrieg. Mais une chose est certaine, en tout cas, pour les pauvres bougres qui portent encore là-bas les armes contre leur pays, dans leur propre pays, sous le « mauvais » uniforme que leur ont fait endosser des chefs cyniques, prédateurs survivants d’une époque qu’on espère bientôt révolue : ils feraient bien d’accepter les offres de reddition car, après cette libération, le ciel va littéralement leur dégringoler sur la tête. Quant aux soutiens extérieurs des FARC, conscients ou manipulés, souhaitons qu’ils reviennent à de meilleurs sentiments ou, chez nous, qu’ils réalisent enfin l’ampleur de leurs errements.

J’aurais voulu être là-bas, hier, dans ce pays qui n’a qu’une seule saison et que j’aime, avec mes amis, ma famille, pour partager accolades, espoirs, rêves, projets et écraser quelques larmes de joie et de tristesse, aussi, à la mémoire de tous ceux qui sont tombés, dans l’honneur ou l’infamie, au cours de ce conflit. Nous aurions levé nos verres d’Aguila ou de Club Colombia (excellentes bières locales, la seconde ayant ma préférence) à la paix prochaine.

Alors, je me contrefous, à cette heure, des politicards, des cyniques professionnels, des pinailleurs, des opportunistes, des petits « je-sais-tout » qui ont un avis sur tout et n’importe quoi et qui vont nous assommer de leurs pénibles certitudes en tentant chacun de récupérer une petite once d’une gloire à laquelle ils ont pourtant si peu à voir. Tolérant, souriant même, je les laisse pour l’instant à leurs joutes inutiles. Car mon cœur est là-bas.

J’espère que les lecteurs de ce blog me pardonneront ce billet un peu personnel, trop émotif pour être parfait. Mais ce texte, c’est aussi une promesse que j’honore, un serment que je respecte, du moins en partie.

Car la plus grande partie ne se jouera pas ici : c’est le patient, lent, parfois difficile travail de reconstruction, de consolidation économique, politique et sociale. C’est aussi un autre espoir, plus incertain encore : celui que nos deux peuples, si proches par bien des aspects et qui ont tant à apprendre l’un de l’autre, se retrouvent enfin et travaillent ensemble.

Bon, allez, assez d’épanchements : au boulot !


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