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Jean - Un homme hors du temps, d'Axel Kahn

Publié le 23 janvier 2018 par Francisrichard @francisrichard
Jean - Un homme hors du temps, d'Axel Kahn

Toujours dans la tempête, à contre-courant, contre le vent, hors du temps. Je vais me perdre.

Cette autobiographie d'un père, écrite par un fils, est singulière, étonnante. Est-ce un hommage ou une justice que ce dernier rend à celui à qui il doit d'être sur Terre? C'est certainement un peu des deux, mais c'est surtout une mission, menée à bien quarante-sept ans jour pour jour après qu'elle lui a été confiée.

Jean Kahn s'est donné la mort le 17 avril 1970, mais, auparavant, sur le siège du train d'où il s'apprête à se jeter, il a laissé à Axel, le plus jeune de ses trois fils, un message qui commence ainsi:

Je  m'adresse à toi comme peut-être au plus capable de faire durement les choses nécessaires.

Entre autres choses nécessaires: se mettre à sa place, dire ce qu'il fut, expliquer son dernier geste.

Axel a choisi de raconter Jean à la première personne. Il le fait en intercalant à son récit des textes paternels. Et c'est on ne peut plus convaincant. Le lecteur ne peut en effet pas voir de solution de continuité entre les citations et le récit: elles sont là pour le confirmer, comme des écrits soutiennent une parole.

Si Jean est un homme hors du temps, le temps au cours duquel il vécut (1916-1970) fut mouvementé et la plume d'Axel le fait revivre, comme elle restitue sa vie chaotique:

Si mes enfants s'y intéressent jamais, ils auront bien du mal à lui trouver un fil directeur. Bourgeois, communiste, germanophile, résistant, intellectuel de gauche, gaulliste...

Axel lui fait ajouter, comme pour brouiller les étiquettes définitives que d'aucuns seraient tentés de lui coller:

Pour moitié de famille juive, opposé à toute référence communautaire, chrétien, fidèle d'un mouvement [celui de Gurdjieff], que ses détracteurs assimilent à une secte, adepte de psychanalyse... Amant insatiable et volage, idéaliste de la famille... Révolutionnaire convaincu, penseur libre en recherche éperdue de la loi...

Appartient au récit ce passage:

Je suis un être au monde des sensations, des émotions, des fulgurances créatrices, toute tentative d'y apporter de l'ordre le dénature, l'enlaidit. Je ne m'épanouis que dans la recherche de la qualité, la quantité me fait obstacle, elle m'emprisonne, elle va me tuer.

Alors que cet autre passage est une citation:

Échapper au règne de la quantité. Mais pourquoi? Certes non pas pour le vague, pour l'illusion de l'absolu - j'éprouve tout moment d'abandon au règne de la quantité comme une expérience du sacrilège à l'égard de ma vérité vivante et menacée, celle dont, instant par instant, je joue la responsabilité qui m'a incombé.

Jean-François, l'aîné des fils de Jean, écrit in fine dans sa postface:

Penser contre soi-même, Jean Kahn en était capable. Mais, mieux que cela, il nous a appris à penser grâce à lui, avec lui, malgré lui et, avec son assentiment, s'il le fallait, contre lui.

Francis Richard

Jean - Un homme hors du temps, Axel Kahn, 324 pages, Stock

Livres précédents chez le même éditeur:

Pensées en chemin (2014)

Entre deux mers - Voyage au bout de soi (2015)

Être humain pleinement (2017)


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