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Ces assureurs qui abusent des données

Publié le 26 janvier 2018 par Patriceb @cestpasmonidee
Admiral Alors que les usages de données en tout genre pour améliorer les analyses de risque sont encore en pleine expansion dans le secteur de l'assurance, les premiers cas de dérives inquiétantes apparaissent déjà, soulignant l'urgence d'une réflexion en profondeur sur les enjeux éthiques et sur les solutions à mettre en place pour éviter le pire.
L'alerte nous vient de Grande-Bretagne et vise au premier chef Admiral, une compagnie qui n'en est pas à ses premiers déboires dans l'exploitation agressive de l'information, ayant été épinglée en 2016 pour son usage des données de profil de ses clients sur Facebook. Cette fois, ce sont ses pratiques en matière de tarification qui suscitent des interrogations, dans deux occurrences distinctes, l'une résultant d'une enquête du régulateur (la FCA), l'autre étant à porter à l'actif d'un quotidien (le Sun).
Dans le premier cas, ce qui suscite l'attention est l'influence du domaine de messagerie du client sur le prix de son assurance. Celui qui fournit une adresse Hotmail ([email protected]) paye en effet son contrat jusqu'à 30 livres sterling plus cher que celui qui possède un compte GMail ([email protected]). Les responsables d'Admiral n'hésitent pas à confirmer cette différence, qui concerne d'ailleurs d'autres fournisseurs que Hotmail, en indiquant que leurs recherches établissent un risque plus élevé pour ces personnes.
Le deuxième exemple est potentiellement plus polémique puisqu'il semblerait qu'une même police puisse être proposée avec un écart de tarif de presque 1 000 livres, selon que le souscripteur s'appelle John Smith ou Mohammed Ali (les pseudonymes utilisés par les journalistes). Là également, bien qu'aucune réaction officielle ne soit mentionnée, il est probable que c'est une analyse statistique qui conduit à cette différence, repérée aussi, quoique dans des proportions plus modérées, chez d'autres assureurs.
Ces pratiques, réelles ou supposées, soulèvent deux types de questions existentielles. Tout d'abord, la FCA émet un doute sur la validité de l'hypothèse retenue pour introduire une discrimination par les adresses mail. Plus précisément, et le raisonnement est généralisable à d'autres informations, il est possible qu'existe une corrélation dans les données que possède l'assureur mais elle n'implique pas nécessairement le lien de causalité qui justifierait de retenir un tel critère dans la fixation du tarif.
Plus difficile à gérer, le deuxième sujet est celui de l'éthique. Car, même si les modèles mathématiques mis en œuvre sont corrects, quelle est la limite raisonnable à leur application ? Les approches d'assurance basée sur l'usage, mesurant le comportement du conducteur, ouvraient le débat alors que leur adoption était soumise à un accord explicite et l'installation d'un équipement spécifique. Quels seront demain les recours des consommateurs face à des décisions dont ils ne connaitront pas les motivations ?
En prolongeant encore la réflexion, arrive inévitablement le sujet de la nature même du produit d'assurance : que devient son principe originel de mutualisation des risques si, au fil de l'application d'algorithmes de plus en plus pointus sur une masse de plus en plus importante d'information, le prix payé par chaque client est ajusté à son risque individuel ? Cette perspective est-elle acceptable ? Ou faut-il prendre les mesures pour éviter d'en arriver là ? Dans ce dernier cas, le cas d'Admiral signale une urgence…
Admiral

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