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Koons : bouquet final ?

Publié le 28 janvier 2018 par Pantalaskas @chapeau_noir

« The Bouquet of Tulips »

Se risquer à écrire un article sur le projet contesté du bouquet de fleurs de Jeff Koons offert à la France par l’artiste, c’est assurément prêter le flanc à toutes les réponses les plus acerbes, c’est se préparer à recevoir une volée de bois vert. Pourtant, difficile de passer sous silence le malaise que me provoque ce conflit.

Koons : bouquet final ?
Pour rappeler rapidement l’origine du problème : « The Bouquet of Tulips » de Jeff Koons conçu en novembre 2016 par l’artiste américain en mémoire des victimes des attentats de novembre 2015 est offert par l’artiste à Paris. La réalisation matérielle est financée par des mécènes et les frais d’installation à prendre en charge par la capitale. L’artiste demande que l’oeuvre soit placée sur le parvis du Musée d’art moderne de la ville de Paris.
Cette proposition provoque une levée de boucliers : des artistes, responsables culturels éminents lancent une pétition contre l’implantation de cette oeuvre : « Architecturalement et patrimonialement, par son impact visuel, son gigantisme (12 mètres de hauteur, 8 de large et 10 de profondeur) et sa situation, cette sculpture bouleverserait l’harmonie actuelle entre les colonnades du Musée d’art moderne de la ville de Paris et le Palais de Tokyo, et la perspective sur la tour Eiffel. ».

 » Non aux saucisses colorées ! »

Avec la notoriété et l’autorité de ses signataires, une telle prise de position obtient un crédit visible. Puis d’autres oppositions se font entendre et commencent, pour ma part, à engendrer le malaise :  » Non aux saucisses colorées ! »  » Koons est une sorte de Staline de l’art « ….  Me reviennent alors en mémoire les moments les plus suspects de l’opposition aux « Colonnes de Buren » :  » Deux milliards gaspillés ! Qui va payer cette saloperie ? Cela a dû être fait à la mémoire des camps de concentrations et des déportés. »
Certes Jeff Koons est coutumier des oppositions radicales. Déjà lors de son exposition en 2008 au château de Versailles, ceux qui le cherchaient à l’époque pour lui faire un sort se recrutaient surtout dans des associations conservatrices (voire plus si affinités) brandissaient le glaive contre Koons dont les œuvres en ce lieu constituaient à leurs yeux « Un outrage à Marie-Antoinette ». Le prince Charles-Emmanuel de Bourbon-Parme, pour ne pas être en reste, dépose plainte contre la tenue de l’exposition au château de Versailles. Au point que certains, critiques envers l’exposition, s’opposèrent… aux opposants de Koons à Versailles : « Il m’était difficile, écrit l’un d’entre eux, de me ranger du côté des cris d’orfraie des descendants de la famille royale française. »
Aujourd’hui, mes réserves sur le projet de « The Bouquet of Tulips » passent au second plan devant la nature des oppositions qui se manifestent. Certes, on n’impose pas à celui à qui l’on fait un cadeau, la destination qu’il doit lui donner.
On observera cependant un précédent remarquable : en 1956, lorsqu’il lègue à l’Etat français la totalité de son atelier avec tout son contenu, le sculpteur Brancusi impose que le Musée national d’art moderne s’engage à le reconstituer tel qu’il se présentera le jour de son décès. La reconstruction à l’identique en 1997 de l’atelier donnera à la fois un privilège exorbitant au sculpteur (Quelle que soit sa valeur indiscutable) au regard des autres artistes et un premier résultat architectural discutable avant qu’un nouveau bâtiment contemporain soit construit quelques années plus tard.
La pétition des autorités artistiques mérite assurément d’être écoutée, notamment pour ce qui est de l’emplacement de l’œuvre de Koons. On pourra cependant relativiser sa portée en la mettant en perspective historique avec celle également signée des plus célèbres artistes et écrivains contre la Tour Eiffel : « Nous venons, écrivains, peintres, sculpteurs, architectes, amateurs passionnés de la beauté, jusqu’ici intacte, de Paris, protester de toutes nos forces, de toute notre indignation, au nom du goût français méconnu, au nom de l’art et de l’histoire français menacés, contre l’érection, en plein cœur de notre capitale, de l’inutile et monstrueuse Tour Eiffel ». 14 février 1887.
A cette heure nous ne savons pas quelle décision prendront les politiques. Les colonnes de Buren ont survécu aux invectives, la tour Eiffel aussi.


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