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Mai 68 - Mai 2018 (3). Les partis politiques, suite: changer ou disparaître

Par Roger Garaudy A Contre-Nuit

D'aucun parti n'émanant un grand dessein, un projet d'avenir à l'échelle de notre temps, les élections obéissent à la loi marécageuse de l'entropie politique se répartissant entre 49 % et 51 % avec, en général, un léger avantage pour les plus crédibles partisans du

et du maintien de l'ordre ancien puisque les adversaires sont incapables d'en concevoir et d'en proposer un nouveau.

Comment l'électeur pourrait-il faire un choix fondamental alors

que, sur tous les problèmes dont dépend notre avenir - le modèle de

croissance, l'armement nucléaire, l'énergie nucléaire, avec toutes

leurs conséquences mortelles -, tous les partis sont d'accord à

quelques nuances de vocabulaire près ?

La réalité du pouvoir reste donc aux groupes de pression qui

fondent la " croissance économique " sur les secteurs les plus

rentables pour eux : le nucléaire et l'automobile, les seuls qui n'aient

pas été touchés par la crise et qui poursuivent inflexiblement leur

progression. On pourrait dire aujourd'hui, paraphrasant un axiome

du passé : nucléaire et automobile sont les deux mamelles de la

Du nucléaire, nous avons déjà évoqué les méfaits physiques et

politiques. Mais nous pourrions tenir un propos analogue sur l'automobile,

et sur l'ensemble du groupe de pression (le plus fort en

France) qui gravite autour d'elle et oriente la politique économique,

puisque les constructeurs de voitures, les fabricants de pneus, les

promoteurs d'autoroutes, les pétroliers et leurs satellites représentent

près de la moitié du budget de la France.

[...] Tous les partis et le Parlement s'inclinent devant ce contre-pouvoir

réel des groupes de pression du nucléaire et de l'automobile, masqués

en France, comme aux États-Unis, en Allemagne, en Italie et ailleurs,

par le " pouvoir " aussi officiel qu'illusoire des Parlements chargés de

persuader le public qu'en devenant électeur i l devient " souverain ",

alors que les choix vitaux lui sont interdits et que les décisions sont

prises, en dehors de tout contrôle, par la technocratie des groupes de

Il faut que ceci soit clair : aucun parti politique aujourd'hui n'est

capable ni de réaliser un nouveau projet de société échappant à la

"logique" mortelle de la croissance aveugle, ni même de le concevoir et

La politique, au sens vrai et fort du mot, c'est-à-dire la volonté de

créer une société à visage humain, est pourtant en gestation, surtout

depuis 1968, à l'extérieur des partis. Les germes de l'avenir sont là où

de petits groupes d'hommes se rassemblent, se concertent, se fédèrent

pour prendre en main leurs propres affaires sans attendre " d'en

haut ", d'élus ou de chefs auxquels ils auraient délégué leurs pouvoirs,

les décisions concernant leur vie quotidienne comme leur destin.

Déjà, en dehors des institutions officielles, est en train de sourdre la

volonté de vivre autrement.

Au sein même des " foules solidaires " naissent, meurent et se

recréent sans cesse des communautés d'un type nouveau. Des regards

se rencontrent. Des mains se nouent. Des projets sont bâtis en

commun. Ici un puits. Ici un stade ou une garderie d'enfants. Ici une

prière. Ici une coopérative. Ici une école. Ensemble. Et à l'initiative

de ceux " d'en bas " : communautés chrétiennes de l'Amérique latine

à la France, ou communes chinoises, jeunes n'acceptant plus d'être

estropiés par la pédagogie périmée des écoles et des universités, ni par

les idéologies de récupération et d'intégration sournoise au désordre

L'action s'organise pour le respect des équilibres écologiques entre

l'homme et son environnement de terres, d'arbres, de fleuves et de

lacs tués par la pollution, pour la défense des océans, pour la

protection de l'espace contre des satellites espions à équipement

nucléaire dont la chute fait peser sur nos têtes une menace permanente.

La terre, l'eau, le ciel... l'homme est devenu responsable de tous les

éléments. Nous sommes arrivés à ce point crucial de l'épopée humaine

où nous ne survivrons pas par la seule force d'inertie des dérives de

notre siècle : prolongées, elles conduisent toutes au suicide planétaire.

" Changer ou disparaître ! " crie-t-on dans les îles.

Le continent répond : " L'utopie ou la mort ! "

Ceci doit être clair : survivre et vivre dépendent désormais d'un choix

humain et nul ne peut déléguer son pouvoir.

Les germes d'avenir naissent de toutes parts : mouvements pour les

autonomies régionales contre la centralisation dévorante, mouvements

de consommateurs, comités de quartiers pour le contrôle et la

gestion des affaires locales et des organismes élus, mouvement

antinucléaire, dont le référendum autrichien est un bel exemple,

résistance à l'implantation des centrales de la mort, en France, en

Allemagne, mouvement coopératif, action non violente chez les

paysans du Larzac, comme chez les ouvriers de Lip, exigence

autogestionnaire s'imposant même aux directions syndicales qui s'en

défiaient, lutte des OS, en dehors des structures et des méthodes

traditionnelles pour le dépassement de la promotion individuelle des

qualifications et des salaires au profit des qualifications collectives.


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