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Pollution aux algues vertes : l'Etat condamné en Bretagne

Publié le 26 février 2018 par Bioaddict @bioaddict
L'Etat a été condamné à verser plus de 500 000 € à la ville de Saint-Brieuc pour son défaut de prévention et de lutte contre les algues vertes. Le tribunal administratif de Rennes a retenu un défaut d'application de la réglementation européenne et nationale. Dans le même temps, des dérogations sont accordées pour épandre des lisiers plus près des côtes bretonnes. Pollution aux algues vertes : l'Etat condamné en Bretagne ¤¤ Les algues vertes en décomposition sur les plages dégagent des doses mortelles de gaz et présentent un vrai risque pour la santé. " L'élevage hors-sol produit en Bretagne une quantité de déjections qui dépasse largement la capacité d'absorption du milieu naturel. Les expédients mis en oeuvre sont inefficaces. La responsabilité du modèle agricole intensif est évidente, tant en matière d'élevage que de cultures, mais aussi celle de l'industrie agro-alimentaire et de l'agro-business en général " dénonce l'ONG France Nature Environnement. OK
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Saint-Brieuc Armor agglomération a attaqué en 2015 et 2016 l'Etat français pour les préjudices subis entre 2014 et 2017 du fait de la prolifération des algues vertes. Le 9 février 2018, le jugement du tribunal administratif de Rennes est tombé : il a condamné l'Etat à verser 556 509 euros à l'agglomération de Saint-Brieuc. Une somme presque symbolique. En effet, l'agglomération dépense des millions d'euros depuis des années pour nettoyer les plages et éviter que les algues en décomposition ne dégagent de l'hydrogène sulfuré,un gaz qui a déjà tué dans la région*.

Le tribunal a estimé que "les carences de l'Etat dans la mise en oeuvre de la réglementation européenne et nationale destinée à protéger les eaux de toute pollution d'origine agricole sont établies". Selon lui, il existe un lien direct de causalité entre " la faute imputable à l'Etat " et " le dommage que constitue la pollution de certaines des côtes costarmoricaines par les masses d'algues vertes ". De même qu'il existe un lien de causalité " entre cette faute et les dépenses engagées, notamment par les collectivités publiques, pour restaurer la qualité des eaux et du littoral ".

Un nouveau plan de près de 33 millions d'euros pour la baie de Saint-Brieuc

Le tribunal s'est basé sur les injonctions reçues par la France et sur ses condamnations par la Cour de justice de l'union européenne (CJUE) concernant les mesures à prendre pour assurer la qualité de l'eau. En effet, depuis bientôt deux décennies, l'Union européenne a adopté une directive cadre sur l'eau et accordé aux Etats membres des budgets importants pour la mettre en application. La France a été condamnée à plusieurs reprises pour non-respect de cette directive et des injonctions de Bruxelles. Et cela, même si elle poursuit l'objectif coûteux d'améliorer la qualité des eaux.

" Après un premier acte lancé en 2010, huit nouveaux contrats de plan de lutte contre les algues vertes ont été lancés par l'État pour la période 2017-2021. C'était le cas début janvier pour celui concernant la Baie de Saint-Brieuc, un plan de bataille de 32,9 millions d'euros débloqués ", rappelle Franceinfo.

Des épandages permis à moins de 500m du rivage

Mais l'Etat ne prend pas les décisions qu'il faudrait sur le plan agricole. Les élevages industriels bretons (cochons, vaches, volailles surtout) sont en cause dans la prolifération des algues vertes. Des mesures ont bien été mises en place pour stocker leurs effluents d'élevages (30 millions de tonnes par an) mais ces derniers sont épandus année après année en trop grande quantité sur des champs saturés depuis longtemps et les polluants percolent vers les rivières puis vers la mer.

Pour lutter contre la prolifération des algues vertes et surtout des phytoplanctons toxiques qui rendent les coquillages impropres à la consommation, les épandages d'effluents sont interdits depuis 2009 sur une bande de 500 m le long du rivage (zone de " protection conchylicole "). Mais les dérogations à cette interdiction se multiplient.

Peu avant que le tribunal ne condamne la France, le 6 février, une nouvelle dérogation d'épandage dans la zone des 500m a été donnée en baie de Douarnenez. Ce n'est pas la première, les refus de dérogations sont bien plus rares que les avis favorables.
" Autour de la baie de Douarnenez, la bande des 500m le long du rivage est déjà presqu'entièrement en dérogation car votre Conseil à l'Environnement, le CODERST, donne systématiquement des avis favorables ", écrivent dans une lettre au préfet du Finistère sept associations bretonnes soucieuses de l'environnement. Excédées, elles ont lancé une pétition.

Beaucoup d'argent public pour peu de résultats

Ce télescopage des événements, qui vont absorber plus de 33 millions d'euros, rappelle que beaucoup d'argent public est englouti depuis des années pour lutter contre les pollutions d'origine agricole, et beaucoup d'argent public, sans doute plus encore, est utilisé pour favoriser les agrandissements d'élevages sous prétexte de modernisation (fonds provenant dans les deux cas de Bruxelles et de la France). Ces financements contradictoires assèchent les contribuables, ne permettent pas une eau de qualité et ne profitent même pas aux éleveurs qui vont de crises en crises et sont de plus en plus nombreux à arrêter leur activité pour des raisons économiques (ce qui favorise les agrandissements de fermes). C'est une preuve manifeste qu'il est temps de remettre à plat la politique agricole et de favoriser des modes de production respectueux de l'environnement.

Zoé Fauré

* lire les articles Algues vertes : après la mort d'un cheval en 2009, la responsabilité de l'Etat reconnue et Le risque mortel des algues vertes confirmé par deux rapports officiels

Pour plus d'informations, lire le "Plan de lutte contre la proliferation des algues vertes 2017-2021, Signature du contrat de la Baie de Saint-Brieuc"


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