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Chasse royale II. Jaworski retrouve les chemins de traverse

Par Balndorn

Chasse royale II. Jaworski retrouve les chemins de traverse
Comme un retour du refoulé, le sauvage réapparaît dans cette seconde partie de Chasse royale. La trop sage linéarité qui faisait le défaut du premier volet se perd dans les méandres des forêts celtes, où Jean-Philippe Jaworski accomplit la plénitude de son style.
Huis-clos et bataille pour la mémoire
Prisonnier de l’armée rebelle, Bellovèse ne bougera pas autant que dans la première partie. Un lieu l’occupera la majeure partie du roman : Aballo, la forteresse magique de Prittuse, la sœur enchanteresse du roi éduen.Puisque l’espace se resserre, le temps s’élargit. Alors que dans la première moitié, le récit s’écoulait sagement en un long fleuve continu, ici, les souvenirs de Bellovèse trouent sa linéarité. Les neuf ans qui séparent Même pas mort et Chasse royalesurgissent par instants : les rencontres avec ses ambactes, son mariage, son adultère… À mesure qu’il croupit dans les rets magiques de Prittuse, le captif s’échappe dans sa mémoire.Mais sa mémoire ne lui appartient pas complètement. Prittuse entend bien en faire l’objet du jugement qu’elle destine au prisonnier biturige. Car les souvenirs de ce dernier, forcément subjectifs, s’opposent à d’autres. Entre deux versions d’un même fait – la mort de la grand-mère, l’oubli du père – Prittuse choisit une vérité, qu’elle instaure comme vérité officielle.
Le roncier de Prittuse, emblème de l’art romanesque
Cette exploration des méandres de la mémoire humaine va de pair avec le retour d’un lieu nié par la première partie : la forêt. C’est dans la géographie trouble des halliers, des taillis, des pistes animales que Jaworski excelle. Son art romanesque débusque un équivalent topographique : le roncier de Prittuse. Enchanté par la magicienne, le roncier confond l’espace et le temps et barre la route aux intrus qui désireraient pénétrer Aballo. Pareil à ce roncier, le romancier se plaît à mêler les strates de réalité, à situer au même plan les faits et les souvenirs, le réel tangible et l’hasardeuse psychologie… Avec cette seconde partie, Jaworski revient à ce qui fait sa force : l’observation des mécanismes psychologiques qui façonnent le monde. En pleine guerre entre Bituriges et rebelles, Chasse royale II ne marque pas seulement le temps du retour sur soi et de l’évaluation des actions de Bellovèse : l’auteur s’en retourne à la quintessence de l’art romanesque, qui dresse de séduisantes barrières entre le lecteur et l’objet de son désir.
Chasse royale II, Jean-Philippe Jaworski, Les Moutons électriques, 2017, 352 p.
Maxime
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