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Accouchement public, bête noire de Marie-Antoinette

Par Plumehistoire
     Après 7 années d’un mariage très chaste (trop chaste), Marie-Antoinette est fière d’apprendre à sa mère, dans une lettre datée du 30 août 1777 : Je suis dans le bonheur le plus essentiel de toute ma vie. Il y a déjà plus de huit jours que mon mariage est parfaitement consommé (…) Je ne crois pas être grosse encore, mais au moins j’ai l’espérance de l’être d’un moment à l’autre.    Elle va vite déchanter. Evénement profondément politique, la naissance d’un enfant royal suscite de vives émotions dans toutes les Cours européennes. La coutume royale de la délivrance en public, nécessaire afin de prouver la légitimité de l’enfant, est un vrai calvaire et répugne à la Reine au plus haut point. Pudique, elle réprouve cette pratique pourtant inéluctable. Elle est donc bien obligée de s’y soumettre… ainsi qu’à la barbarie des pseudo obstétriciens de l’époque.   La naissance cauchemardesque de Madame Royale    La venue au monde du premier enfant du couple royal, après de si nombreuses années d’attente, est un évènement que personne ne veut manquer. Pendant la dernière semaine de grossesse de la Reine, au mois de décembre 1778, plus de 200 courtisans qui séjournent habituellement à Paris viennent se loger au château.    Le 18 décembre 1778, vers minuit, la Reine ressent les premières douleurs et fait appeler son mari à une heure et demie. Pendant ce temps, Madame de Lamballe, surintendante de sa maison, court avertir la famille royale. Lorsque les douleurs la reprennent, avec violence, Marie-Antoinette s’installe dans un petit lit de travail dressé exprès près de la cheminée.    Les courtisans, massés dans l’antichambre de la Reine et le cabinet du Roi, sont si nombreux qu’ils se répandent jusque dans la Galerie des Glaces. Tous trépignent d’impatience. Lorsqu’on ouvre enfin les portes, ils s’élancent dans les appartements de la Reine et s’agglutinent jusqu’à son lit. Même du temps de Louis XIV, on n’avait jamais vu une foule si dense ! La pauvre souveraine croit mourir, et serre les dents pour ne pas donner à ces yeux scrutateurs le spectacle de sa souffrance.    La naissance est un supplice. Un instant, on croit que l’enfant est mort, mais des vagissements se font entendre : il vit. La Reine n’a pas le temps de s’en réjouir. Elle n’en peut plus. La tension, l’émotion, l’atmosphère confinée et étouffante, le vacarme des courtisans, le travail éreintant de douze heures… Elle est prise d’une convulsion et s’évanouit. Terreur du médecin. Il faut la saigner pour la réanimer et reprendre les suites naturelles de l’accouchement !    Marie-Antoinette n’apprend que plus tard qu’elle a donné le jour à une fille, et pleure abondamment. Baptisée Marie-Thérèse et surnommée Madame Royale, la petite sera très choyée par ses parents, et l’unique survivante de sa famille après la Révolution.   Des séquelles dramatiques    Marie-Antoinette ne se remettra jamais totalement de ce premier accouchement, pratiqué dans des conditions désastreuses. Les contemporains de la Reine mentionnent un « terrible accident » survenu pendant le travail : il s’agit probablement d’une hémorragie. La nouvelle de cette catastrophe passe les frontières puisque l’on voit Marie-Thérèse terriblement angoissée à Vienne : paranoïaque, elle imagine même sa fille victime d’un complot manigancé par ses beaux-frères, les comtes de Provence et d’Artois, pour l’empêcher de donner un héritier au trône…    La Reine souffrira dorénavant de graves problèmes d’ordre gynécologique, et ses futures grossesses seront très difficiles : fièvres à répétition, chute de cheveux, très grande fatigue… Un état inquiétant que les médecins aggravent en la saignant quatre à cinq fois à chaque nouvelle grossesse.    Elle développe même progressivement un cancer de l’utérus, dont les symptômes se manifestent clairement lors de son emprisonnement à la Conciergerie : elle perd régulièrement beaucoup de sang. Si elle avait échappé à la guillotine, la pauvre femme n’aurait de toute façon probablement pas eu de longues années devant elle…   « M. le Dauphin demande à entrer »    A la suite de cet épisode éprouvant, Marie-Antoinette prend prétexte d’une rougeole attrapée en avril 1779, qui fait suite à ses relevailles difficiles, pour aller s’isoler à Trianon avec sa petite troupe de joyeux compagnons. Elle n’a pas la moindre envie de reprendre les relations sexuelles avec Louis XVI. La situation dure plusieurs mois, avant qu’elle ne se résigne à tomber de nouveau enceinte, redoutant déjà le jour de la délivrance.    Lorsqu’il apprend que son épouse attend un nouvel enfant, le Roi se souvient de l’enfer lors de la naissance de Madame Royale, et il refuse de lui faire subir le même supplice. Il prend des libertés avec le protocole.    Le jour de l’accouchement, le 22 octobre 1781, seuls les membres de la famille royale, quelques dames de la Maison de la Reine et le garde des Sceaux sont autorisés à pénétrer dans la chambre de la Reine. Que les autres patientent dans le salon voisin ! Louis XVI accepte de les laisser entrer au tout dernier moment, et encore, ils restent bloqués au fond de la pièce, pour que l’air puisse circuler correctement.    Marie-Antoinette donne naissance au fils tant attendu, que Louis XVI lui présente avec ces mots : « M. le Dauphin demande à entrer ». Il s’agit de Louis-Joseph, qui mourra de la tuberculose en 1789.   La ruse de la Reine    Louis a beau alléger les contraintes de l’accouchement public, c’est toujours trop pour la Reine, qui ne supporte pas d’être ainsi mise en scène dans un moment aussi intime.    Pour la naissance de son second fils, Louis-Charles, futur prisonnier du Temple, Marie-Antoinette recourt à un subterfuge qui, sans abolir la pratique intrusive de l’accouchement public, lui permet d’en limiter la pénibilité.    Le 27 mars 1785 au petit matin, la Reine sent que le travail est imminent. Elle ne met dans la confidence que son amie la duchesse de Polignac, et donne le change face aux courtisans pour dissiper leurs soupçons. Elle se fait ainsi violence pour repousser jusqu’à l’extrême limite le moment d’en faire l’annonce officielle.    Le Mercure de France rapporte que la Reine a accouché « après un travail fort court » et que de tous les princes du sang, seul le duc de Chartres se trouvait au baptême de l’enfant, « les autres princes et princesses n’ayant pu se rendre assez tôt pour s’y trouver ». La ruse de la souveraine a parfaitement fonctionné !    Elle n’aura pas à user du même stratagème pour la naissance son quatrième et dernier enfant. La princesse Sophie, prématurée, prend au dépourvu les courtisans, le Roi et la Reine elle-même. Marie-Antoinette met davantage de temps à se remettre de ce dernier accouchement, ses problèmes gynécologiques s’aggravant sensiblement. Elle se plaint en outre de grandes douleurs dans les jambes.    La petite fille meurt le 19 juin 1787, venant à peine d’atteindre sa première année. La Reine est tellement affectée par la perte de son « cher petit ange » qu’elle demande à sa portraitiste attitrée, Elisabeth Vigée-Lebrun, de l’effacer d’une peinture où la souveraine est représentée en mère épanouie avec ses quatre enfants… (voir le portrait ci-dessus)    Marie-Antoinette et Louis XVI n’auront pas d’autre enfant. Après avoir donné à la France deux Dauphins et deux princesses, même si la cadette n’a pas survécu, la Reine estime avoir rempli son devoir dynastique. Elle décide de mettre un terme aux relations charnelles avec son époux, que ni elle ni lui n’ont jamais appréciées… Un cinquième accouchement, compte tenu de son état, lui aurait peut-être été fatal.   Sources ♦ Marie-Antoinette, l’insoumise, de Simone Bertière ♦ Dictionnaire amoureux des Reines , de Evelyne Lever ♦ Louis XVII, de Hélène Becquet ♦ Marie Antoinette, de Antonia Fraser ♦ Naissance et petite enfance à la cour de France : Moyen-âge – XIXe siècle, de Pascale Mormiche   Vous avez aimé cet article ? 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