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Subodh Gupta : tout ce qui brille n’est pas d’art

Publié le 20 mai 2018 par Pantalaskas @chapeau_noir

Subodh Gupta : tout ce qui brille n’est pas d’artDans la principale cour intérieure de l’hôtel du quai Conti, à la Monnaie de Paris, le « People Tree » (L’arbre des gens) s’élance étincelant sous le soleil. Cette croissance prolifique et désordonnées du métal (qui n’est pas sans rappeler quelque peu le travail de Claude Viseux) donne naissance à un organisme monstrueux développé à partir d’objets du quotidien, ustensiles ménagers détournés de leur usage premier. Avant même d’avoir visité l’ensemble de l’exposition de Subodh Gupta, cette œuvre arborescente annonce déjà les éléments qui composent le parcours de l’artiste Indien. Car l’utilisation de ces objets ordinaires, le recours à un inox brillant, participent à une association d’idées, de propositions en décalage avec le clinquant des installations.

 « Very hungry god »

Le procédé d’ accumulation aboutit ici à la construction d’une œuvre anthropomorphe datant d’une dizaine d’années : « Very hungry god » (Dieu très affamé). Cette pièce, qui a rendu célèbre l’artiste, apparaît comme à la croisée des chemins entre quotidien et universel, vie et mort, abondance et précarité. Dans le salon Dupré de la Monnaie de Paris, cette figure fantomatique s’impose silencieusement dans l’atmosphère feutrée de ce décor chic. Le positionnement paradoxal d’une telle œuvre ne s’arrête pas à la seule lecture que chacun peut en faire.

Subodh Gupta : tout ce qui brille n’est pas d’art
Le paradoxe pourrait bien également s’opérer entre l’objectif critique ambitionné et le destin mirifique de cette pièce achetée par un collectionneur milliardaire. Encore que ces ustensiles ménagers que l’on pourrait considérer comme des objets sans valeur marchande significative, représentent pour nombre de familles indiennes un vrai trésor. Leur apparence impeccable, rutilante, presque scintillante, contribue à donner à ces outils ordinaires du quotidien leur qualification de richesse inaccessible.

 « There is always cinema »

Une autre pratique de l’artiste consiste à sublimer des objets passés, dépassés, inutiles tel ce projecteur ancien de salle de cinéma dont on nous présente l’original et la sculpture dorée tout aussi inutile, lanterne magique figée dans le temps, magnifiée par ce plaquage pour l’éternité. « There is always cinema » parle à un pays dans lequel l’industrie du film occupe une place majeure et un engouement populaire toujours renouvelé.
Avec cette « peau » brillante qui recouvre les objets, Gupta semble jouer constamment sur ce jeu des apparences. La réalité suggérée à partir des objets étincelants n’est pas si rutilante pour autant.

Subodh Gupta : tout ce qui brille n’est pas d’art
Nous ne sommes plus dans l’accumulation nouveau réaliste d’un Arman mais dans une construction accumulative destinée à générer avec cet assemblage une réalité seconde donnant à lire un autre discours. Si bien qu’avec la grille de lecture sous-jacente de ces créations, il est alors question de civilisation, de son pays, l’Inde, de voyages, de migrations, de nourriture avec son lot de pénurie. L’objet des Nouveaux réalistes participait à une approche critique d’une société croulant sous l’accumulation d’une consommation démesurée. Chez Subodh Gupta, l’objet du quotidien concourt, à une exaltation du réel. Tout ce qui brille n’est pas d’or. Tout ce qui brille n’est pas d’art non plus et Gupta entend faire accéder à ce statut nouveau, inattendu, ces objets sublimés par le regard de l’artiste.

Photos de l’auteur

Subodh Gupta « Adda » / Rendez-vous
13 avril – 26 Aout 2018
Monnaie de Paris
11, quai de Conti
75006 PARIS

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