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Paprika. Le rêve a dévoré la réalité

Par Balndorn

Paprika. Le rêve a dévoré la réalité
Résumé : Un nouveau traitement psychothérapeutique nommé PT a été inventé. Alors que le processus est toujours en phase de test, l'un des prototypes est volé.
Dernier film de Satoshi Kon avant son décès prématuré, Paprika envahit un autre terrain d’expérimentations que Perfect Blue. Cette fois, c’est la nature même de l’image qui se trouve en crise.
Descente dans la vallée de l’étrange
Il n’y a pas beaucoup de genre autre que le cinéma d’animation japonais qui sache autant provoquer l’inquiétante étrangeté. Paprika fait partie des œuvres qui suscitent un malaise chez le spectateur. Davantage que Perfect Blue, qui désorientait les repères spatio-temporels, Paprikaprovoque un sentiment de rejet viscéral devant des images toutes plus détonantes les unes que les autres. L’une d’entre elles scande le film. Lorsque le professeur Shima, atteint d’une crise de folie, décrit un défilé de bric-à-brac où marchent côte-à-côte réfrigérateur, armures de samouraïs, poupées, chats… personne ne le croit. Et pourtant, l’image existe. C’est la représentation même de l’image impossible. Si improbable qu’elle nous laisse estomaqués. Kon a sans doute vu Le Voyage de Chihiro. Les deux œuvres partagent bien des traits. Outre le motif du carnaval des monstres, on retrouve dans ces films un personnage féminin semblable : Paprika comme Chihiro sont jeunes, audacieuses et aventurières. En même temps qu’elles souffrent d’une altération de leur personnalité, victimes de dédoublement ; dédoublement qu’elles acceptent et qui fait leur force. Surtout, une esth-éthique commune émerge : Miyazaki et Kon traquent les expressions torturées, les faciès grimaçants, les personnages qui, en somme, nous entraînent dans la « vallée de l’étrange », pour reprendre la théorie du roboticien nippon Masahiro Mori. Dans Le Voyage de Chihiro, on compte le Sans-Visage, le dieu des rivières qui vient prendre son bain, le bébé géant… Dans Paprika, les figures machiavéliques d’une poupée au visage d’albâtre et d’un directeur démesuré.
Ruptures du plan
Cependant, Paprika va plus loin que Chihiro, dans la mesure où l’inquiétante étrangeté contamine jusqu’à la nature même de l’image. Ce n’est pas tant le montage que les effets visuels qui distordent les plans. Exemple typique : Paprika, poursuivant le voleur des PT dans un parc d’attractions abandonné, heurte une barrière qui aussitôt ouvre une brèche dans le plan même, brèche qui l’amène à se jeter d’un immeuble. Un tel effet met en crise le statut du plan : son unicité spatio-temporelle s’effrite. S’immiscent alors des êtres cauchemardesques – d’un autre plan pourrait-on dire – qui déstructurent allègrement les frontières entre rêve et réalité. Le choix d’une barrière comme lieu de la brèche a valeur de programme : un lieu de séparation se mue en lieu de passage entre les mondes.Ainsi va le cinéma de Satoshi Kon, toujours bousculant les frontières rationnelles et sensorielles : la barrière, qui marque physiquement et symboliquement l’espace, en est un archétype. Peut-être le caractère très hétéroclite de Paprikaen dérangera plus d’un (moi y compris). Et c’est tant mieux. Car une expérience cinématographique s’éprouve en tant que telle : dans toute sa radicalité formelle.
Paprika. Le rêve a dévoré la réalité
Paprika, Satoshi Kon, 2006, 1h30
Maxime
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