Pour un « Davos de la démocratie » à Strasbourg

Lundi, 07 Juillet 2008 09:32

L'éditorial de  Daniel RIOT

Un « Davos de la démocratie »... c'est une image, une métaphore. Pour faire comprendre un but : organiser une fois par an un super-congrès rassemblant compétences, penseurs, praticiens.Sur des thèmes cruciaux.

Oublions la référence, trop connotée et retenons l'idée. Chaque année, à Strasbourg, un super-congrès qui fasse le point sur la santé démocratique du monde !

C'est la conclusion logique de deux événements qui viennent de se dérouler dans la métropole rhénane dans des registres où les mots Politique et Culture s'écrivent avec des majuscules

Strasbourg est déjà la capitale démocratique de l'Europe...depuis 1950. Produit de l'Histoire, de la géographie et de la volonté d'hommes épris de paix, de liberté et de cet humanisme sans lequel l'humain se caractérise aussi par...l'inhumain.

Et Strasbourg entend bien le rester. Il le faut pour la Ville. Et pour l'Europe. Surtout en cette ère d'incertitudes européennes et en cette époque où la « mondialisation » de la démocratie est loin d'être réalisée, où la « globalisation » marque davantage le triomphe (provisoire ?) de l'économisme sur l'humanisme.  

Mais aux activités permanentes, parlementaires et universitaires,  qui justifient pleinement ce titre peuvent et doivent s'ajouter d'autres rendez-vous, d'autres forums, d'autres   sources de réflexions. Les circonstances l'imposent. Et des opportunités sont à saisir

Les circonstances ? Evidences....La démocratie n'est pas un état de choses, mais un jardin à cultiver, une arboriculture à soigner. Une grille de valeurs à améliorer et des règles d'actions à affiner.

>>> La crise du politique est d'abord une crise de la démocratie représentative et les évolutions du monde montrent trop bien que la chute du Mur n'a pas constitué une victoire définitive de cette démocratie pluraliste qui reste, selon la formule de Churchill, « le pire des systèmes à l'exception de tous les autres ». Un système perfectible à tous les niveaux, du local au global. Un système qui est secoué par des concepts et des aspirations contradictoires que reflètent bien des mots à la mode qui n'ont pas toujours un sens précis : gouvernance au lieu de gouvernement, démocratie participative (comme si la démocratie n'impliquait pas une participation citoyenne active, communication au lieu d'information, formatage au lieu de formation...

>>> La multiplication des conflits locaux et des  désordres mondiaux ( illustrés  aujourd'hui par l'inutilité des rendez-vous sous haute surveillance tels que ceux du G8 ) les chocs des civilisations, les heurts des intérêts antagonistes, les  ravages de la très totalitaire géo-finance les poussées de tentations liberticides, proviennent d'un déficit de culture démocratique, cette affirmation structurée et structurante du « principe d'humanité ». Il importe de repenser ou de mieux penser les relations qui fondent le « Vivre ensemble » à tous les niveaux.

Les opportunités ? La semaine dernière a vu la succession de deux rencontres bien différentes dans leur ampleur et leurs objectifs mais convergentes sur un point essentiel : l'ingénierie politique   et diplomatique doit faire preuve d'esprit d'innovation, de créativité, de « limages des cervelles »

Le plus important : la réunion de quelque 600 stagiaires de 16 pays des écoles de la démocratie que la Conseil de l'Europe a crée dans les pays jadis dits « de l'Est ». Avec peu de moyens, l'organisation des 47 a fait là un travail considérable qui doit être amplifié et complété.

La création d'une association présidée par Catherine Lalumière  est une initiative qui en appelle d'autres et qui doit susciter des synergies avec les Universités, l'ENA, des associations, des « laboratoires d'idées »

L'autre événement est de portée plus modeste, mais il doit lui aussi avoir des suite.s concrètes C'est autour de Michelangelo Pistoletto, invité d'apollonia, le lancement d'un « Parlement cultuiel méditerranéen » qui, à travers des réseaux déjà en activité, va d'abord promouvoir « l'Artivisme »

L'ERE DE l'ARTIVISME:UNE EVOLUTION ETHIQUE DE LA CREATIVITE

L'Artivisme, c'est l'art mis au service d'un ré-enchantement de la politique et de la démocratie, l'art comme fabrique de lien social (du local au global), l'art, la créativité comme instruments du développement d'une démocratie vivante, de cette démocratie que Pistoletto définit comme « le primat de la conscience individuelle »

« L'art a fait sa révolution esthétique, il importe de générer une transformation éthique », souligne Pistoletto. « L'art pour l'art n'existe plus. C'est l'art pour l'argent ou l'art pour la propagande. L'art, c'est le propre de l'homme. Et le propre de l'homme, c'est un « vivre ensemble » harmonieux. La méditerranée n'est pas un foyer de civilisation pour rien. Une mer entre terres, entre trois continents, entre plusieurs types de sociétés, entre plusieurs types de croyances. Le dialogue entre les cultures passe par l'art ».

La déclaration de Strasbourg adoptée à l'issue de ces rencontres passionnantes doit trouver des applications pratiques, au-delà des clivages politiques et des barrières geo-politiques. Elle confirme aussi que la démocratie est l'affaire de tous et que les rendez-vous sur la démocratie que Strasbourg   peut et doit organiser et développer seront  pluridisciplinaires ou ne seront pas.

Voilà en tous les cas des chantiers pour le futur qui devraient mobiliser énergies et imaginations. A Strasbourg, dans l'Eurodistrict, dans la Région et ailleurs. Il est une Europe qui n'est pas en panne : c'est celle des réseaux.

Daniel RIOT

 REFERENCE

La Déclaration de  Strasbourg sur l'Artivisme

et la fondation du Parlement culturel méditerranéen

À l'issue de la rencontre Dialogue interculturel : utopies et situations, le 25 juin 2008, les présents réunis à Strasbourg autour de la Table de la Méditerranée de Michelangelo Pistoletto, déclarent :

L'art dans toutes ses formes est la plus haute expression de l'humanité, et la créativité propre de chaque individu.

Dans un monde déchiré par des conflits, des crises sociales et écologiques, et se perdant dans des intégrismes, nous, artistes et acteurs culturels, affirmons que l'art est source d'un nouvel humanisme, qu'il est générateur d'attitudes responsables dans l'ensemble des activités humaines, et qu'il nous conduit à un engagement que nous nommons ARTIVISME.

La Méditerranée - miroir où se reflètent trois continents, Afrique, Asie, Europe, et une myriade de cultures - est un lieu où se concentrent les enjeux majeurs de notre temps, et d'où peuvent naître les solutions d'un avenir partagé.

Notre mobilisation est significative d'une urgence à agir. La création d'un  Parlement culturel méditerranéen manifeste notre détermination à fonder un espace de rencontres qui soit aussi un outil d'actions communes.

À cette fin, le Parlement culturel méditerranéen rassemble des individus libres et responsables, présents sur tout le territoire, autant par des micro-actions que par des programmes d'envergure.

Le Parlement propose, à tous ceux qui souhaitent le rejoindre, un cadre d'intervention souple, autonome, ouvert, afin de favoriser une mise en commun des expériences, faire germer les initiatives, produire et partager des œuvres.

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