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Ameth Guissé : La révolte des infortunés

Par Gangoueus @lareus

Source photo Ameth Guisse
Je suis un lecteur. Aussi, j’aime vous expliquer le contexte avec lequel j’aborde certains livres, mieux certains auteurs. J’ai rencontré Abdoulaye Diallo au salon international du livre d’Alger. Un homme engageant en charge des éditions L’Harmattan Sénégal. Et je mesure combien ces rencontres sont importantes car elles peuvent déconstruire certaines certitudes enracinées. Parmi les auteurs que cet éditeur m’a recommandés, il y a Ameth Guissé.
L’homme a un profil particulier. Acteur de l’industrie au Sénégal, il voue une passion certaine pour la littérature et l’écriture. Autant dire que notre homme est comblé. C’est un luxe tellement rare de pouvoir nourrir un hobby dans une société ayant tant de contraintes sociales. La révolte des infortunés n’est pas le meilleur de ses romans d’après ce que j’ai compris, mais du coup, cela me donne de bonnes raisons pour aborder ses précédents textes.

Chronique d’une révolte sociale

Monpayis est un état qui pourrait ressembler au Sénégal. Une fracture sociale comme celle qu’on pourrait entrevoir entre Les Almadies et Pikine ou la Médina, ces quartiers de Dakar. La révolte gronde. Le principal motif de cette grogne est la mauvaise répartition de l’énergie, de l’électricité. Ce sujet m’interpelle tout de suite. Un cercle de personnes bien-pensantes et aux manettes du pays se réunit dans un lieu consacré. On les entend discourir. Ils sont dans le fond assez progressistes. Cependant la rue est aux mains d’activistes venant des quartiers populaires qui réclament plus d’électricité, des factures moins importantes. Digression : Quand, j’étais à Dakar l’été dernier, il m’est arrivé d’échanger avec le vigile de mon auberge. Parmi les bienfaits qu’il m’était sur le compte de Macky Sall, il y avait la baisse du coût de l’électricité. Je ne sais pas s’il était très objectif, mais son portefeuille lui était plutôt heureux, chaque mois il économisait 10000 FCFA. En observant, les acteurs de la société civile sénégalaise venant souvent de la scène hip-hop (après avoir vu le film de Rama Thiaw), j'ai pu constater que des revendications qui pourraient paraître simples comme l’accès à l’eau potable ou l'électricité étaient au cœur de leur rap en wolof. Celui qui croit en la démocratie, éveille les consciences, forme la société civile.

Un pays à l’heure des grands rendez-vous

En lisant donc ce roman, je me retrouve plongé dans une atmosphère révolutionnaire qui pourrait laisser penser à la chute de Wade. Le contexte est néanmoins différent. Ce qui est intéressant, c’est que je réalise que très peu de romans écrits sur l’Afrique subsaharienne mettent en scène la démarche insurrectionnelle qu’on retrouve sous la plume de Guissé. Avec de bonnesraisons en plus. Car l’enjeu n’est pas dégagé un homme mais de remettre en cause un système. Ces acteurs de la société civile ne veulent pas prendre le pouvoir mais exercer une sorte de vigie sur celles et ceux qui exercent le pouvoir. Ces postures ressemblent à celles du Keurgui Crew pour ne citer que ce groupe de rap, dont ses leaders Kilefeu et Thiat sont allés soutenir le Balai citoyen à Ouagadougou ouencore se sont faits expulser de Kinshasa il y a quelques années. Vous comprenez que je retrouve une atmosphère que j’avais apprécié lors de mon séjour à Dakar.

Ressources énergétiques, le débat : quelle redistribution ?

Guissé va plus loin. Il pose la question des nouvelles ressources énergétiques découvertes au Sénégal. Et j’avoue que c’est particulièrement bluffant. Car si la question de la gestion du pétrole est posée publiquement et de manière relativement ouverte au Sénégal, si des jeunes acteurs de la société civile comme Fary Ndao et bien d’autres réclament une certaine transparence avec la question sous-jacente de la redistribution des richesses, la pression sociale que la foule met sur les décideurs est une piste stimulante. Ameth Guissé est un acteur qui sait de quoi il parle. Pourtant, son roman ne fait pas dans la béatitude et la naïveté. Quand on en est encore dans nombre de romans portant les questions de révolte sociale touchant d’autres pays africains, a jeté la pierre sur un individu, fut-il le plus horrible dictateur, je me dis qu’il y a là des clés intéressantes à découvrir.

Une écriture simple pour un auditoire large

Cela étant dit, si La révolte des infortunés se lit bien, avec des aspects relationnels importants, on a quelque peu le sentiment a voulu faire de ce roman une œuvre accessible. On sent les références qui empruntent aux classiques de la littérature française comme Hugo, dont les clins d’œil sont identifiables dans ce roman d’Ameth Guissé. J’ai le sentiment que c’est un choix de l’auteur après avoir jeté un œil sur son roman précédent. L’amour a une place dans ces mouvements insurrectionnels, je vous laisse découvrir sous quelle forme. Quelle est l'issue à ce mouvement, je vous laisse le découvrir. Mais on découvre que les progressistes deviennent trop conservateurs quand ils pensent qu'une parcelle de leur pouvoir menacée
Ameth Guissé : La révolte des infortunés
Je termine cet article par un clin d'oeil à Narriman Sadouni pour l'esprit Panaf qu'elle a animé et les belles rencontres que j'ai faites à cette occasion à Alger.
Ameth Guissé, La révolte des infortunés
Editions L'Harmattan Sénégal, première parution en 2017, 146 pages

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