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Philippe Pasqua à Chamarande : la mort en ce jardin

Publié le 28 juin 2018 par Pantalaskas @chapeau_noir
Philippe Pasqua à Chamarande : la mort en ce jardin

« Face off » Philippe Pasqua

« Alllegoria »

Le monde selon Philippe Pasqua est habité de fantômes parmi lesquels figurent quelques peintres. Francis Bacon, notamment, fait partie de ce panthéon. Son univers est chargé de tensions que ne renieraient pas, je pense, un Vladimir Velickovic dont les soleils noirs suggèrent cette proximité. Son exposition « Alllegoria » au Domaine de Chamarande dans l’Essonne conforte cette impression lancinante. Contraste saisissant entre le magnifique domaine de verdure, ensoleillé et invitant à la communion vitale avec la nature et les œuvres coup de poing de l’artiste. Le monde de Philippe Pasqua est composé de personnages traversés par les conflits, les troubles. Dans cette peinture à fleur de peau, les masques tombent. Plus encore c’est la chair qui surgit comme ultime vecteur de l’expression. Dans cette humanité peuplée d’êtres humains à la marge, travestis, prostituées, trisomiques, le noir et le blanc ne cèdent que rarement la place aux tentatives timides de la couleur. Les portraits géants qui occupent totalement les murs de l’Orangerie de Chamarande toisent le visiteur quelque peu écrasé par ces toiles hors normes.
Dans le somptueux parc du domaine, les sculptures de Philippe Pasqua affirment une présence tragique. Car dans ce jardin où la vie est omniprésente, la mort occupe avec l’artiste une place privilégiée. Sous ces visages déchiquetés, les crânes surgissent, obsédants dans cette œuvre où le combat entre la vie et la mort reste incertain.

« Borderline »

Avec « Who could be squired ? » de 2016, le requin prédateur, devenu lui-même victime de l’homme prédateur, se transforme, avec ce cadavre exhibé sur une potence, en une pièce rutilante, objet au fini parfait à la manière d’un Koons. Ce n’est pas le moindre de paradoxe de voir cette image de mort magnifiée par un inox brillant, reflétant, sous le soleil de Chamarande, la vie de cette végétation luxuriante.
C’est avec le musée océanographique de Monaco que Philippe Pasqua a confronté son art avec les questions relatives à l’avenir du vivant dans l’univers marin. Son exposition « Borderline » évoquait ce qui se joue sous la surface de l’océan : surexploitation des ressources, pollution…

Philippe Pasqua à Chamarande : la mort en ce jardin

Who could be scared ? Philippe Pasqua

Une autre pièce présente à Monaco figure dans l’exposition de Chamarande : « Le chant des méduses » interpelle sur la destinée de cette espèce marine. Loin de disparaître, les méduses prolifèrent et, entre vie et mort, nous laissent devant ce paradoxe. Philippe Pasqua nous  place alors en équilibre dans cette situation instable et dérangeante où la vie et la mort, indissociables, sont les composantes de notre destinée. Sous ce visage harmonieux, l’image macabre ressurgit avec un crane noir pourtant essentiel à la vie.
Toujours dans les jardins du domaine de Chamarande, à proximité de l’orangerie, une autre pièce monumentale, propose avec un assemblage de pièces de bois, un autre crane noir, obsessionnel, assailli de papillons noirs, prolongeant cette série obsédante. Déjà en 2009, les cranes en marbre de Carrare jalonnaient le parcours de l’artiste.
Les animaux naturalisés, telle cette autruche présente dans le château, participent à ce jeu d’équilibre entre vie et mort.
« L’Exubérance est Beauté » écrivait un autre peintre : William Blake. A Chamarande, l’exubérance de cette nature prolifique se voit opposée à celle, tragique, d’un artiste « Borderline », dont le rapport à la vie et à la mort nourrit, œuvre après œuvre, une création dérangeante.

Photos de l’auteur

Philippe Pasqua « Allegoria »

31 mai – 30 décembre 2018
Domaine départemental de Chamarande
91730 Chamarande


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