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Mémoires normandes, mémoires cévenoles...

Par Gangoueus @lareus

Photo - Gangoueus
J’ai pris quelques week-ends cette année avec ma belle. Nous avons pris notre bolide et nous avons profité du pays. Les plages de Normandie et L’Occitanie, en particulier les Cévennes. Les deux extrêmes pour qui connait la géographie de France. On peut critiquer comme on veut la France, mais il y a une réalité incontestable, c’est que ce pays est magnifique. Et ce qui fait la beauté de la France, c’est avant tout la variété des paysages. Plaines, vallons, falaises, plages en Normandie, ténébreux, arborés, montagneux dans le massif cévenol dans les environs d’Alès ou Nîmes. Sans parler des villages clairsemés, des bourgs calmes qu’on traverse loin du tumulte parisien.

Une mémoire anglaise en Normandie

On s’est fait plaisir à Luc/Mer. En Normandie. Je savais qu’on n’était pas loin des plages du débarquement, mais je ne pensais pas que le poids de l’histoire allait être aussi pesant et présent soixante-dix ans après la victoire des alliés. Quand on roule dans la nuit de la Basse-Normandie, on traverse ces petites bourgades et on est surpris de voir autant de symboles de cette guerre si lointaine aujourd’hui. Tanks. Statues. Plaques commémoratives. Musées. Beaucoup de musées. Chacun de ces bourgs possède son musée avec une spécificité relative à un ou plusieurs épisodes douloureux de l'Histoire. Ainsi, le dimanche matin, nous sommes allés au musée du débarquement d’Arromanches. Et il faut dire que la mémoire du génie militaire anglais y est parfaitement entretenue. Winston Churchill a commencé la préparation du débarquement des troupes alliés dès 1941. Et il est vrai qu’on parle souvent du D-Day, qu’on a grandi avec les grands films sur le débarquement, une de ces grandes boucheries du siècle dernier, mais quand le quidam visite ce musée, il est estomaqué par la prouesse technique de ce port mobile conçu pour favoriser ce débarquement de matériels, d’armes, de véhicules de toutes sortes et surtout énormément de troupes militaires. Il faut rappeler qu'on a compté jusqu’à près d’un million d’hommes basés en Grande Bretagne préparant cette prise des côtes françaises.

Une mémoire américaine en Normandie


Tout cela est documenté et je n’ai pas la prétention de faire un cours d’histoire. Nous sommes allés dans le même état d'esprit à la découverte du cimetière américain de Colleville sur Mer où reposent 9357 soldats morts au combat. Là encore, il est difficile de ne pas être bluffé par l’entretien de la mémoire et les moyens que l’on place dans ces symboles. Je crois qu’il y a près plus de 5 mille corps qui reposent là-bas dans ce cadre magnifique. Là, encore, un espace d’exposition expliquant les grandes batailles, les actes de bravoure des soldats américains, le sang versé pour la liberté de beaucoup. Avec l’idée de rappeler : « On a fait cela pour vous ». Je ne peux m’empêcher de penser à mon arrière-grand-père Ouabonzi qui a combattu pendant la première guerre mondiale. Je ne pouvais m’empêcher de me dire que les américains ont imposé cette représentation. Car, quelle trace a-t-on aujourd’hui des grandes batailles des troupes coloniales africaines de la première guerre mondiale, de celles qui ont traversé le Sahara pendant la seconde guerre mondiale ? Quelle trace a-t-on du débarquement au Sud de Provence avec là encore des troupes venues dans anciennes colonies. Cette mémoire s’impose par le rapport de force ou par la folie, l’acharnement de certains témoins de ces combats comme celui de cet officier N’Tchoréré venu du Gabon qui résista avec ses hommes brillamment quelque part dans l’Artois contre les troupes allemandes en 1940… Ces symboles de victoire que certains minimisent ont une importance essentielle dans la construction des individus. On ne peut pas penser à l’actualité en ignorant ces symboles.
Peut-être suis-je conditionné par cette sur-représentation du mémoriel au National Mall de Washington que j'ai évoquée dans un autre article. Mais quand, on observe tous ces américains, ces anglais qui visitent ces lieux de mémoire, qui parlent de courage d’abnégation, rarement de lâcheté, on se dit, mais quelles sont les lieux qui parlent respectueusement des mémoires de ces combattants venus d’Afrique en France et sur le continent Africain ?

Musée du Désert : Mémoire protestante dans les Cévennes

Photo - Gangoueus
Il faut cependant relativiser. L’histoire est racontée par les vainqueurs. Je prendrai pour exemple du Musée du Désert complètement perdu sur les hauteurs des petites Cévennes. Le positionnement géographique traduit une marginalisation continue dans le temps de la mémoire des camisards. Je vous parlais de beauté en introduction de mon propos. Oui, c’est une partie de plaisir que de s’enfoncer dans ces routes sinueuses dans le Gard. Ici, on est dans l’entretien d’un souvenir qui ne fait pas vraiment partie du roman national français. Étudiant à Montpellier, évangélique professant, j’ai pendant mes trois années dans cette ville été bercées par les histoires de camisards et de résistances cévenoles après la révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV. On m’avait parlé de ce musée, mais je n’avais pas eu l’opportunité de le visiter à l’époque. Pourquoi « Désert » ? Je ne m’étais jamais posé la question. Le guide du musée a pris le soin de nous rappeler le contexte, le sens du mot désert. C'est une période pas forcément longue dans l’histoire de France. Une cinquantaine d’années… Mais hautement symbolique. Ces années suivent la révocation de l'édit de Nantes et toutes les conséquences pour les protestants professant en France. Les Cévennes ont été un haut lieu de cette résistance en raison de la densité des protestants dans cette région montagneuse. Le lieu du musée fut un espace marqué avec des cachettes dans la demeure. C’est aussi l’époque de grands rassemblements clandestins dans des lieux isolés, d’anciennes carrières pour ne pas être surpris par les troupes de Louis XIV puis celles de Louis XV. Des pasteurs pendus, des abjurations de foi pour pouvoir exercer certains métiers importants, les fameuses galères où étaient envoyés les professants. Un écosystème nocif que seule la Révolution française déconstruira en grande partie.
Vous aurez compris qu’il ne faut pas confondre le Désert avec les guerres de Religions du 16èmesiècle et du début du 17ème siècle. Les camisards, ces milices cévenoles, ont été matés violemment et rapidement en moins de 10 ans. Mais la mémoire est restée. J’ai constaté qu’il y avait du monde à ce musée en ce long week-end du 1er mai. Des cars qui venaient de Suisse, des individus qui faisaient des recherches généalogiques et beaucoup de documentation sur cette histoire de France mal connue. Je vous commenterai quelques bandes dessinées ou ouvrages que nous avons ramenés des Cévennes. Une expédition que je recommande si vous passez du côté de Nîmes, d’Alès ou Uzès.

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