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Robinson Jeffers – Écrit pour une pierre tombale

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

Robinson Jeffers – Écrit pour une pierre tombaleJe ne suis pas mort ; je suis seulement devenu inhumain,
C’est-à-dire
Que je me suis dépouillé des orgueils et des faiblesses risibles,
Non point comme un homme
Se déshabille pour se glisser au lit, mais comme un athlète
Avant la course.
Le délicat écheveau de nerfs par quoi je mesurais,
Certaines conventions
Appelées le bien et le mal, qui me contractait de douleur
Et me dilatait de joie,
Méticuleusement réglé comme un petit électroscope :
Tout cela est fini, il est vrai.
(Il ne me manque jamais, et s’il manque à l’univers,
il est si facile de le remplacer !)
Mais tout le reste en est agrandi, rehaussé, libéré.
J’admirais la beauté.
Quand j’étais humain ; à présent je fais partie de la beauté.
J’erre dans l’air,
Gaz et eau pour une grande part, et je flotte sur l’océan ;
Je vous touche et je touche l’Asie
Au même instant ; j’ai ma main sur les aubes
Et les lueurs de ce gazon.
J’ai laissé le léger précipité des cendres à la terre
En gage d’amour.

*

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I am not dead, I have only become inhuman:
That is to say,
Undressed myself of laughable prides and infirmities,
But not as a man
Undresses to creep into bed, but like an athlete
Stripping for the race.
The delicate ravel of nerves that made me a measurer
Of certain fictions
Called good and evil; that made me contract with pain
And expand with pleasure;
Fussily adjusted like a little electroscope:
That’s gone, it is true;
(I never miss it; if the universe does,
How easily replaced!)
But all the rest is heightened, widened, set free.
I admired the beauty
While I was human, now I am part of the beauty.
I wander in the air,
Being mostly gas and water, and flow in the ocean;
Touch you and Asia
At the same moment; have a hand in the sunrises
And the glow of this grass.
I left the light precipitate of ashes to earth
For a love-token.

***

Robinson Jeffers (1887-1962)Descent to the Dead (1931) – The Selected Poetry of Robinson Jeffers (Stanford University Press, 2002)Anthologie de la poésie américaine

(Stock, 1956) – Traduit de l’anglais (États-Unis) par Alain Bosquet.


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