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Silence, on tourne...

Publié le 08 juillet 2008 par Dje
Ils s’appellent Sigifrido Lopez, Alan Jara, Pablo Moncayo ou encore Carlos Duarte. Je doute que vous en ayez déjà entendu parler, et pour cause vu que personne ne les connaît. Ils sont invisibles aux yeux du monde, comme s’ils n’existaient pas. Invisibles aussi aux yeux de leurs proches, dont la vie s’écoule loin de leur geôle isolée dans la forêt colombienne. Oui, ces hommes sont des prisonniers des Farc, certains depuis maintenant dix ans. Mais en plus de leur malheur, ils n’ont pas la chance de se voir offrir une couverture médiatique par le monde occidental qui décide arbitrairement qui mérite ou non d’être sauvé. Cruelle injustice qui ne trouve aucune justification rationnelle. A l’heure où le monde se réjouit de la libération d’Ingrid Bétancourt, eux continueront à pourrir à petit feu dans la jungle.
On peut ironiser sur le caractère bienvenu de cette libération dans des temps troublés où l’opinion publique est en plein marasme. L’évènement tombe en effet presque aussi bien que l’arrestation grotesque d’Yvan Colonna en 2006. Le fait est que c’est vraiment une bénédiction pour l’otage, pour sa famille, pour les gens qui se sont battus pour elle. Mais ça s’arrête là. Dans une ambiance de récupération politique nauséabonde et de glorification personnelle la plupart du temps injustifiée, chacun se sent concerné, comme habité par la cause défendue par la franco-colombienne. Quelle vaste hypocrisie… Combien d’entre nous se sont vraiment intéressés à l’histoire ? Manipulation journalistique et société du paraître vont de pair, et le bon citoyen modèle suit le courant bien-pensant par peur de passer pour un méchant cynique.
Pourquoi Ingrid Bétancourt a-t-elle été ainsi mise en avant, plus encore que les autres otages ? Je n’ose penser que c’est dû à un sentiment nationaliste revendiquant son sang français. Ainsi, une vie française vaudrait plus que les dizaines de Colombiens encore retenus prisonniers ? Ou alors est-ce à cause de son engagement politique, du fait qu’elle est une femme, ou je ne sais quoi d’autre encore ? Entrer dans de tels débats ne mène à rien, juste à jeter un voile de doutes sur une femme qui à coup sûr n’a pas besoin de ça. Mais qu’elle qu’en soit la raison, il est choquant, ignoble, inhumain de fêter l’arrivée d’Ingrid Bétancourt comme une victoire définitive. Au nom de Sigifrido, Alan, Pablo, Carlos et tous les autres. Et je suis sûr qu’Ingrid est la première à regretter cet état de fait, sur lequel elle n’a malheureusement aucun contrôle.

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