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L’importance de la remise en cause de la pensée « collaborationniste »

Publié le 14 septembre 2018 par Infoguerre

L’importance de la remise en cause de la pensée « collaborationniste »

L’uniformisation des modes de transmission de connaissances, qui s’est développé au cours des dernières décennies sous l’influence du monde anglo-saxon, a produit des effets très pervers. L’alignement de la pensée française sur les critères d’excellence du monde académique américain a généré une sorte de nivellement de la pensée critique. L’INSEAD puis HEC ont été les chefs de file de ce changement de cap. Les universitaires ont suivi en ordre dispersé. Mais le formatage d’esprit a été  notamment finalisé par l’entremise de certaines sections du Conseil National des Universités à l’image de la section 6 ses « sciences de gestion ».

Des responsabilités partagées

Opéré au cours des années 2000,la focalisation sur les critères d’excellence d’outre-Atlantique a contribué à stériliser une partie non négligeable de la recherche académique en sciences humaines. Un audit sur les publications des trente dernières années permettrait de cerner l’ampleur des dégâts. Les défenseurs de la mineure géopolitique d’HEC avaient en leur temps souligné le risque de ce type d’alignement. La mondialisation vue et souhaitée par Washington ne correspond pas avec le monde actuel. La Chine ne s’est pas faîte absorbée par l’Occident. Le régime communiste chinois a subverti le modèle capitaliste à son profit. Et les Etats-Unis sont aujourd’hui obligés de reconnaître que leur approche à court terme du « nouvel eldorado » est un échec. Il continue à exister aux Etats-Unis des forces économiques financières et marchandes qui misent sur cette vision erronée du monde. Mais l’actualité des rapports de force géoéconomiques contredit régulièrement cet ancrage aux certitudes passées. Pour l’instant, le Titanic de la pensée dominante enseignée dans les écoles de management continue à voguer sans état d’âme particulier vers l’iceberg. Il en va de même avec la pensée sur le multilatéralisme à laquelle s’accroche désespérément une certain élite française. La peur d’un éventuel changement de cap (déjà amorcé par l’actuel Président Donald Trump) les amène à s’enfermer dans l’inertie. La direction du Trésor du Ministère de l’Economie et des Finances en est un illustre exemple. Il ne faut surtout pas prendre une décision qui amènerait les Etats-Unis à tourner le dos à l’Organisation Mondiale du Commerce comme ils le font depuis peu avec la Cour Pénale Internationale.

La nécessité d’aller à contre courant

Il existe heureusement des pôles de résistance cognitive qui ont décidé de ne pas choisir l’aveuglement par opportunisme carriériste. La mort du multilatéralisme doit nous inciter à nous pencher sur les grilles de lecture qui ont intégré depuis longtemps ce changement de paradigme. La nouvelle réalité du monde est pourtant simple à entrevoir : la confrontation entre les Etats-Unis et la Chine oblige l’Europe à faire face à une situation inédite. Aucun de ces deux pays n’a intérêt à voir l’émergence d’une Europe politique forte et autonome dans ses choix géoéconomiques. Les centres de décision de Washington ont tout intérêt à renforcer  leur emprise sur l’Union Européenne tout en l’obligeant à céder sur le maximum de dossier d’ordre stratégique. La faiblesse des dirigeants européens les incite d’autant plus à le faire. De leur côté, les dirigeants chinois cherchent à exploiter les tensions entre les Etats-Unis et l’Union Européenne pour se ménager le maximum de marges de manœuvre. Sans unité politique et doctrine de puissance, Bruxelles en est réduit à faire semblant d’exister alors que paradoxalement l’Europe représente un potentiel industriel et commercial tout-à-fait capable de rivaliser avec ces nouveaux blocs économiques qu sont le monde américain et asiatique. La tendance « collaborationniste » qui prévaut dans de nombreux cercles dirigeants français ne vit que dans la gestion des aléas du court terme est s’avère totalement incapable de positionner la France et encore moins l’Europe dans une approche des rapports de force de long terme. Ce cul de sac est très dangereux. N’en déplaisent aux défenseurs du système et du statu quo, le fait de repousser les décisions courageuses derrière le rideau de fumée de la pensée du « en même temps » aboutira à l’exacerbation de toutes les contradictions. Les Etats-Unis jouent déjà sur plusieurs tableaux : le renforcement de la soumission de l’Europe à leur volonté de puissance. Pour ce faire, ils se battent sur plusieurs fronts. Le monde de la finance leur sert de guide pour continuer à donner le tempo à l’économie pseudo mondiale, mais déjà fracturée en blocs. La défense d’une certaine idée de l’Europe leur sert de garde fou en imposant sa dépendance militaire par le biais de l’OTAN et en la soumettant aux choix stratégiques de la puissance américaine (cf. le diktat par rapport à l’Iran). Les Etats-Unis sont aussi à la manœuvre pour contrecarrer les stratégies d’influence russe sur les droites nationalistes de certains pays du vieux continent. Il ne s’agit pas seulement de Steve Bannon mais de personnages plus discrets qui essaient d’approcher des entités françaises non « contaminées » par les Russes.

Que faire dans un tel imbroglio ?

La première des urgences est de combattre la pensée « collaborationniste » dominante du système,  à Paris comme à Bruxelles. Pour éviter de sombrer dans les erreurs du passé, il est urgent d’extraire notre modèle éducatif du suivisme dans lequel celui-ci s’est installé depuis des décennies de l’étranger. Dans le même ordre d ‘idées, il devient vital d’apprendre à repenser par ses propres moyens, et en accordant une attention toute particulière au moyen et long terme. Ce long travail de reconstruction doit se faire sans l’aide des émissaires de Donald Trump ou de Vladimir Poutine. L’un des problèmes récurrents actuels de l’enseignement supérieur dans notre pays mais aussi chez nos voisins,  est le déficit de connaissances des étudiants en raison de leur faible niveau d’acquisition des connaissances par la lecture mais aussi et surtout de leur manque de repères pour comprendre l’évolution des situations. Ce décrochage cognitif n’est pas sans conséquences. Les étudiants lorsqu’ils rentrent dans la vie active reproduisent des schémas de pensée simplifiés qui ne correspondent plus à la réalité. Leur apport est donc limité à un usage plus ou moins performant des technologies de l’information en temps réel et à un certain sens de l’adaptation. Mais ces qualités sont insuffisantes pour répondre aux nouveaux besoins de grille de lecture des différentes parties prenantes de l’avenir de la France et de l’Europe.

Christian Harbulot

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