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« Le spectre d’Atacama » livre récent de l’académicien médaillé Fields Alain CONNES. Editions Odile JACOB

Publié le 14 octobre 2018 par Olivier Leguay

Abracadabrantesque, ce roman de science-fiction qui vise à donner une réponse définitive à l’éternelle question « Sommes-nous seuls dans l’Univers ?»  Et c’est NON, of course !

Trois personnages hauts en couleurs y frétillent énergiquement :

  • Charlotte DAMPIERRE, intrépide physicienne du CERN (Genève) lancée dans une périlleuse expérimentation d’immersion dans un des détecteurs du LHC (Large Hadron Collider, 27 km), soumise à un flux hyperénergétique de protons en vue d’obtenir, entre autres, une cartographie de son réseau de neurones cérébral ; mais elle y tombe dans un coma profond, plongée mentalement dans un « espace hibertien » constitué d’opérateurs, chacun avec son spectre propre…
  • Ali RAVI, son collègue du CERN dont il est chef informaticien , il sauve Charlotte grâce à une implantation d’un microprocesseur dans son cerveau, à l’aide d’un ordinateur désormais couplé à « une transhumaine passée par le quantique » …
  • Armand LAFFORET (oui, avec 2 F) mathématicien de l’IHES (Le Bois Marie, Bures sur Yvette) spécialiste de l’analyse spectrale sous toutes ses formes, ami de Charlotte et de Rodrigo un astrophysicien chilien à l’ALMA (Atacama Large Millimeter Array) le radiotélescope le plus puissant du monde (66 éléments, 1 milliard de dollars) implanté à plus de 5000 mètres d’altitude dans un milieu désertique où il ne pleut que 2 ou 3 fois par siècle…

L’expérience extrême de Charlotte a généré un flux de neutrons si intense qu’il a alerté un bolide   cosmique sphérique de 100 mètres de diamètre, non issu de notre Planète, qui croise à 4000 km/sec, en se dirigeant vers notre système solaire. Il émet des spectres si singuliers, captés par l’ALMA, que Rodrigo fait appel à Armand pour les analyser ; ils décident d’envoyer des tests de Turing à la sphère, la réponse est époustouflante, elle fait intervenir la correspondance bien connue depuis Riemann entre les nombres premiers et les zéros non triviaux de la fameuse fonction « dzéta » , témoignant ainsi d’une intelligence extraterrestre irréfutable.

Au passage, ce roman a le mérite d’initier le « grand public » à des concepts et des faits scientifiques variés, exotiques parfois. En vrac :

- l’importance fondamentale de la notion de spectre, continu ou pas.

- la correspondance naturelle entre « formes » et « spectres de fréquences » qui  génère la « musique des formes »

- les « suites spectrales », outils cohomologiques féconds, ont été découvertes par Jean LERAY, à l’époque où il était prisonnier des Allemands (1940)

- c’est un trio d’Indiens qui   en 2014, a démontré ce résultat: le temps de calcul pour déterminer la primalité d’un nombre est polynômial,  majoré par la puissance 8 du nombre de ses chiffres.

- la fréquence du ronronnement du chat est de 24 Hz

- la nécessité d’utiliser un ordinateur quantique, non encore au point actuellement, pour effectuer la factorisation d’un nombre composé en temps polynomial

- l’existence d’une « spooky action at distance » qui va dix mille fois plus vite que la lumière sans contredire le fameux principe d’EINSTEIN car il n’y a pas   transfert d’information

- l’existence d’un code LINCOS établi par le mathématicien hollandais Hans FREUDENTHAL (*) en 1960, destiné à assurer la communication avec les extraterrestres

- il est possible de saisir l’émergence du temps à partir de l’aléa du quantique (comprenne qui pourra)

-  etc

Avant de quitter  notre système solaire, le bolide cosmique émet un dernier message dont le décodage semble signifier ceci : « save your souls » à savoir « prenez garde au machine learning, concentrez-vous sur les concepts !

A vrai dire, certains passages de ce roman sont si invraisemblables qu’on en vient à se demander si l’illustre académicien Alain CONNES n’a pas quelque peu …déconné !

On glane aussi quelques passages poétiques   où l’on magnifie le soleil « dont les rayons impatients peignent le monde ». Et, pour finir dans l’allégresse, la danse frénétique de Charlotte sur le couplet cosmique suivant :

J’embrasserai les visiteurs voyageant depuis Bételgeuse

J’accueillerai la légion en provenance d’Orion

S’ils viennent d’autres galaxies, nous parlerons de biologie

Avec ceux venant du Verseau, nous danserons un boléro

Avec ceux des zones mythiques, nous ferons des mathématiques…

Bravo Charlotte !

(*) Ma thèse de 3* cycle en maths est basée sur 2 articles de Hans FREUDENTHAL.

Edith Kosmaneck


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