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Amir Or – Le bureau

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

Amir Or – Le bureauJe ne suis pas dans le bon monde. Non.
Tout n’est qu’yeux – les gens, les murs – même fermés
ils sont étrangers, fixés
sur mon visage étranger.
Sous une lumière de souffre
la lampe de lecture rugit
sur les pages qui sombrent dans le bureau ;
une joue frémit, fermente sous l’oeil ;
dans le cendrier, os et cendres éparpillés.

Le mouvement traître de ce stylo
qui écorche la ville
fuit en biais
comme un crabe
et continue de plus belle, entaille le monde avec
jouissance
jusqu’aux marges de la page
et maintenant plus loin encore –
il aurait mieux fait de ne pas naître, de naître mort.

Je répare ce que je peux. Oui, ça fera mal.
Ne regarde pas, ne touche pas
les points de suture ; avance
entre les lignes. Là se trouve le bon poème.

*

Plate 15: The Desk

I’m not in the right world. No.
Everything’s eyes the people, the walls
even when they’re closed they’re alien staring
at my alien face that’s lit
with a sulphur light incapable of healing.
The reading lamp’s barking
at the pages sinking into the desk,
a cheek’s twitching, fermenting under the eye,
the ashtray scattered with bones and ashes.
This treacherous pen’s movement
that scratches the city
sideways
like a crab
and goes on delightedly
cutting into the world
up to the margin of the page
and beyond –
isn’t mine. Should die. Should have never been born.
I’m fixing what I can. Yes, it’s going to hurt.
Don’t look, don’t touch the stitches;
walk on
in between the lines. There you’ll find the right poem.

***

Amir Or (né à Tel Aviv en 1956)Dédale

(MaelstrÖm, 2016) – Traduit de l’hébreu et de l’anglais par Isabelle Dotan – Plates from the Museum of Time and Other Poems (Aark Arts, 2009)


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