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Au Pitchfork Music Festival Paris, de bons concerts sans prise de risque

Publié le 13 novembre 2018 par Efflorescenceculturelle
Au Pitchfork Music Festival Paris, de bons concerts sans prise de risque

Après avoir martelé le paysage parisien à grands coups d'affiches dans le métro, encarts dans la presse et autres flyers, le Pitchfork Music Festival de Paris, édition française des concerts à la sauce du média américain, s'est tenu le week-end dernier dans la grande halle de la Villette. Un rendez-vous aussi attendu que décrié - la mauvaise réputation du public n'est plus à faire -, qui avait au moins le mérite d'afficher une programmation alléchante, ce même après avoir du essuyer les annulations successives de Fever Ray et SOPHIE, marquant tout de même l'unique venue en France cette de année de The Voidz et Blood Orange.

Après deux jours d'avant-garde, avec les prestations remarquées de Let's Eat Grandma, Apollo Noir et JPEGMAFIA, garants de la dimension tremplin - pas très risqué - de Pitchfork, dans différentes salles parisiennes, la grande halle de la Villette a ouvert ses portes le 1er novembre pour une première soirée convaincante. Pourtant, son concert d'ouverture, celui de New Optimism n'a pas convaincu : la version live du projet expérimental / hip-hop de Miho Hatori, déjà aperçue aux côtés de Beck ou Gorillaz, était glaçant. Camouflée derrière sa parka et son booth, l'artiste a livré un set rigide face à un public amorphe, de quoi décontenancer les premiers venus.

Il a fallu attendre l'arrivée de Yellow Days pour que le Pitchfork fasse ses preuves. À 18 ans, le crooner anglais venu défendre son premier album Is Everything Okay In Your World?, paru il y a tout juste un an, a livré une honnête prestation, aux qualités scéniques et musicales indéniables. Un concert calme, à l'image de la prestation d'un Mac DeMarco en petite forme à la fin de la soirée, ce dont le live n'a pas pâti, soutenu par une setlist efficace - sans surprises, Ode to Viceroy, Cooking Up Something Good et Salad Days étaient au programme. De quoi décevoir les plus nostalgiques d'une époque où les concerts du Canadien faisaient parler d'eux pour le niveau d'ébriété du chanteur. Pour autant, le comportement plus calme de DeMarco prouve qu'il n'est pas que la caution fantasque des festivals, et, à l'image du très mélancolique This Old Dog, que sa musique ne se cantonne pas qu'à de tranquilles ballades.

Un inattendu pari donc, risqué et réussi, qu'on attendait plutôt sur la prestation de The Voidz. De la même manière, la formation " steampunk-redneck-goth rock " de Julian Casablancas ne déçoit pas : les tubes épileptiques les plus violents du groupe ( M.utually A.ssured D.estruction, Where No Eagles Fly ou Pyramid of Bones) côtoient les chansons plus " strokesques " du dernier album ( Leave It In My Dreams, AlieNNatioN et Permanent High School). Une recette qui marche, concoctée par un Casablancas en forme, se plaignant du faible niveau de son de la salle avec un piquant " You're a music blog and you don't know how to run a music festival " balancé sur scène, avant d'ironiser sur le système de notation de Pitchfork, face à un public secoué par de gentils moshs.

Un vendredi en grande pompe

Lors du concert de The Voidz, les " Juliaaaaan " fusaient dans la foule, comme pour tenter de ramener à la vie le charismatique icône des Strokes, dont Casablancas était le leader, en espérant vainement que celui qui a redonné un coup de jeune au rock dans les années 2000 gratifierait le public d'une reprise d'un de ses anciens morceaux. Il n'en a bien sûr rien été, l'espoir d'une renaissance des Strokes tenant aujourd'hui plus de la rumeur de fan que de la potentialité. Pourtant, les plus nostalgiques ont pu retrouver ce qui faisait le charme de la formation américaine le lendemain, lors du concert de Car Seat Headrest. Déjà, avec la voix du chanteur Will Toledo, à mi-chemin entre celle de Julian Casablancas et de Mark Oliver Everett (chanteur de Eels), mais également avec l'énergie débordante du groupe venu présenter sa version 2018 de Twin Fantasy, nouvelle édition de son premier album et huitième production depuis 2011.

Une prestation à la très efficace simplicité, chaque musicien faisant preuve d'un professionnalisme à toute épreuve, au final dantesque avec la superbe Beach Life-In-Death. En face, Bagarre n'a pas su convaincre : la formation française a livré un show creux à souhait. La faute à des musiciens peut-être trop ambitieux, dont la musique n'a pas su faire rentrer le public dans la transe attendue. Sur scène, les - audacieuses, on ne leur enlèvera pas ça - insultes à l'encontre de la foule, le pétage de guitare et les demandes de moshs n'y font rien : la sauce ne prend pas, et le groupe termine son live sur une impression très amère.

La très attendue prestation de Blood Orange parvient sans difficulté à relever le niveau en fin de soirée : directement, l'alchimie se fait entre le r&b engagé de Devonté Hynes et la foule. Fort d'une setlist en béton armé, le concert, que les magnifiques Saint, Augustine, Best To You et Charcoal Baby amènent au niveau de l'excellence, bénéficie de musiciens tous plus juste les uns que les autres. Mention spéciale aux inoubliables vocalises des chœurs, à tomber par terre.

Bien vite, la soirée se termine sur le set de Kaytranada, classique et efficace, mais à l'apparence insipide après une telle claque.

Samedi, l'inoubliable closing

Pour le dernier jour, Unknown Mortal Orchestra et Bon Iver partageaient la tête d'affiche. Après la prestation de Snail Mail, qui a su défendre avec brio un debut prometteur, la formation néo-zélandaise a pris possession de la scène pour un show maîtrisé de bout en bout. Avec les tubes de Sex & Food ( Ministry of Alienation, Hunnybee ou American Guilt), interprétés avec la maestria qu'on connaît à Ruban Nielson, la casquette toujours vissée sur le crâne, Unknown Mortal Orchestra a livré un concert très efficace, mais dont on regrette le manque d'audace : le groupe n'a pas joué de morceaux de son tout dernier album IC-01 Hanoi, uniquement composé d'instrumentales n'ayant pas servi sur Sex & Food, dont la présence aurait pu distinguer un peu plus le show.

Puis vint la messe : Bon Iver, formation menée par Justin Vernon, collaborateur de James Blake, qui a livré pendant près d'1h20 un show spectaculaire et onirique. La formation américaine a gratifié le public d'une puissante prestation, reprenant son imparable discographie, de la folk crève-cœur de For Emma, Forever Ago (malheureusement seule Creature Fear), aux chaleureuses expérimentations de 22, A Million ( 715 - CREEKS, 33 "GOD", 29 #Strafford APTS et 22 (OVER S∞∞N) en apothéose), en passant par les productions plus rock, sublimées par des envolées instrumentales en live, du deuxième album( Perth, Minnesota, WI ou Calgary). Les moins connaisseurs auront reconnu Woods, reprise par Kanye West en 2010 sur l'épique Lost In The World, résumant à elle seule la puissance du concert : Justin Vernon, en solitaire, avec pour seul instrument son micro auto-tuné, captive de sa voix le public de la grande halle de la Villette. Un concert magnifié par une scénographie parfaite - mention spéciale aux incroyables jeux de lumières -, ajoutant à l'atmosphère planante qui faisait voyager la foule.

Peut-être le dernier évènement notable du festival, avant le passage de têtes sûres pour le closing (Jeremy Underground, DJ Koze, Daniel Avery).


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