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Tout pour comprendre le média planning

Publié le 21 novembre 2018 par Fmariet
Tout pour comprendre le média planning
Jean-François Canguilhem, Marie-Pierre Cueff, Média Planning. Fondements conceptuels et métodologiques, Paris, Editions TECHNIP, 424 p. Bibliogr. (française exclusivement), Index (rerum). 45 €
Table des matières précise (12 pages) pour s'orienter dans l'ouvrage, compense la modicité de l'index.
Média Planning, drôles de mots. Surannés à l'époque des mots clés et des influenceurs, d'Amazon et de YouTube ?
Pas sûr, à voir, en tout cas.
Mais venons-en tout de suite au sous-titre de l'ouvrage qui évoque les fondements conceptuels et méthodologiques : enfin ! Car si le marché compte nombre de bons praticiens du média planning, plus rares sont ceux qui savent en analyser et critiquer les concepts de base et les méthodologies. Et résister avec prudence et lucidité aux dérapages récents du marché publicitaire, qu'il s'agisse de réseaux sociaux ivres de misplacement et de miscalculations ou d'invisibilité, de fraude avec robots, etc...
Les auteurs sont deux spécialistes français du média planning. Marie-Pierre Cueff est une praticienne confirmée, riche d'une solide expérience de la presse magazine (elle n'en est pas à son premier manuel), Jean-François Canguilhem est un statisticien expérimenté, spécialisé reconnu dans le domaine du média planning et de ses logiciels. Deux pros indiscutables, donc, qui ont osé s'attaquer à un projet redoutable. De plus, la relecture a été confiée à un grand pro du média planning, mathématicien hors pair, Jean-Luc Stélhé. Les lecteurs peuvent être confiants : pas de fake news ici !
L'ouvrage est d'abord un travail d'exposition rigoureux. Cela en fait un outil indispensable aux étudiants, à celles et ceux qui commencent une carrière publicitaire, mais aussi à ceux qui sont entrés dans la carrière depuis quelque temps et osent enfin s'avouer qu'il est temps d'approfondir leurs connaissances, de démêler l'écheveau des notions et concepts, des chemins à parcourir (méthodes) pour répondre aux demandes des clients, annonceurs, régies publicitaires, instituts d'études.
Média planning ? Planification et budgétisation des actions publicitaires, pour un produit, un service, une marque. L'art d'adresser un message (commercial, mais pas nécessairement) aux personnes que l'on veut atteindre (la cible est un terme peu engageant), sous contrainte budgétaire, dans des délais déterminés. L'idéal étant de pouvoir évaluer cette action commerciale. Bien sûr, on admet, généralement sans preuve, que le message ("la créa") est adéquat à ses fins.
Notons que les médias rencontrent bien d'autres problèmes de marketing que publicitaires (abonnement, pay-wall, recommandation, etc.). Symptomatique d'une nouvelle époque, Netflix, premier service pluri-national de vidéo à la demande (SVOD), ne s'encombre pas de données d'audience : cela ne lui servirait de rien. Que peuvent apprendre du média planning des médias sans publicité ? Rien ? Beaucoup, je crois...
Les concepts sont explicités minutieusement, sans raccourcis : contact (et distribution de contacts), couverture, GRP, fréquentation, probabilisation, données manquantes, fusion, distance de voisinage, modélisation. Excellents techniciens - les meilleurs - les auteurs décrivent et analysent le fonctionnement du média planning et ne s'attardent pas (pas assez à mon gout, du moins) sur les limites des notions mobilisées. Normal : pour la deuxième édition  ?
Quelques remarques, en vrac, en marge de ma lecture.
  • La notion de déclaration mériterait un développement. Tant de mesures, qu'il faudrait justement mesurer, reposent sur des déclarations. 
  • La mémorisation, aussi, tellement importante, la mémorabilité (A. Morgensztern). Où l'on retrouve la création publicitaire ou promotionnelle et l'efficacité. 
  • La notion de contact qu'il faut distinguer de l'occasion (de voir, d'entendre). Ainsi, distinguera-on le contact avéré contrôlé par eye tracking ou détection des regards (facial recognition) et le contact probable, déduit des déclarations de passage dans l'environnement d'un support de publicité. Quant à la mesure d'audience de la télévision, elle ne considère que les personnes présentes dans la même pièce que le téléviseur, que celles-ci regardent ou non l'écran (dans la mesure où elles se déclarent présentes à l'aide d'une sorte de télécommande, déclaration assistée). 
  • Ne doit-on pas distinguer voir et regarder, entendre et écouter ? Ainsi pour une affiche dans la rue, un écran dans une vitrine, nous pouvons avoir l'occasion de voir (être passé dans la rue), nous pouvons avoir vu (ou entrevu) et, mieux, avoir regardé (voire lu). Quand la fréquentation de la radio est déclarée, il s'agit sans doute d'écoute, quand elle est détectée (portable people meter), il s'agit seulement d'avoir pu entendre. D'où l'importance d'une définition précise du contact, donnée élémentaire du média planning. 
  • De même qu'un excellent média planning ne peut rien contre un message inadéquat, fût-il mémorable, il ne peut rien contre des données confuses ("garbage in, garbage out"). Tester la création au préalable pour estimer ce que les proctériens ont appelé effective frequency (donc le GRP utile) ? Pourquoi pas...
  • Les enquêtes de référence citées par les auteurs pour illustrer leurs propos ont presque toutes changé : peut-être faut-il abandonner cet aspect pour le format papier et le renvoyer à un support numérique. Au livre de s'en tenir aux fondements, concepts et méthodes.
Un nouveau monde de médias s'installe. Amazon, Google, Facebook, LinkedIn, et autres transforment le monde ancien des médias et de la publicité, radicalement. NLP, computervisionobject detection, etc. analysent les contextes où s'insèrent les messages publicitaires ; ces analyses recourent maintenant à des outils basés sur les réseaux neuronaux et le machine learning : contexte langagier (NLP), iconograhique bientôt : image recognition, object recognition, scene recognitionetc. arrivent à grands pas. Métiers d'ingénieur quant à la technique (data science), métiers de bon sens et de talent quant aux objectifs : synthèse délicate. Car, si la transformation numérique des médias anciens chamboule toutes les techniques, elle n'affecte pas l'art d'en interpréter les résultats et d'abord de faire des hypothèses, poser des questions. D'autant que les méga-médias, armés de moyens technologiques et financiers puissants, ont tout intérêt à accélérer l'obsolescence des techniques anciennes, non sans en avoir préalablement débauché les spécialistes. Alors, un ouvrage sur le média planning serait-il bientôt obsolète ? Non, le marché de la publicité et des médias, de plus en plus multi-national, compte des milliers de mesureurs, pourvoyeurs en analytics de tous genres, toute technologie média développant ses mesures (wearables, internet of things, computer vision, etc.). Pour s'y retrouver, il faut s'appuyer sur des principes fermes, universels, des idées claires. C'est ce qu'apporte l'ouvrage de Jean-François Canguilhem, Marie-Pierre Cueff.
Comme il est impossible de résister à l'obsolescence actuellement observable dans ce domaine, le manuel universitaire est condamné, et avec lui ses auteurs, à des mises à jour régulières accessibles sur le web ou à l'aide d'une appli. Voyez les manuels de médecine : de nouvelles recommandations imposent aux étudiants (et aux médecins en exercice) de mettre à jour leur savoir avant chaque nouveau cas. Voyez le Vidal ! Médecine et marketing, même combat !
Conclusion : cet ouvrage va faire référence en France : aux auteurs de travailler vite à une mise à jour prochaine, de coordonner le livre papier avec une présence sur internet : un étudiant (tout lecteur) veut aujourd'hui pouvoir consulter un tel outil, à jour, sur une appli dans son téléphone.


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