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Sommes-nous responsables de notre storytelling personnel ?

Publié le 13 décembre 2018 par Dangelsteph
Sommes-nous responsables de notre storytelling personnel ?

Qui blâmer, pour un storytelling, une histoire que nous vivons mais que nous jugeons négative ?

Je ne vous cacherai pas que cet article m'a été inspiré par les événements des dernières semaines, la révolte d'une certaine partie de la population contre ses conditions de vie et contre ses gouvernants.

Ce qui est récurrent lorsque l'on écoute les histoires de vie de ces révoltés, c'est l'attribution de leurs maux à :

1. le président de la République actuel

2. les riches

3. 40 ans de gouvernance par des privilégiés qui se sont gavés

Bref, une élite gloutonne. Je schématise, j'essaie de ne pas caricaturer. Et je ne nie surtout pas qu'il y a, dans ces trois motifs, une part de vérité.

Nous sommes tous des menteurs

Pourtant, cette vérité, est, au milieu de l'inconfort parfois extrême de la vie qu'ils mènent, un peu trop confortable pour refléter la réalité à 100%. Le travail de Jonathan Gottschall sur le storytelling est éloquent à ce propos : il nous dit que nous ne devrions jamais dire que nous racontons une histoire vraie mais que ce que nous racontons est basé sur une histoire vraie. Nous avons effectivement tendance à compléter les parties de nos histoires personnelles dont nous ne nous souvenons pas (volontairement ou non) par des éléments fictifs, inventés.

Quelles implications pour notre storytelling personnel ?

En plus de refaire l'histoire, nous sommes aussi des spécialistes de l'omission de pans de l'histoire telle qu'elle s'est réellement déroulée. Là, aussi, cela se fait en partie consciemment, et pour une autre partie de manière inconsciente.

So what ? Quel est le rapport avec la révolte populaire en France ?

Nous sélectionnons les éléments de l'histoire que nous voulons raconter. Nous oublions les parties gênantes : celles qui nous mettent en porte-à-faux par rapport à nous-mêmes, celles qui nous forcent à faire de l'introspection. Ces parties là concernent des choix que l'on a fait à un moment de sa vie, sans doute mauvais, sinon on s'en souviendrait ! Un divorce, il y a plusieurs années, véritable source d'un anéantissement personnel, par exemple. Ce n'était pas un choix ? Peut-être, mais c'était au moins une décision.

Bien entendu, on se souvient de ce divorce : mais on oublie de l'intégrer à sa juste place dans l'histoire que l'on se raconte à soi-même. C'est bien cela : les révoltés se racontent avant tout une histoire à eux-mêmes. Dès lors, aucun vrai dialogue n'est possible : les discours des révoltés sont des sommes de monologues qui, s'ils s'agglomèrent parfois du fait de points communs, restent individuels, auto-centrés. Mais ceci serait encore une autre histoire à pouvoir raconter.

Autre exemple de décision que l'on a pu prendre : celle de lâcher l'école, avec à l'arrivée une formation de faible niveau ou inachevée. Une étude Natixis toute récente pointe le faible niveau de qualification de la main d'oeuvre française, comparée aux autres pays de l'OCDE. Avec, potentiellement une fragilité en cas de coup dur, des années plus tard

Cela peut rester d'autant plus inconscient que les choix (décisions) fauteurs de troubles peuvent avoir été faits par des ancêtres sans que l'on soit même au courant. Pourquoi untel est-il si riche ? Parce que l'un de ses ancêtres, à un moment, a fait un choix autre que notre propre ancêtre, ou que ce dernier n'a peut-être pas fait de choix du tout, qu'il s'est laisser porter par le cours des choses.

Un meilleur partage de la richesse des riches peut se discuter, mais ce n'est pas le coeur du problème et de la solution. Le problème existera toujours, comme une plaie originelle.

La co-responsabilité de notre histoire

Evidemment, l'impact de certaines de nos décisions peut être amplifié par des facteurs externes tels que des mesures gouvernementales ou autres, de nouvelles lois, des catastrophes de tous ordres. Mais ce n'est pas la source du problème qui, elle, est interne et débouche sur une absence de défenses immunitaires face aux aléas de la vie.

Nous sommes bien co-responsables de l'histoire que nous vivons. Nier notre part ne peut nous amener qu'à la haine aveugle envers un bouc émissaire fictif. Et cela n'a aucune utilité. Tout comme notre prétention à vouloir décider d'affaires nationales complexes dans le cadre de référendums d'initiative citoyenne, alors que nous ne sommes même pas capables de gérer et assumer la complexité et les contradictions de notre propre vie.

Nous aurions bien plus avantage, chacun d'entre nous, à réaliser la timeline de notre vie, en pointant nos décisions ou choix porteurs de conséquences négatives aussi loin que nous le pouvons, et en réfléchissant à ce que nous pourrions faire, par nous-mêmes, pour corriger ces décisions et ces effets là, maintenant. Et cela réclame un tout autre courage que celui d'occuper des ronds-points, incendier des barracades et lancer des pavés sur les forces de l'ordre.


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