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Les postures antalgiques 1/2

Publié le 23 décembre 2018 par Alexcessif

Les postures antalgiques 1/2 J’ai mis le cligno vers la sortie Porte des Lilas. 
Deux heures d’embouteillage, même pour un bordelais qui tourne à l’eau claire, ça commençait à bien faire.
Qu’est ce que je fous là ? Encore une facétie de mon Moi souterrain ? Le nom sans doute. Porte des Lilas, c’est champêtre. La signalétique m’achève : "République" puis le coup de grâce :"Place des fêtes".
Place des fêtes ! Déjà une année envasée, passée à n’y pas revenir !
Sans doute la plus moche des places parisiennes et la plus émouvante. Une esplanade glaciale et détrempée cet après midi de Novembre où des camelots remballent le matos du marché quotidien. 
Des immeubles sans caractère, une architecture sans imagination. 
Ce n’est pas Pigalle, ni le Champs de Mars, le Trocadéro, Bastille ou Nation, encore moins Montmartre, la place des Vosges, l’Etoile qui sont belles par tous les temps. Et la place Vendôme ? Le Ritz, Cole Porter, Francis Scott Fitzgerald, Gary Cooper, la cantine de Fréderic Beigbeder, le lupanar de Poivre d’Arvor, le bar d’Hemingway, Colin Field et ses cocktails géniaux au prix de ma Clio. 
J’ai mieux, beaucoup mieux : une piaule au septième sans ascenseur ! Et un projet : finir mon bouquin. 
Pas finir de lire un bouquin, finir d’écrire un bouquin. 
Deux ans à regarder le mur d’en face. Deux ans à tirer sur la corde de l’arc que seul Ulysse pouvait bander, puis soudain, l’arc se détendit. Je n’étais pas une flèche coté cervelle mais j’ai dit "oui !!!" quand elle m’a proposé : " - une semaine à Paris avec moi, ça te branche ? Ensuite chacun sa vie! Mon "oui" contenait un bouquin "Paris est une fête" d’Ernest, un collègue et le mien "Champion, chéri" et beaucoup d’inconscience. Pourtant, ce n’était pas la première fois que je choisissais le chemin irresponsable de l’aventure à partir sans se retourner et l’improvisation qui s’ensuivait. Je jouais ma dernière carte avec ce roman d’une vie faite des cadavres de toutes mes ruptures que le monde de l’édition attendait impatiemment. "Pour qui sonne le glas" aussi pensais-je in petto sachant la perte insondable de celle qui formait le nous que j’abandonnais . 
Ce bouquin c’était la créature de Frankenstein. Un assemblage hétéroclite d’échantillons humains pas frais avec une bonne décharge électrique, le coup de foudre, pour animer toute cette viande. Comme son modèle, il allait échapper à son créateur et faire pas mal de dégâts.
Le nid réservé rue Compans et un TGV plus tard " Le train sifflera trois fois" mais j’étais dedans à la première sonnerie pour une ultime connerie …
Hors de question que je repasse par cette rue. Je suis venu à Paris et dans ce quartier la semaine dernière et raté un bon paquet d’occasions toutes neuves de refaire un jogging aux Buttes Chaumont. 
C’est cette vacherie de subconscient qui m’a fait enclencher le cligno. La somnolence abrutissait ma vigilance. J’avais baissé la garde. Le deal était tenu, sans arrêt sur image, pas une photo, pas une lettre, ni de pèlerinage sur les lieux du crime. Parenthèse de cette semaine-là refermée. Du moins le crus-je.
Tournant le dos au resto où nous avions des souvenirs, je fuyais vers Belleville …

A suivre

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