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NRJ : comment et pourquoi la « panthère » tombe de son piédestal ?

Publié le 27 décembre 2018 par Ralph
NRJ : comment et pourquoi la « panthère » tombe de son piédestal ?

Affiche promotionnelle de la nouvelle émission radio de Cauet sur NRJ, du lundi au vendredi à 17h. Crédit photo NP/NRJ 2018

PARIS, par Ralph Bechani

Déjà, par souci d’honnêteté, je dois préciser, ici, que j’ai déjà collaboré avec le groupe NRJ, à deux reprises durant ma carrière. La première fois, entre juillet 2000 et mars 2001, sur Chérie FM à Brest (Finistère), en qualité d’animateur, réalisateur radio et chargé de promotion. Puis, entre octobre 2009 et juin 2010, sur NRJ à Bourg en Bresse (Ain) et Mâcon (Saône et Loire), en tant que journaliste radio, rédacteur et reporter.

Deux périodes, deux contextes et deux zones de diffusion, l’une et l’autre station est hébergée avec les autres enseignes du groupe (NRJ, Chérie FM, Nostalgie, et la régie publicitaire NRJ Global).

Si ces stations peuvent commercialiser de la publicité à l’échelle locale, c’est à condition d’y diffuser un programme dédié et une information de proximité, selon une convention signée avec le CSA – Conseil supérieur de l’audiovisuel. Cela concerne toutes les radios de catégories C : il s’agit d’une entité nationale qui diffuse aussi ses programmes en régions.

D’autres radios s’y soumettent, comme Fun Radio, RTL2 (RTL), et RFM, Virgin Radio (Lagardère). J’ajoute que, là aussi, j’ai déjà collaboré entre 1998 et 2004 avec RFM, Europe 2 (Virgin Radio), et à moindre mesure pour RTL2.

L’encrage local

Ceci dit, chez NRJ, « l’encrage local », c’est la pierrangulaire de la station. Née en 1981, sous l’impulsion de Jean-Paul Baudecroux et d’une « bande de potes » sur fond de libéralisation de la FM, c’est l’ouverture à la publicité en 1986 qui forcera la marque à la « panthère » à se professionnaliser.

Pendant que des dizaines de stations locales sont interdites de diffusion pour des raisons administratives et techniques d’une complexité juridique, parfois déroutante, NRJ va devenir la radio la plus écoutée à Paris. Puis dans de nombreuses régions en France, en surfant notamment sur les Hits, des animateurs jeunes et talentueux, et sur un « son » poussé à son paroxysme, bien au-delà des règles qui viendront s’imposer.

À l’époque, le CSA n’existait pas et il a fallu des années pour réglementer les zones de diffusion, aujourd’hui encore le seuil de concentration des radios reste un débat qui n’est pas tranché.

Bref, NRJ a fait son succès dans un opportunisme insolent et captivant. Les manifestations de 1984 partout en France pour demander le maintien de la station en FM sont un exemple criant.

Cette année-là, la radio pouvait purement et simplement disparaître sur l’autel d’un texte de loi régulant l’audiovisuel français. Mais c’était sans compter sur ses millions d’auditeurs, qui dans la rue ont dit « non », poste de radio à la main.

Aujourd’hui, après des années d’un règne « sans partage », NRJ n’est plus. RTL et France Inter se sont imposées et la station musicale a plongé en dessous de la barre symbolique des 10% d’audience, selon Médiamétrie, entre septembre et octobre 2018. Elle reste la troisième radio de France, mais perd 0,9 point sur un an, passant de 10,7% d’audience cumulée à la rentrée 2017, à 9,8%.

En revanche, elle reste loin devant ses principaux concurrents musicaux, à l’échelle nationale, comme Fun Radio, Skyrock et Virgin Radio.

La station est relativement vieillissante, elle ne sait plus trop comment recruter de jeunes animateurs, souvent insipides, comme à la télévision, alors elle maintient ses « vieux dinosaures » à l’antenne, et année après année elle laisse mourir ses stations locales dans l’indifférence.

Pour NRJ, le tournant numérique, c’est maintenant, mais pas pour ses stations locales, sauf pour les dix plus grandes villes françaises. Pour le reste, il faudra repasser. Chose invraisemblable, des animateurs radios ou des journalistes de 40 à 65 ans sont encore à l’antenne, avec dix, vingt, trente ans d’ancienneté, les « indéboulonnables ».

À Paris, et en France, c’est Manu qui fait le 6/9, tranche prépondérante de toutes les radios FM, et Cauet a fait son retour à 17h du lundi au vendredi. Là aussi, on est loin d’un rajeunissement. Pourtant, la marque est très présente sur le web et les smartphones, avec ses webradios, podcasts et autres événements comme les NRJ Music Awards ou ses partenariats avec les plus grandes stars.

Les plateformes de Streaming font aussi beaucoup de mal à la station musicale du 22, rue Boileau à Paris.

Le manque de diversité

Mais ceci n’explique pas cela, NRJ manque de diversité, de créativité, trop peu de voix féminines et surtout une mixité totalement absente de l’antenne. À l’évidence, la direction de l’antenne d’NRJ et la direction de la rédaction pratiquent une discrimination ethnique, raciale et sexiste, au quotidien, et sans vergogne.

En gros, il y a majorité écrasante de mâles blancs de plus de 35 ans à l’antenne. Le calcul est simple, il faut écouter l’ensemble des stations du groupe en vérifiant ses informations via les pages Facebook et Twitter des animateurs et journalistes du réseau NRJ. Même constat sur Chérie et Nostalgie.

Clairement, il ne fait pas bon d’être une femme ou un jeune sorti de sa banlieue pour y faire carrière ou simplement être recruté.

Pendant que la télévision fait des efforts inconsidérés pour assurer une mixité sociale visible à l’antenne, les radios FM comme NRJ, donc, mais aussi Fun, RTL2, RTL, Europe 1, Virgin Radio, RFM, RMC, Radio France… n’arrivent pas à sauter le pas, c’est à la fois triste et de toute évidence extrêmement dommageable et répréhensible.

Selon nos calculs, environ 75% à 80% des stations de radios en France ne jouent pas la carte de la diversité et s’enferment dans des modes de recrutements qui ne laissent aucune chance à ceux qui voudraient un jour travailler sur une antenne.

Chez NRJ, le problème vient aussi de la direction des programmes, avec à sa tête Morgan Serrano. Débarqué de Fun Radio, il est soumis aux décisions administratives du groupe avant de prendre la moindre décision éditoriale. A part enchaîner des réunions interminables sur la stratégie « mathématique » de la station, il n’y a plus personne ou presque pour se soucier des attentes réelles des auditeurs et des stations locales.

Entendre tourner en boucle une centaine de titres, 24/7, c’est devenu insupportable pour la plupart des auditeurs d’NRJ que nous avons interrogés et qui ont quitté la station voire la FM pour privilégier leurs écoutes sur Deezer, Spotify ou iTunes.

Morgan Serrano, c’est aussi et surtout l’inconnu de l’équation en local. A force de passer son temps à Paris en laissant la direction des réseaux gérer les animateurs et les journalistes, c’est tout un pan de la relation entre la capitale et la province qui est frappé par ce mépris de classes.

Tous gilets jaunes ?

Croyez-moi, en régions, tous les journalistes et les animateurs du groupe NRJ pourraient être des « gilets jaunes », tant ils sont dans la précarité du travail avec des salaires à peine au dessus du SMIC et le rêve improbable d’être appelé à Paris.

Sauf, que là aussi, si vous n’êtes pas Cauet ou Manu, voir Nikos… vous n’aurez pas de gros salaires pour animer votre tranche, au mieux vous êtes en CDD parfois sous le statut d’un intermittent du spectacle. Inutile de préciser que pour évoluer, il faudra apprendre à nager en aux troubles dans un monde qui privilégie la « politique des copains ».

Posons-nous une question : comment expliquer qu’un journaliste employé à 1 300 euros net par mois puisse à la fois présenter les infos du lundi au vendredi, de 6h à 9h, puis à midi, et en même temps, vérifier ses informations, faire du reportage, du montage, aller aux conférences de presse, et gérer sa rédaction ?

Conséquences, après des années d’antenne, rares sont les journalistes du groupe NRJ présents sur le terrain, une frustration pour beaucoup d’entre eux.

Alors oui, le réseau est sinistré et le recrutement patine. D’autant que le matériel manque, les conditions de travail, comme dans la police, sont parfois digne d’une radio associative du début des années 90.

Dans la plupart des zones de diffusion, désormais, NRJ est derrière les stations locales privées qu’elle concurrence. Les radios du GIE (Les Indés radios) comptent 8 271 000 auditeurs, selon Médiamétrie, soit 131 radios locales, régionales et thématiques, bien loin des cinq millions d’auditeurs de la marque à la « panthère ».

Il faut dire que le GIE a été plus malin, plus pertinent, moins conflictuel et autocentré, en se structurant autour de quelques programmes communs, ou en diffusant une information nationale et internationale claire, vérifiée et lisible, en provenance des agences de presse audio, comme l’A2prl, VT Consult, NP, et Good News Presse.


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