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Fournée 2018 (livres)

Publié le 14 janvier 2019 par Zegatt

Côté livres, 103 livres lus dans l’année et, pour une fois, aucune relecture dans le lot.

– Des auteurs antiques ; la majorité des textes de Démosthène – les Philippiques et les Olynthiennes en particulier, dont les sonorités politiques sont souvent accrocheuses, le ton fort, malgré la distance qui nous en sépare.
Une partie d’Hésiode, quelques belles tournures, mais rien de ce côté qui m’ait véritablement frappé. Egalement Pindare avec les « Isthmiques », Perse et ses « Satires ».
Inversement, la plus belle découverte de l’année côté antique se fait chez les Romains avec les Lettres de Pline qui contiennent de véritables merveilles.
Un texte semi-mythologique, le récit islandais « Saga d’Egill, fils de Grimr le Chauve », ça fleure bon l’ambiance nordique, des rappels de « Beowulf »…

– Science-Fiction : « La brèche » de Christophe Lambert (pas lui, l’autre), plein de promesses mais beaucoup trop simpliste pour être véritablement efficace.
Un grand classique – et pour cause ! – « L’invasion des profanateurs » de Jack Finney. Une douce montée de paranoïa qui vaut le détour.

– Du polar, avec de très gros ratés « La sauterelle et le dirigeable » de Walter Wager. Impossible de me souvenir où j’ai trouvé ce livre mentionné comme une référence ; c’est mauvais, un rythme improbable, une intrigue démesurée peu crédible (complot façon Ludlum, mais sans aucune crédibilité).
Autre auteur à fuir, Colin Wilson et son « La cage de verre », qui s’inspire de William Blake (raison pour laquelle je l’ai ouvert), 15 ans avant « Dragon rouge » de Thomas Harris. Sauf que l’aspect ésotérique foutraque ruine totalement l’intrigue et ses personnages, exaspérant à souhait. La comparaison avec Lecter, Dolarhyde et Graham ne tient pas cinq pages ; Thomas Harris est un génie de l’ambiance, carré, crédible, Colin Wilson du grand n’importe quoi.
« Le secret du rabbin » de Thierry Jonquet. Jonquet est un auteur très aléatoire (probablement à cause d’un rythle d’écriture acharné), et ce roman fait partie des mauvaises pioches (avec « Rouge, c’est la vie » – et à l’inverse du percutant « Mygale », qu’Almodovar avait d’ailleurs adapté avec « La piel que habito »).
Une déception, avec « L’ancien crime » de Claude Amoz, que j’avais adoré pour son « Bois-Brûlé ». Là, ça ne tient pas, l’ambiance est moins marquante, la narration moins réfléchie.
« French Tabloïds » de Jean-Hugues Oppel ; c’est annoncé dès le début comme étant un hommage à James Ellroy et son « American Tabloïd » et c’est assumé comme tel, tant dans l’intrigue que dans la narration (phrases extrêmement courtes, régulièrement non-verbales, et le seul signe de ponctuation ou presque est le point). Du coup, un manque d’identité relatif, mais un rythme intéressant.
Un grand classique qui m’attendait depuis longtemps, « Le faucon maltais » de Dashiell Hammett. Ca a pris un coup de vieux, mais on comprend volontiers que le style, les personnages, le jeu aient pu marqué toute une génération et s’inscrire comme une référence.
Une lecture facile, mais qui ne manque pas de charme, par son ambiance des réserves indiennes, « Le voleur de temps » de Tony Hillerman. Je découvre cet auteur, et il mérite probablement que je le rouvre à l’occasion.
Autre découverte, Dominique Manotti, que j’ai eu l’occasion de rencontrer lors d’un débat, et dont la description de sa méthode de travail à aiguiser ma curiosité. Avec « Le corps noir » et « Bien connu des services de police », des sensations contradictoires ; son univers contemporain (le second) est bien plus abouti, crédible, intrigant, que sa reconstitution d’une ambiance 39-45 (« Le corps noir »), plutôt décevant. Clairement à creuser, ses polars actuels semblent de la même qualité, et pour la plupart inspirés de faits réels.
Du Simenon, avec « Les inconnus dans la maison », à l’ambiance très intéressante, construite par petites touches comme Simenon sait faire dans les Maigret, et avec une résolution qui a un léger relent politique de l’époque…
Enfin, « Nous cheminons entourés de fantômes aux fronts troués » de Jean-François Vilar. L’intrigue en elle-même laisse en partie le lecteur sur sa faim, mais la balade entre Paris et Prague, les échos entre surréalisme et chute de l’URSS, et plus que tout le style littéraire en font une lecture forte, obscure et suggestive, un peu déconcertante parfois.

– Littérature latine avec « Chronique d’une mort annoncée » de Gabriel Garcia Marquez, qui n’a pas du tout fonctionné avec moi. Le récit a semblé très lent, n’offrant pas assez d’enjeux ou d’empathie pour l’univers décrit.
« Pedro Paramo » de Juan Rulfo. Le style est intrigant, de bonnes choses, mais probablement trop kafkaïen pour que je l’apprécie pleinement.
Ernesto Sabato et « Le tunnel » suivi de « Héros et tombes » (merci Mohamed – avec plusieurs années de retard sur cette lecture), de sublimes récits au style envoûtants, lyriques, lourds. Sensations assez fascinantes, même si le second demande parfois à être surmonté (compte tenu de sa longueur et du style narratif) et se lit par petites gorgées.
Le trop long « La littérature nazie en Amérique » de Roberto Bolano, un jeu à la Borges d’absurde qui propose de merveilleuses perles, mais s’éternise trop sur la longueur. Les portraits sont trop nombreux, mais l’absurdité de ceux-ci (toutefois inspirée de nombreux éléments réels) réserve de belles surprises (et confirme du même coup l’intérêt pour Bolano – je n’ai pas encore eu le courage d’attaquer ses deux pavés « 2666 » et « Les détectives sauvages »).

– Poésies diverses, « Les Trophées » de José-Maria de Heredia. Peu convaincant, le style trop ampoulé a vieilli.
Antonio Machado et ses « Champs de Castille », « Poésies de guerre » (le plus fort probablement) et « Solitudes, galeries et autres poèmes ».
L’ensemble des textes de Brassens, que je maîtrise mal (au-delà des classiques). Un univers qui, définitivement, ne parvient pas à m’accrocher autant que le fait Brel.
Autre chanteur, mais écrivant ici spécifiquement de la poésie, Leonard Cohen et l’assez étrange « Le livre du désir », melting-pot tendance mystique à l’image de son auteur…
Majnûn et « Le fou de Laylâ », indispensable pour comprendre pleinement Eric Clapton et sa chanson maîtresse (j’avais prévu de jouer au même jeu avec « Au-dessous du volcan » de Malcolm Lowry pour le « Pulque, mescal y tequila » de Hubert-Félix Thiéfaine, mais je suis toujours avec le livre ouvert ; de même, je n’ai toujours pas ouvert « Les raisins de la colère » de John Steinbeck pour retrouver les origines du « The ghost of Tom Joad » de Bruce Springsteen).
Une première lecture de Tzara, « L’Homme approximatif ». Trop de surréalisme peut devenir lassant, mais de temps à autre, cela recèle des touches magiques.

– Côté théâtre, « Djihad » d’Ismaël Saidi – la pièce est pensée pour être éducative, et en cela elle remplit les attentes. Pas renversante, mais bien pensée.
Du Anouilh, comme souvent, « La foire d’empoigne », « La valse des toréadors » et surtout « L’Hurluberlu », la plus intéressante des trois.

– Côté français, à fuir totalement, les « Perles de vie » de René de Obaldia (il est académicien !?), recueil de citations minuscule, construit sans la moindre logique (dans son tri comme dans son référencement). La moitié étant des mots d’esprit déjà connus, c’est très pauvre, inconsistant.
Leïla Slimani avec ses courts textes « Comment j’écris » et « Le diable est dans les détails » – elle revendique elle-même une partie de ses origines stylistiques en atelier d’écriture, et ça transpire énormément dans son écriture. Du coup, beaucoup de ses nouvelles ont un côté fade qui ne donne pas franchement envie de prolonger au-delà, quand bien même les sujets abordés peuvent être intéressants.
Delphine de Vigan, « Rien ne s’oppose à la nuit ». Des choses intéressantes pour cette biographie, mais un sentiment d’incomplétude, d’inachevé…
« Rester vivant » de Houellebecq, dont je ne garde pas grand souvenir. Quelques phrases puissantes, mais globalement bien peu marquant.
« Les doigts pleins d’encre », court texte de Cavanna qui accompagne des photos de Robert Doisneau, tableau de l’enfance de la moitié du siècle précédent.
Découverte plutôt accrocheuse, François Nourissier avec « Lettre à mon chien ». Un aspect à la fois intime et ouvert sur le monde, à l’écriture douce.
Un classique de l’humour, « Les carnets du Major Thompson » de Pierre Daninos ; le ton fait énormément penser à Goscinny (« Le petit Nicolas »). Ici, les tribulations d’un British au pays des frogs, réflexions croisées sur les bizarreries culturelles d’un côté et de l’autre de La Manche.
La fin des récits de Louis Garneray, avec ses aventures semi-biographiques et la troisième partie « Un corsaire au bagne », toujours aussi intéressant, joueur dans son style, emballant dans l’univers qu’il dépeint, fresques navales et aléas du début du XIXe.

– Du regretté Amos Oz, « Mon vélo et autres aventures », histoire enfantine vite parcourue, avec un certain charme et ce côté typique des histoires juives, avec une morale doucement ironique. Mais surtout ses réflexions dans « Comment guérir un fanatique ».
Plus anciens, d’autres textes étrangers comme « Le cabinet de curiosités » d’Alfred Kubin, recueil de courtes nouvelles.
« La confusion des sentiments » (lu suite à une réflexion de Serge – merci à lui), très beau récit de Stefan Zweig, dans sa série de romans courts fouillant la psychologie et les obsessions de ses personnages.
Le fascinant « Carmilla » de Joseph Sheridan Le Fanu, versant complémentaire au « Dracula » de Bram Stocker ici avec le vampire au féminin, extrêmement sexualisé, du fantastique dans toute sa splendeur.
Enfin, « Les carnets du sous-sol » de Dostoïevski, obsessif, brillant.

– Beaucoup d’essais, comme souvent. Un pilier parmi les classiques dont je connaissais déjà une bonne partie mais que je n’avais pas encore pris le temps de lire en intégralité, le premier livre des « Essais » de Montaigne. Dans l’ensemble, toujours aussi valide aujourd’hui, avec des réflexions d’une justesse mordante.
Pour la troisième fois, dans une traduction différente, et je ne m’en lasse toujours pas, le sublime « Ainsi parlait Zarathoustra » de Nietzsche, cette fois-ci par Geneviève Bianquis. A chaque fois une redécouverte.
Un assez court comparatif néanmoins pertinent, le « Clausewitz et Sun Tzu » de Yann Couderc… qui m’a donné envie de relire Sun Tzu dans une autre traduction du même coup…
Pas un essai, mais plus le making-of d’une pensée, la deuxième partie (1940-1949) de la « Correspondance » de Carl Gustav Jung. Brillant, riche, complexe, jonglant par instants avec l’ésotérisme et le mysticisme.
Un pilier du XXe siècle, le « Eichmann à Jérusalem » d’Hannah Arendt, que j’avais rechigné à ouvrir jusque-là (ayant bloqué sur « La crise de la culture » il y a quelques années). Ici, une réflexion d’une pertinence rarement égalée, à la limite entre un récit journalistique (le procès), une analyse historique, et une réflexion philosophique. Profond, superbement écrit et pensé (merci Krzysztof de m’avoir poussé vers Arendt à nouveau !).

– Parmi les textes relativement inclassables de cette année 2018, un travail d’analyse psychologique, « La petite Piggle » de Donal Woods Winnicott, qui relate une série de séances, et les réflexions de Winnicott face à une jeune patiente ; cela rejoint assez le « Fragment d’une analyse » en moins obscur.
Les derniers pamphlets antisémites de Céline, « L’école des cadavres » et « Mea Culpa ». C’est aussi violent, vomitif, rageux que les précédents, mais indéniablement, il y a une force de frappe, un style spécifique, qui créent une attirance pour l’écriture, le ton célinien.
Les « Autres chroniques d’un médecin légiste » (merci Caroline !), florilège d’anecdotes et d’histoires par le docteur Sapanet. Souvent drôle.
Le portrait (plus qu’une biographie à proprement parler) « René Goscinny – profession : humoriste » par Vidal, Gaumer et la fille Goscinny. Panel large et touchant du grand scénariste.
Un volumineux recueil des interviews de Bruce Springsteen dans « Talk about a dream ». Le texte couvre plusieurs décennies et propose des discussions longues qui permettent de suivre l’évolution du Boss et de son E Street Band.

– Enfin, des réflexions et essais contemporains (ou presque), à commencer par « Comment écrire sa thèse » d’Umberto Eco, conseils datés de quelques décennies maintenant, dont le grand manque est de ne pas prendre en compte (c’était impossible à l’époque) l’omniprésence des ordinateurs et d’internet. Les conseils et réflexions restent valides, et ce texte devrait être obligatoire auprès des étudiants en Master (et on regrette au passage que sa publication au format poche soit si tardive !).
Réflexion universitaire toujours avec le livre de Patrick Boucheron « Faire profession d’historien », globalement pertinent et qui propose des pistes intéressantes.
Des textes politiques de Jean-Louis Debré, l’un qui est un panel de figures politiques qui ont marqué l’histoire de la République, « Nos illustres inconnus », didactique et assez bien pensé, et l’autre, « Tu le raconteras plus tard », qui décrit ses années à l’Assemblée, ministre, ou au Conseil constitutionnel.
« Ecorces » de Georges Didi-Huberman, réflexions suggestives autour des camps de concentration.
Détour par le terrorisme, avec le témoignage de Sonia (avec la journaliste Claire Andrieux), qui décrit de l’intérieur ce qui a conduit à l’intervention post-attentat du 18 novembre 2015 à Saint Denis et donne beaucoup à réfléchir sur la situation de témoin. Un autre versant avec l’enquête de David Thomson, « Les revenants » sur les réalités syriennes (en particulier) du djihad, et la question du potentiel retour de membres de Daesh. Question complexe et analyse pertinente.
Syrie toujours, mais pour un tout autre aspect, depuis ceux qui sont bloqués entre le régime de Damas et les groupes djihadistes et rebelles, « Les passeurs de livres de Daraya » (merci Carmen). L’écriture est assez pauvre, mais le reportage en lui-même et ce qui est décrit méritent qu’on s’y attarde.
Détour par les entourloupes du complotisme-ésotérique et l’analyse d’Irna (merci !) dans son travail « Les pyramides de Bosnie » qui propose par A+B de faire un tour de la question pour confirmer – si besoin – qu’on va encore pouvoir chercher les fameuses pyramides bien longtemps.
Une brillante étude extrêmement documentée de Jeanne Favret-Saada sur la crise des caricatures de Mahomet au Danemark et de ses conséquences, « Comment produire une crise mondiale avec douze petits dessins ».
Enfin, une réflexion artistique et historique de Goscinny et Uderzo à travers le travail de Nicolas Rouvière, « Astérix ou la parodie des identités ».


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