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68 - Règlement de compte (1ère partie)

Publié le 11 juillet 2008 par Theophile

ECOUTEESCALIER Voilà déjà presque trois mois que Joséphine est partie.
Les jours passent normalement.
Avec toujours ce week-end sur deux, atroce, chez ses parents.
Avec toujours ses questions pour tenter de soutirer quelques informations sur ma mère.

Nous somme vers la fin du mois d'avril de l'année 1992. C'est un week-end que je dois passer avec lui.

Quand il est venu me chercher chez mes grand-parents maternels, il y avait une atmosphère de joie. Il y avait mes quatre petites cousines, mon oncle et ma tante, mes grand-parents, ma mère...
Puis le rituel du klaxon est venu interrompre l'ambiance festive de ce samedi après-midi en famille.
J'ai embrassé ma mère pour lui dire au revoir, mes cousines, oncle et tante, mes grand-parents, encore une fois ma mère, et je suis parti.

Je ne saurai définir ce que j'ai ressenti... Sans doute un effroi, un malaise... Son visage n'était pas le même que d'habitude. Son visage était un autre visage. Il était absent. Plongé dans ses pensées. Tracassé par quelque chose.
Je n'osais poser aucune question.

Nous allions chez ses parents. Nous allions dîner. Sans doute regarder la télé, puis aller nous coucher.
C'est ce qui arriva. Pendant toute la soirée, il n'a presque pas dis le moindre mot.

Vers 23 heures, je vais me coucher. Je m'endors. Difficilement, comme toujours quand je suis en week-end avec lui. Mais je m'endors.

Le lendemain matin, à mon réveil, j'entends les cris de mon grand-père, en-bas, dans la cuisine.
Je sors de la chambre et me place en haut de l'escalier pour écouter :

  

- Et voilà que tu nous accuses,
  C'est cela, aujourd'hui, tu nous accuses.
  Mais je le sais,
 Et si tu voulais bien faire l'effort d'admettre, et de regarder la vérité en face,
 Car tu le sais aussi bien que moi,
 Tu le sais très bien,
 Et ta mère le sait,
 (Tes frères, tes soeurs, tout le monde le sait, ainsi que tes enfants, ils doivent le savoir aussi,
 Ils savent,)
Que jamais tu n'es responsable de quoi que ce soit, tu n'es responsable de rien.
Et pourtant à chaque fois, j'ai beau faire l'effort de me le rappeler, me souvenir, revenir sur tout le passé, en arrière,
A chaque fois,
Je ne t'ai jamais entendu,
A aucun moment,
(C'est ta manière à toi de te défendre lorsque tu es attaqué),
A aucun moment de ma vie je ne t'ai entendu admettre une faute, une erreur, une seule petite faute, la moindre.
Ce n'est pas de ta faute.
Ce n'est jamais de ta faute.

Tu es là devant moi,
Je le savais qu'un jour je te retrouverai debout devant moi,
Devant moi, mon dieu, devant moi,
Devant nous,
Ta mère et moi,
Devant nous,
(Regarde ta pauvre mère !)
Devant nous,
A t'entendre te plaindre, gémir, pleurer comme un sale môme injustement puni par je ne sais quelle fatalité,
Innocent et effronté,
A te répandre comme une loque,
(Encore une expression qui te fera ricaner, mais je n'ai plus rien à faire maintenant de paraître ridicule, tu ne peux même pas l'imaginer),
A te répandre comme une pauvre loque,
Pour quémander je ne sais quelle plainte de notre part.

Et moi, je devrais être là,
Rester là,
A t'écouter dire, à t'entendre raconter, me raconter, me balancer en pleine face avec cet air de fierté qui te masque le visage,
A t'entendre me balancer que tu n'as jamais été aimé.
Toujours, je t'ai entendu le dire,
Je t'entends dire cela,
Ton adolescence,
Dire qu'on ne t'aime pas, qu'on ne t'aimait pas, que jamais personne ne t'aima et que c'est de cela que tu souffres.
Tu es adolescent et je te l'entends dire.

Je pense,
Je pensais,
Éventuellement, peut-être,
Comme quelque chose qui me passait au-dessus de ma pauvre tête,
Je pensais,
(Et beaucoup de gens de la famille, je pense cela aux jours d'aujourd'hui,
Beaucoup de gens de la famille,
Et notamment ta femme, celle-là avec qui tu vis depuis que tu nous as quitté,
Beaucoup de gens de la famille doivent assurément le penser aussi),

Nous pensions,
Et ta mère, et tes frères, tes soeurs, avec moi,
(Ils ne sont pas dupes, crois-moi, ils ne le sont pas),
Nous pensions que peut-être,
Pour le répéter continuellement, le hurler tellement comme on hurle des insultes,
Nous pensions que ce devait être juste,
Que nous étions coupables de toute cette situation,
Coupables de t'avoir accordé une place difficile,
Coupables de ne pas montrer assez que nous t'aimions,
Ou du moins, de ne pas te l'avoir dit assez.

Et ne pas te dire assez que nous t'aimions,
Cela devait être comme ne pas t'aimer assez.
On ne se dit rien si facilement.
Non.
Rien ici ne se dit facilement.
On ne se l'avouait pas.

Mais être attentif.
C'est là qu'existe réellement le problème majeur de ta situation.
Être attentif,
Attentif à ce qui se passe,ce qui se passait autour de toi, le moindre petit geste à ton égard, la moindre petite attention,
(Aussi rares fussent-elles, si je peux le dire),
La moindre toute petite attention à ton égard n'a jamais et ne sera jamais importante pour toi, car tu ne vois rien, tu n'as jamais rien vu et tu ne verras jamais rien.
Jamais.
Aveugle. Egoïste et ne pensant qu'à ta propre personne,
Toujours, sans jamais voir les efforts effectuer pour ta petite personne.
Jamais.

Et voilà qu'aujourd'hui tu nous accuses,
C'est incroyable quand même,
Tu nous accuses,
Alors que c'est nous, sans doute, c'est bien nous qui devrions t'accuser,
T'accuser de débilité diabolique !

Qu'est-ce que tu lui as fait ?
Cette nuit. Qu'est-ce que tu lui as fait ?
Te faire remarquer, sans doute est-ce cela qui t'as motivé cette nuit à prendre ce couteau !
Te faire remarquer. Te prendre pour un héros.
C'est cela ?
Qu'est-ce que tu lui as donc fait ?

Je te préviens, je ne veux aucune histoire avec la police, tu m'entends !
Je te préviens,
Regarde ta mère, elle ne supportera pas tout cela longtemps...
Regarde ta mère,
Arrête de pleurer Marion, ça sert à quoi ?
Regarde ta mère, Tu l'a vu ? Tu l'as vois ?
Regarde-la  !

Terrorisé, assis en haut de cet escalier, comme maudit, je ne peux faire le moindre geste...

(A suivre)


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