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Grayson Perry : l’homme est une femme comme les autres

Publié le 27 janvier 2019 par Pantalaskas @chapeau_noir

Grayson Perry : l’homme est une femme comme les autresRegarder l'exposition de Grayson Perry à la Monnaie de Paris comme un exposition d'objets (céramiques tapisseries, peintures) serait assurément passer à côté de l'essentiel : ce sont, en premier lieu, des questions d'identité, de genre, de norme qui sont abordées à travers la mise en jeu d'une vie, celle de cet artiste qui, depuis son plus jeune âge, joue en permanence sur ce va et vient identitaire.

Vanité, Identité, Sexualité

Si l'enfance construit chacun de nous, celle de Grayson Perry impacte singulièrement son devenir : dans le milieu ouvrier de l'Essex, cet enfant là a grandi dans un milieu familial marqué par l'absence du père, la présence d'un beau-père violent, d'une mère lunatique. A douze ans, il emprunte des vêtements à sa sœur et s'engage dès lors sur ce chemin tourmenté qui l'accompagne jusqu'à aujourd'hui.
Quand à dix neuf ans il quitte cette famille quelque peu toxique, Grayson Perry trouve dans l'école d'art de Portsmouth une voie pour aborder la vie et s'interroger sur sa propre identité, troublée par le recours au travestissement, autant de questions qui passent avant la préoccupation d'une recherche artistique. Les termes de "Normal" ou "Naturel" sont alors interpellés, remettant en cause, du même coup, les valeurs d'un système social fondé sur le modèle dominant de l'hétérosexualité. Et ce jeu de dominos entraîne le basculement de tous les repères de cette société : " Les hommes vivent dans un monde d'hommes, ils sont incapables d'imaginer une alternative. [...] ils ressentent le féminisme comme une attaque dirigée contre leur identité profonde plutôt qu'un appel à l'égalité " déclare l'artiste. Cette remise en question ouvre une brèche vraisemblablement jugée comme dangereuse. La caricature de la virilité et la critique satirique des tabous sexuels profondément ancrés dans la société britannique ajoutent encore au caractère transgressif de sa démarche. Et sous couvert d'une production artistique qui utilise les qualités séduisantes de la céramique émaillée, Perry se livre à une critique acerbe de cette société nullement prête à céder sur ses valeurs sociétales.

Le recours à la tapisserie lui offre une occasion de plus pour entraîner cet art traditionnel dans une dérive perturbante. " J'ai commencé à m'intéresser à des oeuvres qui parlent de classe et de goût. Je trouvais rafraîchissante l'idée d'utiliser la tapisserie - symbole traditionnel de la réussite sociale des riches pour représenter un drame courant, celui de la mobilité sociale. " Les titres et la composition des tapisseries renvoient aux scènes religieuses des tableaux de la Renaissance italienne en détournant ces références culturelles pour mieux les entraîner dans son monde personnel.
La religion n'échappe pas au regard caustique de l'artiste et offre un sujet supplémentaire pour saper davantage encore les fondements culturels de la société britannique.

Et la rutilante moto rose affublée de son autel portatif, transforme le cheval mécanique des mâles anglo-saxons en savoureux objet rose-bonbon.
Les propositions perturbantes d'un artiste décidé à renverser la table des valeurs établies sur tous les plans, ne sont pas exemptes d'un humour qui relativise ce qui pouvait être perçu comme un parcours douloureux depuis l'enfance. Grayson Perry entend bien nous convaincre que l'homme est une femme comme les autres. Il reste encore quelques jours pour évaluer, à la Monnaie de Paris, cette proposition déstabilisante.

Photo de l'auteur

Grayson Perry
Vanité, Identité, Sexualité
19 octobre 2018- 3 février 2019
Monnaie de Paris
11, Quai de Conti
Paris 6eme

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