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Publié le 11 juillet 2008 par Untel
Il faudrait « imaginer Sisyphe heureux ». Moi je veux bien mais quoi si on n’arrête pas de l’emmerder, pendant qu’il roule son caillou ? Juste au moment où il commençait à s’y faire, à sa petite routine, à son destin, monotone certes, mais stable, et qui lui apporte une certaine reconnaissance en vérité, et même la célébrité, et il pourrait même en plaisanter, de son travail forcé. S’il souffre, si c’est le cas, c’est qu’il est inapte au bonheur, un peu comme le personnage de Liscano. On dit qu’il aime la liberté, mais en fait il est allergique au bien être, qu’il prend pour la mort ou quelque chose dans ce genre là, alors il se retrouve à fouiller dans les déchets de la ville, il se retrouve perdu dans la décharge. Une fois devenu attraction touristique, imaginons que des types, qui se baladent par là pour regarder de leurs propres yeux le phénomène, lui jettent des pierres. Est-ce qu’on pourrait l’imaginer heureux, le Sisyphe, si une nuée de groupies cherchaient à lui faucher les jambes pour s’en faire des trophées, à punaiser au mur ? On pourrait l’imaginer heureux, ou simplement souriant, comment pourrait-il le supporter, son quotidien de labeur, si à un premier supplice s’en ajoutait progressivement un autre, puis encore un, sans aucune chance que la succession des emmerdements, leur chute entêtante, prenne fin ? Est-ce qu’il ne se mettrait pas à l’aimer, son rocher, jusqu’à souhaiter se laisser doucement écraser par sa masse ?
Ce qu’on peut remarquer, si on voulait faire une sorte de critique on le soulignerait peut-être, c’est que les suicidés n’ont pas la parole comme, si je me souviens bien, le naufragé de Bernhard - je te laisse broder là-dessus.
(il paraît que je viens de lire Suicides exemplaires, De Vila-Matas)

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