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[Critique] MY BEAUTIFUL BOY

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] MY BEAUTIFUL BOY

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Note: ★★★★★

Titre original : My Beautiful Boy

Origine : États-Unis

Réalisateur : Felix Van Groeningen

Distribution : Steve Carell, Timothée Chalamet, Jack Dylan Grazer, Maura Tierney, Kaitlyn Dever, Timothy Hutton, Andre Royo…

Genre : Drame/Adaptation

Date de sortie : 6 février 2019

Le Pitch :

David Sheff n’a aucune raison de penser qu’un jour, la vie de son fils (et par extension la sienne) va s’effondrer. Intelligent, bienveillant, Nick Sheff est promis à un brillant avenir. Rien ne peut laisser présager qu’une puissante addiction à la drogue va pousser le jeune homme à s’enfoncer dans les tréfonds d’un enfer qu’il s’est façonné shoot après shoot, depuis l’adolescence. Une addiction que son père va tenter de comprendre pour essayer de l’en sortir. Histoire vraie…

La Critique de My Beautiful Boy :

Connu pour La Merditude des choses et Alabama Monroe, le réalisateur belge Felix Van Groeningen a décidé de passer à l’Ouest. Non pas pour tourner le dos à ses idéaux de cinéma pour se faire bouffer par des producteurs aux dents longues, mais justement pour continuer à raconter des histoires en lien avec le réel. Un premier film américain adapté de deux livres : l’un signé David Sheff, au sujet de l’addiction à la drogue de son fils, et l’autre de Nick Sheff, le fils en question. Deux ouvrages ayant donné naissance au scénario parfait pour donner le champs libre à Felix Van Groeningen et ainsi lui permettre d’illustrer des thématiques puissantes en un tout brillant d’éloquence et d’émotion…

Premier shoot

L’addiction est au centre de multiples films. L’histoire de Nick et David Sheff néanmoins, a certainement « aidé » Felix Van Groeningen à partir dans une direction différente et ainsi à se démarquer. C’est par ailleurs manifeste assez rapidement, tandis que la narration se morcelle en plusieurs fragments sans perdre de sa limpidité. Plutôt que d’avoir à faire à des flash-back dits classiques, le scénario va et vient entre les époques. Le tout sans perdre le spectateur mais au contraire, en lui donnant les clés pour comprendre les personnages, leurs motivations, leurs peines et leurs espoirs et au final décupler l’émotion. Mais au fond, ce qui permet véritablement de faire de My Beautiful Boy (un titre emprunté à un morceau de John Lennon) un film sur l’addiction singulier, c’est son refus de tout miser sur l’aspect misérable du « drogué » en tant que pivot central, pour s’attacher à nourrir une certaine poésie. Une poésie pop, où s’entremêlent les notes de Nirvana, les hurlements de souffrance et les mots d’amour d’un père pour son fils.

My-beautiful-Boy-Carell-Chalamet

Rédemption à répétition

Alors que Nick Sheff n’arrête pas de chuter et de rechuter, son père ne cesse de se battre, avec ses armes, contre un démon polymorphe aussi insaisissable que vicieux. Si il n’oublie pas de traduire les dommages collatéraux que peut avoir l’addiction d’un seul être sur tous ses proches, en s’intéressant aux frères et sœurs de Nick mais aussi à sa mère et à sa belle mère, le film se cristallise davantage sur la relation du père et du fils. Sur cet amour si puissant sans cesse mis à mal par cette attirance pour les drogues de plus en dures. On pourra certes regretter de prime abord que Nick Sheff s’inscrive dans la catégorie un peu vue et revue de ces ados attachés à la littérature classique torturée et à des groupes comme Nirvana, Alice In Chains et compagnie. Groupes eux aussi marqués souvent par l’addiction. On pourra le regretter avant de se souvenir qu’on nous conte ici une histoire vraie. Felix Van Groeningen tient peut-être la caméra et habille le tout, mais l’histoire, le cœur de ces existences menacées par ce mal insidieux, appartient aux auteurs des deux livres au centre du long-métrage. Au fond, c’est d’ailleurs ce refus de chercher à maquiller ce qui pourrait ressembler à des lieux communs, en assumant les moindres inclinaisons de son récit, que Van Groeningen a réussi à taper si juste et si fort.

Espoir tenace

My Beautiful Boy ne détourne pas le regard au moment où la première aiguille pénètre la peau de Nick Sheff pas plus qu’il n’évite les scènes de détresse ultime, du côté du fils comme du père et des autres personnages. Il joue sur tous les fronts, réussissant admirablement à couvrir tous les aspects de l’histoire en conservant un équilibre inouï lui aussi responsable de la réussite de l’ensemble. Pour chaque rechute il y a un mot d’amour, un regard, une scène venue du passé où les liens se réaffirment dans la lumière avant que la noirceur ne vienne à nouveau envelopper le récit. Comme pour Alabama Monroe, le réalisateur parvient à entretenir le beau au sein du laid. Il met l’amour à l’épreuve de la vie dans ce qu’elle peut avoir de plus difficile. Hier la mort comme détonateur ultime du couple, aujourd’hui la drogue comme élément perturbateur pour un père et son enfant. Devant la caméra, Steve Carell et Timothée Chalamet forment un duo de cinéma admirable. Le premier, solide, tout en finesse, dans une détresse totale mais néanmoins aussi caractérisé par son refus de s’effondrer, parvient à livrer une performance dont seuls les plus plus grands peuvent s’acquitter. Timothée Chalamet quant à lui, prouve qu’il est bel et bien déjà un grand. À sa façon, entre cette nonchalance innocente et cette propension à incarner des émotions immédiatement tangibles, il donne sa propre interprétation de son personnage en se l’appropriant sans cesser en rendant justice à ses souffrances, ses contradictions et ses aspirations. Maura Tierney est aussi parfaite, elle qui parvient à exister aux côtés de ses partenaires de jeu. De quoi nous rappeler qu’à l’époque déjà, elle avait largement œuvré pour la survie de la série Urgences, alors qu’une bonne partie des acteurs originaux claquaient tour à tour la porte.

Dans la compréhension…

La réussite exemplaire de My Beautiful Boy tient donc à plusieurs choses : à sa totale compréhension du sujet, à son respect des personnages et aux choix du réalisateur. À cette photographie participant à l’atmosphère si enveloppante que le film réussit à bâtir également. My Beautiful Boy ne cherche pas à se détacher à tout prix mais au final, c’est bel et bien ce qu’il fait. Il prend à revers, avec une audace discrète mais certaine. Dans son utilisation si pertinente de la musique, dans sa façon d’aller à contre-courant des clichés, dans cette émotion grandissante et au final terrassante, il impose sa clairvoyance sur un sujet difficile et sait organiser le combat entre le bien et le mal sans céder à l’excès. Avec toujours cette propension à laisser s’exprimer un lyrisme parfois rude, parfois purement éblouissant, inhérent à la progression difficile mais régulière d’une lumière qui ne s’éteint jamais vraiment.

En Bref…

My Beautiful Boy est ni plus ni moins qu’un immense tour de force. Un film magnifique et tragique, perturbant et terriblement émouvant. Porté par des acteurs en état de grâce, ne cédant à aucune forme de facilité, pertinent en permanence et très précis dans sa mise en image, il s’impose avec naturel et touche en plein cœur.

@ Gilles Rolland

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Crédits photos : Metropolitan FilmExport

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