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Publié le 11 juillet 2008 par Untel

J’ai vu, de mes yeux vu un homme qui se déplaçait, mort-vivant. Ses mouvements n’étaient pas très équilibrés, mais je l’ai quand même vu marcher, du côté de Pigalle (il se croyait vers Odéon ou Saint-Germain-des-Prés), alors qu’il n’était plus du tout aux commandes, et pourtant il avançait, il avait la bouche ouverte qu’on aurait cru qu’il avait envie de se marrer, mais à mieux écouter on se rendait compte que ce froissement des cordes vocales sur l’œsophages était plutôt le signal d’une autre chose, provenant de plus bas que la gorge. J’ai donc vu cet homme, ou plutôt ce corps puisque personne n’était plus aux commandes, cette chose donc, essayer de se raccrocher aux poteaux aux murs aux branches aux gens, et se diriger d’un pas mal assuré mais néanmoins paradoxalement décidé, vers le bar à pute du coin de la rue, il avait même pensé, au préalable, à retirer de l’argent au distributeur, même s’il n’était plus là, qu’il était dans le coma bien profondément enseveli. C’est bien lui qui retirait une somme suffisante pour se payer toutes les putes du quartier. Bref le voilà qui se pose sur un tabouret, on l’a laissé entré et lui-même aurait été le premier à s’en plaindre, s’il avait été conscient de ce qu’était en train de faire son corps, et son portefeuille, mais il s’assoit donc et, maladroit, demande une petite bière mais il n’y a que du champagne ici c’est combien ? a-t-il sûrement demandé ce n’est pas certain je ne l’ai pas suivi jusque là on a été obligé de me raconter, et il paraît que c’est vingt euros alors il a dit d’accord , rien n’avait de sens, et il se demandera comment il a pu, alors qu’il était déjà mort depuis belle lurette, et le cerveau sous plusieurs couches de boue, accepter ou refuser quoi que ce soit. Quoi qu’il en soit une pute, c’est son métier, s’installe sur le tabouret à côté du sien, son œil s’ouvre démesurément pour l’apercevoir, une femme laide, la quarantaine ou la cinquantaine, de gros seins, et les jours suivants, dès qu’il apercevra des gros sein et des lèvres peintes, il pensera à cette pute, qu’il n’aurait pas reconnu s’il l’avait croisée, c’est bien le problème. Bref quelques heures il reste là, absent certes, mais il aurait pu être ailleurs, chez lui par exemple, mais non il restait là, avec cette veille pute, encore un peu de champagne ? oui pourquoi pas, vas-y je te le paie, à moins que ça donne plutôt hein ? ouais hum euh champ wouais ok si tu veux ?! Tu sais, on a des endroits plus calmes là-haut, on pourrait monter tous les deux. Non merci, je vais rester là (tu es trop laide, désolé, mais tu es gentille alors je reste et je crève ici si ça ne te dérange pas, t’en as rien à foutre, très bien, tiens prends mon fric, je te le donne à toi plutôt qu’à mon patron, ça te dérange si je t’embrasse encore le sein ?) Il l’a embrassée sur le sein, à un moment, elle n’arrêtait pas de répéter son prénom, mais non C. tu n’es pas comme ça, mais non etc. (que pouvait-il bien lui raconter ? – à un moment, pris de remords il lui sort : désolé, je te fait perdre ton temps, je ne monte pas avec toi – il n’avait pas encore vu l’addition, il se croyait inutile – les pigeons servent à quelque chose) Je l’ai vu mais je ne saurais dire comment il est rentré chez lui, d’ailleurs on a dû l’aider pour que la clé fonctionne comme elle le fait d’habitude, il n’est pas cliniquement mort mais on aurait tout aussi bien pu le retrouver à la déchèterie un couteau dans le ventre.

Après avoir vu le dernier film, merdique, de Romero, avec des morts-vivants dedans


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