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Juste après mai 1968…

Publié le 25 février 2019 par Jacquesmercier @JacquesMercier

Voici un autre extrait de mes Mémoires en cours d’écriture. Cela se passe juste après mai 1968 et c’est la rencontre avec la toute neuve et créative chanson française québécoise. Bonne lecture et encore un peu de patience pour la suite et la fin…

A la suite de mai 68, la création eut des beaux jours d’effervescence. Même si l’objet disque faisait partie de la société de consommation, en particulier pour notre jeune génération, il donnait aussi la possibilité d’innover, de chercher, de s’exprimer. Toute la palette s’offrait à nous : du plus basique et rythmé au plus profond et poétique. Dans la chanson, Jacques Brel avait apporté notre voix dans le concert international. Annie Cordy s’était installée avec succès à Paris et Salvatore Adamo bénéficiait de la nouvelle vague. Le point commun, dans ce domaine comme dans d’autres, était toujours de récolter un succès parisien avant d’être reconnu chez nous. Parmi les multiples raisons de ce constat : l’exiguïté du territoire, du marché et du public, l’attrait de la France culturelle pour les francophones, etc.

Cependant, surgit alors un phénomène nouveau, auquel beaucoup d’entre nous participions. L’industrie du disque fleurissait comme jamais et les distributeurs locaux avaient quelque latitude pour découvrir des artistes locaux, voire créer un label. Ce ne fut rendu possible chez nous que par des soutiens nouveaux, par exemple liés à l’identité francophone, amplifiée depuis l’existence de la frontière linguistique, et par l’appui de notre programmation sur les antennes nationales. Sans obligation de quotas, nous nous sentions concernés par l’existence de nos artistes, encouragés d’ailleurs par l’exemple québécois. Ceux-ci se dégageaient de la double tutelle anglo-saxonne et française.

Du Canada francophone, je n’avais connu que la chanteuse Aglaé, venue vivre en France avec le premier partenaire de Charles Aznavour. Sa rengaine inondait les ondes jusqu’à nous exaspérer : « Il m’a dit « Aglaé », même si j’m’appelle Ernestine » ! Remarquez que j’avais le même énervement avec des chansons aussi diverses que « La polka du roi » de Charles Trenet ou « Milord » de Moustaki et Piaf.

Si nous connaissions Robert Charlebois, un autre chanteur québécois vint me rendre visite à la maison : Claude Léveillée. Dans sa « boîte à chansons », comme on appelle les cabarets là-bas, il avait engagé Gilles Vigneault et nous en parlait abondamment. Sa chanson Frédéric me remplissait d’émotion :

« Je me fous du monde entier / Quand Frédéric me rappelle / Les amours de nos vingt ans (…) On n’était pas des poètes / Ni curés, ni malins / Mais papa nous aimait bien / Tu t’rappelles le dimanche ? / Autour d’la table, / Ça riait, discutait / Pendant qu’maman nous servait… »

Plus tard, j’aurais l’occasion de faire connaissance de Pauline Julien – qui me disait adorer mes yeux gris/bleus ! – de Diane Dufresne, qui avait la poitrine nue, mais peinte de fleurs de lys ; je ne l’avais pas remarqué tout de suite – on n’aurait pas pu sans être giflé prononcer les mots anglais de body painting –, de Fabienne Thibault, de Beau Dommage et de Diane Tell, dont Si j’étais un homme demeure un chef-d’œuvre.

« Moi, si j’étais un homme, je serais capitaine / D’un bateau vert et blanc, / D’une élégance rare et plus fort que l’ébène / Pour les trop mauvais temps. »

Juste après mai 1968…

Pauline Julien


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