Magazine Cinéma

Vice. Un homme parfait

Par Balndorn
Vice. Un homme parfait
Résumé : Fin connaisseur des arcanes de la politique américaine, Dick Cheney a réussi, sans faire de bruit, à se faire élire vice-président aux côtés de George W. Bush. Devenu l'homme le plus puissant du pays, il a largement contribué à imposer un nouvel ordre mondial dont on sent encore les conséquences aujourd'hui…
De nuit, la police du Wisconsin arrête un chauffard particulièrement éméché, dont le visage atteste d’une bagarre récente. Un pauvre type comme il y en a tant au Midwest. Sauf que ce gars-là, un certain Dick Cheney, finira vice-président des États-Unis d’Amérique sous le double mandat de George W. Bush (2001 – 2009).
Machiavel à la Maison Blanche
Il faut comprendre Vice comme une satire politique. Le genre est à la mode dans l’Amérique de Trump : également présent aux Oscars et récompensé du prix du meilleur scénario adapté, BlacKkKlansman s’attaquait en filigrane à la politique présidentielle sous couvert de se moquer du Ku Klux Klan. Comme Spike Lee, Adam McKay prétend, avec Vice, remonter discrètement la généalogie de la victoire de Trump. Il n’a pas besoin de remonter aux années 70. La présidence de Bush Jr suffit ; ou, si l’on veut vraiment étudier l’arrivée au pouvoir d’une génération, il faut remonter aux années 80 du contre-révolutionnaire Reagan.Dick Cheney (étonnant Christian Bale, dont la performance physique semblait taillée sur mesure pour les Oscars) est un homme ambitieux. Ambition personnelle, bien sûr ; d’idéaux politiques, il n’en a que lors qu’ils servent ses intérêts propres. Une leçon qu’il a rapidement apprise auprès de son mentor Donald Rumsfeld (Steve Carell), lorsqu’il en était encore l’assistant sous Nixon. Lorsque Cheney demande naïvement à Rumsfeld : « Quelles sont nos convictions ? », celui-ci se fend d’un éclat de rire monumental. De convictions, il n’y en a que des machiavéliennes : chérir le pouvoir, conquérir le pouvoir, conserver le pouvoir.Aussi excessive soit la thèse soutenue par Vice sur la guerre en Irak (Cheney l’aurait sciemment mise en œuvre de manière à s’approprier les champs pétrolifères pour le compte d’Halliburton, société d’ingénierie dont il était PDG), elle a le mérite de mettre en exergue les vices inhérents au système représentatif. Tout représentant ne représente que lui-même. Sous couvert d’élection démocratique, c’est toute une clique formée à la même école – celle de la dérégulation, de l’impérialisme américain et de l’avidité personnelle – qui s’arroge le pouvoir de la plus puissante nation du monde à l’occasion de l’investiture du benêt Georges W. Bush (Sam Rockwell, qui poursuit sa figuration des gentils idiots après Three Billboards). Car Dick Cheney n’est pas seul. Vice brosse le portrait du clientélisme électoral américain. Bien épaulé par sa femme Lynne (Amy Adams), la vice du futur vice, entouré d’amis fidèles et puissants, Dick sait à qui parler et comment parler. La démocratie représentative est l’euphémisme qu’on utiliser pour qualifier les stratégies au moyen desquelles une caste se maintient au pouvoir en usant et abusant de flatteries et de cadeaux faussement désintéressés.
Le montage, pied-de-nez au destin
Fort heureusement, Vice camoufle cette sévère critique institutionnelle dans une habile forme filmique. Bien qu’il n’ait pas eu l’Oscar du meilleur montage, attribué à Bohemian Rhapsody, on peut saluer le travail accompli par Hank Corwin. Le monteur s’amuse à écorner la narration plutôt lisse et gentillette des biopics (quoi qu’en la matière, les choses tendent à changer ces dernières années, en témoignent Jackie ou First Man). Même si l’œuvre avance de manière linéaire, ce n’est pas sans à-coups. À plus d’une reprise, le montage se plaît à formuler des choix de vie imaginaires, à rompre le quatrième mur ou à glisser des métaphores animalières. Bref, à déconstruire l’idée d’un destin promis à Dick Cheney.Si l’homme arriva jusque-là, ce n’est pas en raison d’un talent inné ou de la justesse de ses idéaux. C’est uniquement parce que, tel le pêcheur ferrant un gros poisson à force patiente (scène hilarante lors de laquelle Cheney-le-pêcheur convainc Bush-le-poisson de lui céder quasiment les pleins pouvoirs au moyen d’un montage parallèle) ou tel le lion attrapant une gazelle (autre scène de ce genre), Cheney connaissait les rouages du système politique. S’il devint vice-président, c’est car il sut profiter des vices du système.À nous de voir si l’on souhaite maintenir une institution sclérosée et corrompue, ou, tel le montage de Vice, si l’on préfère envisager d’autres avenirs meilleurs, avec ou sans Dick Cheney.
Vice. Un homme parfait
Vice, Adam McKay, 2018, 2h14
Maxime
Si vous avez aimé cet article, n'hésitez pas à me soutenir sur Tipeee !  

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Balndorn 391 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine